Un an après la Société Européenne d’Hypertension (ESH?), la Société Européenne de Cardiologie (ESC?) publie en Aout 2024 ses recommandations pour la prise en charge de la pression artérielle élevée et de l’hypertension artérielle. La version antérieure des recommandations ESH-ESC 2018 avait été co-signée par les deux sociétés savantes. Cependant, les recommandations ESH 2023, gigantesques (plus de 1000 références) n’ont pas été bien perçues par la communauté médicale spécialisée :
— Texte trop fouillis, parfois peu compréhensible,
— 400 références sur la mesure de la pression artérielle, et paradoxalement des cibles définies de façon arbitraire et sans préciser la méthode de mesure !
— Une mainmise controversée des recommandations par le groupe de Milan,
— Des recommandations tout sauf audacieuses devant la nécessité de trouver un minimum de consensus commun entre les experts d’horizons très différents.
Ceci explique pourquoi l’ESC a souhaité d’élaborer ses propres recommandations avec un parti-pris plus pragmatique. Notons que ces dernières recommandations se rapprochent davantage de celles de l’AHA?, notamment concernant les cibles tensionnelles.
Ci-dessous, un résumé synthétique des recommandations ESC 2024. Les données concernant les populations particulières et la gestion des urgences hypertensives sont traitées dans les cours correspondants.
5.1. Introduction et définitions pertinentes
Cette section examine les aspects pratiques de la mesure de la pression artérielle (PA), y compris la technique et la validation clinique des dispositifs. Elle évalue également les méthodes les plus appropriées pour dépister l’hypertension, poser un diagnostic, et gérer les patients sous traitement antihypertenseur. Les lignes directrices actuelles recommandent l’utilisation de mesures hors cabinet pour le diagnostic et la gestion de l’hypertension, justifiées par une meilleure corrélation avec les résultats cliniques, la détection de l’hypertension « blouse blanche » et masquée, et de nouveaux objectifs thérapeutiques aussi bas que 120–129 mmHg pour la pression systolique (Tableau 5).
Tableau 5 : Comparaison des seuils de mesure de la PA en cabinet, à domicile et par monitorage ambulatoire pour l’hypertension
Mesure de la PA (mmHg) | PA non élevée | PA élevée | Hypertension |
---|---|---|---|
Cabinet | <120/70 | 120/70 – <140/90 | >140/90 |
Domicile | <120/70 | 120/70 – <135/85 | >135/85 |
MAPA 24h | <115/65 | 115/65 – <130/80 | >130/80 |
MAPA diurne | <120/70 | 120/70 – <134/84 | >135/85 |
MAPA nocturne | <110/60 | 110/60 – <119/69 | >120/70 |
La mesure en cabinet n’est pas toujours standardisée, ce qui peut entraîner des valeurs supérieures de 5–10 mmHg comparé à une approche standardisée.
Définitions :
PA systolique : Pression artérielle pendant la systole. Mesurée à l’apparition du premier son de Korotkoff.
PA diastolique : Pression artérielle pendant la diastole. Mesurée à la disparition du cinquième son de Korotkoff.
Différence inter-bras : Différence >10 mmHg de PA systolique entre les deux bras.
Hypotension orthostatique : Chute >20 mmHg en systolique et/ou >10 mmHg en diastolique après passage à la position debout.
Hypertension « blouse blanche » : PA élevée en cabinet mais normale en mesure à domicile ou ambulatoire.
Hypertension masquée : PA normale en cabinet mais élevée à domicile ou en ambulatoire.
PA en cabinet : Mesurée manuellement ou avec un dispositif automatisé.
Mesure à domicile (AMT) : Auto-mesure par le patient à l’aide d’un moniteur validé.
Mesure ambulatoire (MAPA) : Mesure automatisée sur 24 heures à intervalles réguliers.
5.2. Recommandations pratiques pour la mesure de la PA
5.2.1. Validation clinique des équipements
Il est impératif d’utiliser des dispositifs validés pour garantir l’exactitude des mesures. Seuls 6 % des dispositifs oscillométriques commerciaux ont été suffisamment testés. Les organismes nationaux et internationaux fournissent des listes de moniteurs validés (par ex. https:www.stridebp.org).
5.2.2. Mesure de la PA en cabinet
Les circonstances de la mesure, telles que la position du patient et la technique utilisée, influencent les résultats. Une méthode standardisée est recommandée : le patient doit être assis confortablement après 5 minutes de repos, avec le bras soutenu au niveau du cœur, sans vêtements serrés au niveau du brassard. Trois mesures doivent être réalisées à une à deux minutes d’intervalle et la valeur considérée est la moyenne des deux dernières mesures. Des mesures additionnelles doivent être réalisées si la différence entre deux mesures consécutives est > 10 mm Hg.
5.2.3. Mesure de la PA à domicile
La mesure à domicile (AMT) consiste à ce que le patient mesure sa propre PA à l’aide d’un dispositif validé, généralement deux fois par jour sur une période d’au moins 3 et idéalement 7 jours, en prenant deux mesures à chaque session. Une moyenne des mesures est calculée pour évaluer la PA.
5.2.4. Mesure ambulatoire de la PA
La mesure ambulatoire (MAPA) utilise un dispositif automatisé sur 24 heures, mesurant la PA à intervalles de 15 à 60 minutes. Les valeurs moyennes sur 24 heures, en journée et de nuit sont utilisées pour diagnostiquer l’hypertension.
5.3. Meilleure méthode de mesure de la PA pour diagnostiquer l’hypertension
La mesure en cabinet est souvent utilisée pour le dépistage, mais la confirmation du diagnostic nécessite des mesures répétées, idéalement hors cabinet. Pour des PA de 160–179/100–109 mmHg, une confirmation rapide par des mesures répétées est recommandée. Des valeurs supérieures à 180/110 mmHg nécessitent une évaluation urgente.
5.4. Meilleure méthode pour la gestion à long terme de l’hypertension
Pour la gestion à long terme, il est conseillé de combiner les mesures en cabinet avec celles hors cabinet, notamment la mesure à domicile et ambulatoire, pour mieux évaluer les variations de la PA et ajuster le traitement.
5.5. Mesure de la PA dans des groupes spécifiques
Les mesures doivent être adaptées selon le contexte, par exemple pendant la grossesse ou en présence d’arythmie (fibrillation auriculaire).
5.6. Nouvelles méthodes de mesure de la PA
Des technologies émergentes, telles que les dispositifs sans brassard et les capteurs portables, sont en cours de développement. Cependant, en raison de l’absence de consensus sur les normes de validation, ces dispositifs ne sont pas encore recommandés pour un usage clinique.
6.1. Définition et classification de l’hypertension
Les études épidémiologiques montrent une association continue et log-linéaire entre la pression artérielle (PA) et les événements cardiovasculaires (ECV), même à des niveaux aussi bas que 90 mmHg pour la pression systolique. Plus la PA est élevée, plus le risque relatif d’ECV, y compris l’athérosclérose, est important. Les essais cliniques randomisés (ECR) complètent ces données, démontrant que la réduction de la PA réduit les événements CV. Certaines études suggèrent un risque relatif plus élevé d’ECV pour une PA donnée chez les femmes comparé aux hommes.
Un mode de vie sain doit être encouragé chez tous les adultes pour prévenir l’augmentation de la PA et le développement de l’hypertension. Les lignes directrices de 2024 proposent une classification simplifiée de la PA (Figure 6). La priorité est donnée aux preuves issues des essais randomisés. Toutefois, l’interprétation des données reste subjective et aucune classification de la PA ne peut être considérée comme immuable.
L’hypertension est définie par une PA systolique en cabinet de >140 mmHg ou une PA diastolique de >90 mmHg, confirmée par des mesures hors cabinet (AMT ou MAPA) ou au moins une mesure répétée en cabinet. Cette définition repose sur des méta-analyses des ECR qui démontrent le bénéfice du traitement chez les patients ayant une PA au-dessus de ce seuil et un risque accru d’ECV. Une nouvelle catégorie, la « PA élevée », est introduite pour une PA systolique de 120–139 mmHg ou PA diastolique de 70–89 mmHg. Le traitement pharmacologique est suggéré pour les sous-groupes à risque accru d’ECV.
6.2. Approche basée sur le risque pour la gestion de la pression artérielle et la prévention des maladies cardiovasculaires
Les essais randomisés montrent une réduction constante du risque d’ECV par unité de diminution de la PA. Cependant, les interventions médicales ont un coût et des effets secondaires, d’où la nécessité de cibler les patients les plus susceptibles de bénéficier du traitement. Pour les adultes ayant une PA élevée, une évaluation formelle du risque cardiovasculaire est recommandée.
6.2.1. Rôle de l’évaluation du risque de maladie cardiovasculaire
Le risque d’événements CV augmente de manière log-linéaire avec des augmentations constantes de la PA. À des niveaux de PA plus élevés, il existe une association avec d’autres facteurs de risque de CVD, ce qui signifie que de nombreux patients hypertendus ont un risque estimé à 10 ans pour les événements CVD de >10 %. Une proportion importante des excès d’événements CVD attribuables à la PA se produit chez les patients ayant des niveaux de PA en dessous du seuil traditionnel de diagnostic de l’hypertension, ce qui justifie une approche de traitement basée sur le risque.
6.3. Prédiction du risque cardiovasculaire
Certaines conditions, comme la maladie rénale chronique modérée ou sévère, le diabète, ou l’hypercholestérolémie familiale, sont associées à un risque cardiovasculaire suffisant pour envisager un traitement hypotenseur chez les adultes ayant une PA élevée. En l’absence de ces conditions à risque élevé, des modèles de prédiction tels que SCORE2 et SCORE2-OP sont recommandés pour estimer le risque sur 10 ans des événements CVD.
6.3.1. Modèles de prédiction du risque de maladie cardiovasculaire sur 10 ans
Les modèles SCORE2 (pour les 40–69 ans) et SCORE2-OP (pour les >70 ans) sont recommandés pour prédire le risque global sur 10 ans d’événements CVD. Ces modèles sont préférés car ils prennent en compte les événements CVD mortels et non mortels et sont ajustés pour les populations européennes.
Pour les décisions de traitement antihypertenseur, les individus ayant une PA élevée et un risque CV prédictif sur 10 ans de >10 % sont considérés comme à risque suffisant pour bénéficier d’un traitement, qu’il soit médicamenteux ou basé sur le mode de vie.
6.4. Affinement de l’estimation du risque cardiovasculaire au-delà des modèles de risque
Les modèles SCORE2 intègrent les facteurs de risque traditionnels tels que l’âge, le sexe, la PA, le cholestérol, et le statut tabagique, mais n’incluent pas les facteurs de risque non traditionnels (modificateurs de risque). Ces modificateurs peuvent améliorer la performance prédictive des modèles et aider à reclassifier les patients à risque borderline.
6.4.1. Modificateurs de risque cardiovasculaire spécifiques au sexe
Les antécédents de troubles hypertensifs de la grossesse, comme l’hypertension gestationnelle ou la prééclampsie, augmentent le risque à long terme de CVD chez les femmes. D’autres complications telles que le diabète gestationnel et les accouchements prématurés augmentent également ce risque.
6.4.2. Modificateurs de risque cardiovasculaire partagés par les hommes et les femmes
Certains facteurs, comme le diabète, la maladie rénale chronique, l’hypercholestérolémie familiale, l’origine ethnique à haut risque d’ECV, les antécédents familiaux de MCV précoce, l’infection HIV, et les maladies inflammatoires, sont associés à un risque accru de MCV et peuvent être pris en compte pour affiner l’évaluation du risque.
6.4.3. Tests supplémentaires de décision de risque
Les scores de calcium coronaire et la détection des plaques carotidiennes ou fémorales peuvent améliorer la prédiction du risque CV. Ces tests sont recommandés lorsque la décision de traitement reste incertaine après l’évaluation du risque.
6.5. Résumé de l’approche de stratification du risque cardiovasculaire pour l’allocation du traitement antihypertenseur
La PA mesurée combinée aux modèles de prédiction de risque à 10 ans et aux modificateurs de risque non traditionnels doit être utilisée pour stratifier le risque lors de l’allocation du traitement hypotenseur pour les personnes avec une PA élevée. Pour les patients avec une hypertension confirmée, le traitement antihypertenseur est recommandé sans besoin de stratification de risque supplémentaire.
7.1. Dépistage de l’hypertension
L’hypertension est principalement asymptomatique et détectée lors de dépistages systématiques ou opportunistes en milieu médical. Le dépistage systématique implique d’inviter des individus à se rendre en centre de soins pour mesurer leur PA et évaluer leur risque cardiovasculaire (RCV). Le dépistage opportuniste consiste à mesurer la PA lors de visites pour d’autres motifs (consultations de routine ou traitement d’une pathologie). Le dépistage autonome et par des non-médecins est de plus en plus courant.
Les données sur l’efficacité des différentes stratégies de dépistage de l’hypertension pour réduire la morbidité et la mortalité sont limitées. Le dépistage opportuniste en soins primaires semble efficace, avec environ 90 % des adultes de plus de 40 ans au Royaume-Uni ayant une mesure de PA sur une période de 5 ans. Ce taux pourrait varier dans d’autres pays.
Les initiatives mondiales, telles que le « May Measurement Month » ou les programmes de dépistage en milieu communautaire, montrent que le dépistage augmente la détection de l’hypertension, et ses bénéfices l’emportent probablement sur les risques. Le dépistage de l’hypertension doit être répété périodiquement, par exemple tous les 3 ans, avec des contrôles plus fréquents pour les individus à risque accru.
7.2. Confirmation du diagnostic de l’hypertension
La mesure de la PA en cabinet a une spécificité inférieure à l’ABPM pour le diagnostic de l’hypertension. Par conséquent, une confirmation par mesures hors cabinet est préférable, en particulier pour les PA initiales >160/100 mmHg. Une réévaluation rapide, idéalement avec AMT ou MAPA, est recommandée, surtout pour des PA >180/110 mmHg, pour exclure les urgences hypertensives.
7.3. Communication du diagnostic
Les réactions comportementales à un diagnostic de santé sont influencées par cinq thèmes : l’identité, la durée, la cause, les conséquences et le contrôle/guérison. Ces représentations influencent la compréhension du patient et sa réponse après le diagnostic d’hypertension. La compréhension de la chronicité de l’hypertension est cruciale pour garantir l’engagement à long terme au traitement médical. Il est utile de vérifier si le patient perçoit la nécessité des médicaments et s’il a des inquiétudes.
7.4. Évaluation initiale et approche diagnostique
7.4.1. Antécédents médicaux, médicamenteux et examen clinique
L’évaluation clinique vise à diagnostiquer l’hypertension, identifier les facteurs de risque de MCV, et rechercher des causes secondaires potentielles. L’adhérence et la persistance au traitement doivent également être évaluées, car elles sont souvent insuffisantes dans les affections asymptomatiques comme l’hypertension. Les méthodes objectives d’évaluation de l’adhérence, comme la détection des médicaments dans les échantillons de sang ou d’urine, peuvent être utiles.
7.4.3. Tests de routine et optionnels
Les tests de routine comprennent des analyses pour détecter le risque accru de MCV et les comorbidités (ex. : glycémie, lipides, fonction rénale, ECG). Les tests optionnels peuvent être envisagés si susceptibles de modifier la gestion du patient en améliorant la stratification du risque de MCV, en particulier chez ceux ayant une PA élevée avec un risque estimé de 5 % à <10 % sur 10 ans.
7.4.3.1. Les reins
La maladie rénale chronique (MRC) est évaluée par la créatinine sérique, le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe), et l’albuminurie (RAC). Une surveillance au moins annuelle est recommandée pour les patients diagnostiqués avec une MRC cliniquement significative.
7.4.3.2. Le cœur
L’ECG fait partie de l’évaluation initiale de l’hypertension. L’échocardiographie est recommandée en cas de symptômes cardiaques ou d’ECG anormal. L’évaluation des dysfonctionnements cardiaques précoces aide à prédire les événements cardiovasculaires.
7.4.3.3. Les artères
L’angiographie CT ou l’échographie carotidienne détecte la présence de plaques. La rigidité artérielle est mesurée par la vitesse de l’onde de pouls (VOP) et contribue à la reclassification du risque.
7.5. Hypertension résistante : définition et diagnostic
L’hypertension résistante se réfère à une condition où un traitement maximal n’abaisse pas la PA en dessous de 140/90 mmHg, confirmée par des mesures hors cabinet. La pseudo-résistance, incluant l’adhérence insuffisante au traitement ou l’effet blouse blanche, doit être exclue avant de diagnostiquer une hypertension résistante.
7.6. Hypertension secondaire : quand dépister et investigations supplémentaires
L’hypertension secondaire est plus fréquente qu’on ne le pensait, touchant 10 % à 35 % des patients hypertendus, et jusqu’à 50 % chez ceux présentant une hypertension résistante. Les causes fréquentes incluent l’hyperaldostéronisme primaire, la maladie rénovasculaire, et le syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS).
Pour chaque cause secondaire suspectée, des tests spécifiques sont recommandés (par exemple, le ratio aldostérone/rénine pour l’hyperaldostéronisme, et la polysomnographie pour le SAOS). Une approche systématique et une référence à des centres spécialisés sont souvent nécessaires pour les cas complexes.
L’objectif principal de la prévention et du traitement de l’hypertension est de réduire les maladies cardiovasculaires (MCV), d’améliorer la qualité de vie et de prévenir la mortalité prématurée. Outre la pression artérielle, d’autres facteurs de risque cardiovasculaire (tabagisme, glycémie, dyslipidémie) doivent être pris en compte. Ces facteurs de risque ont des effets multiplicateurs sur le risque de MCV.
8.1. Stratégies de prévention dès la jeunesse
La pression artérielle élevée dès l’enfance persiste à l’âge adulte. En 2022, l’hypertension chez les enfants a été redéfinie par un document de consensus de l’ESC. Les recommandations pour le dépistage de l’hypertension chez les enfants et adolescents sont disponibles dans les tableaux des preuves.
8.2. Interventions non pharmacologiques
Un mode de vie malsain est un contributeur majeur à l’hypertension et à l’augmentation de la PA. Les interventions sur le mode de vie sont cruciales dans les recommandations de ces lignes directrices en raison de leurs nombreux bénéfices sur la santé mentale et physique. Contrairement aux interventions médicales, les interventions sur le mode de vie obtiennent une recommandation de classe I même sans preuve d’efficacité par essais cliniques sur la réduction des événements CV, car les risques d’effets indésirables sont faibles.
8.2.1. Apports en sodium et potassium
Sodium : La réduction de la consommation de sel diminue les événements CV, surtout dans les populations à forte consommation de sel. Les études montrent une relation dose-réponse entre la réduction du sodium et la diminution de la PA. Une réduction du sel de 2,5 g/jour est associée à une réduction de 20 % des événements CV à l’échelle de la population. Il est recommandé de limiter la consommation de sodium à environ 2 g/jour, soit environ 5 g de sel par jour.
Potassium : Un apport optimal en potassium, principalement par une alimentation riche en fruits et légumes, a des effets hypotenseurs. L’OMS recommande plus de 3,5 g/jour de potassium. Une augmentation de l’apport en potassium de 0,5 à 1 g/jour, en plus de la réduction du sodium, est suggérée chez les patients hypertendus pour améliorer le rapport sodium/potassium et réduire le risque CV.
8.2.2. Activité physique et exercice
L’exercice aérobie est recommandé en première ligne pour réduire la PA chez les patients hypertendus. L’exercice régulier peut réduire la PA systolique de 7 à 8 mmHg et la PA diastolique de 4 à 5 mmHg. Les recommandations incluent au moins 150 minutes d’exercice aérobie modéré par semaine ou 75 minutes d’exercice vigoureux, avec des bénéfices supplémentaires pour des durées plus longues. Des exercices de résistance légers à modérés 2 à 3 fois par semaine sont également recommandés.
8.2.3. Réduction du poids et alimentation
L’obésité viscérale est fréquemment associée à l’hypertension. Une perte de poids moyenne de 5 kg est associée à une réduction de 4,4 mmHg de la PA systolique. Les régimes comme le régime méditerranéen et le régime DASH sont recommandés pour réduire la PA et le risque CV. Les médicaments pour la perte de poids, tels que les agonistes des récepteurs GLP-1, montrent également des effets bénéfiques sur la PA.
8.2.4. Alcool, café et boissons sucrées
La consommation excessive d’alcool augmente la PA à long terme, et même des doses faibles augmentent le risque d’hypertension chez les hommes. La consommation de café n’est pas associée à un risque accru d’hypertension, et pourrait même être bénéfique. Les boissons énergétiques riches en caféine et taurine augmentent la PA et sont déconseillées. Les boissons sucrées augmentent le risque de MCV et il est recommandé de limiter la consommation de sucres ajoutés à un maximum de 10 % des apports énergétiques.
8.2.5. Tabagisme
L’arrêt du tabac est l’une des mesures les plus efficaces pour prévenir les événements CV. Les cigarettes électroniques peuvent augmenter la PA, mais les données sur les effets à long terme sont limitées. Les interventions intensives sont recommandées pour aider à l’arrêt du tabac.
8.3. Interventions pharmacologiques
8.3.1. Stratégie de traitement pour réduire les événements cardiovasculaires indésirables
L’objectif principal de la réduction de la pression artérielle (PA) est de prévenir les événements CV. La réduction relative du risque associée à une baisse de la PA est largement indépendante de la PA initiale. Il existe une relation claire entre l’intensité de la réduction de la PA et la diminution relative et absolue du risque d’événements CV pour tous les adultes, quel que soit l’âge, le sexe, l’existence de MCV préalable, le diabète ou la fibrillation atriale (FA). L’évidence solide pour la stratégie du « plus bas est mieux, mais dans des limites raisonnables » nécessite des règles de décision pour sélectionner les patients les plus susceptibles de bénéficier du traitement.
8.3.2. Classes de médicaments avec des preuves d’efficacité sur les résultats cliniques
Les principales classes de médicaments avec des preuves solides de réduction des événements CV sont : -- les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC), -- les bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine (ARA2), -- les bloqueurs des canaux calcium dihydropyridines (CCB), -- les diurétiques (thiazidiques et thiazide-like), -- les bêta-bloqueurs.
Les quatre premières sont recommandées en première ligne pour le traitement de l’hypertension dans la population générale. Les bêta-bloqueurs sont ajoutés de préférence en cas d’angine de poitrine, d’insuffisance cardiaque, après un infarctus du myocarde ou pour le contrôle de la fréquence cardiaque, où ils constituent la base du traitement. Les bêta-bloqueurs sont moins efficaces que les autres classes pour prévenir les AVC et sont associés à un risque accru de diabète de novo. Les bloqueurs du système rénine-angiotensine (BSRA) et les BCC montrent une meilleure efficacité dans la prévention de la progression des atteintes d’organes médiées par l’hypertension (AOC) par rapport aux bêta-bloqueurs.
8.3.3. Nouvelles thérapies en attente de preuves de résultats cardiovasculaires avant une utilisation courante
D’autres classes de médicaments, telles que les inhibiteurs de la néprilysine et les inhibiteurs de SGLT2, ont montré des effets hypotenseurs prometteurs, mais nécessitent des essais de résultats cardiovasculaires avant de pouvoir être recommandées pour l’hypertension.
8.3.4. Combinaisons médicamenteuses et stratégies de titration
La combinaison de médicaments de différentes classes peut avoir des effets additifs ou synergiques sur la réduction de la PA, et permettre une meilleure maîtrise de la PA avec des doses plus faibles, réduisant les effets secondaires et améliorant l’adhérence au traitement. Pour la plupart des patients hypertendus, une combinaison en pilule unique, initialement à faible dose, est recommandée. En cas de PA non contrôlée malgré une trithérapie optimisée, l’ajout de spironolactone doit être envisagé, avec d’autres alternatives possibles si nécessaire.
8.3.5. Algorithme pratique pour un abaissement intensif, efficace et tolérable de la pression artérielle par traitement pharmacologique
L’algorithme proposé introduit une stratégie de double (AC, AD ou CD) puis triple (ACD) combinaison à faible dose tout en surveillant la tolérance des patients hypertendus, avant de commencer à augmenter les doses si nécessaire.
8.3.6. Moment de l’administration des médicaments hypotenseurs
Les preuves actuelles ne montrent pas de bénéfice d’un moment précis pour la prise des médicaments hypotenseurs sur les principaux résultats CVD. Il est essentiel de prendre les médicaments au moment le plus pratique pour améliorer l’adhérence.
8.4. Sélection des patients pour le traitement pharmacologique
Pour les patients diagnostiqués avec une hypertension confirmée (PA > 140/90 mmHg), il est recommandé de commencer un traitement hypotenseur indépendamment du risque cardiovasculaire. Des interventions sur le mode de vie sont également cruciales dès le début et doivent être fortement encouragées.
8.5. Intensité du traitement hypotenseur et cibles de traitement idéales
La réduction de la PA avec les principaux médicaments est similaire, avec une baisse attendue de la PA de 9/5 mmHg en monothérapie. Après avoir fortement considéré de recommander une cible tensionnelle exactement à 120/70 mmHg (valeur optimale), Le groupe de travail a choisi une valeur de 120–129/70–79 mmHg pour plus de flexibilité, et en tenant compte de la tolérance au traitement et des exceptions spécifiques, telles que la fragilité modérée à sévère ou une espérance de vie limitée.
8.6. Dispositifs de réduction de la pression artérielle
8.6.1. Dénervation rénale par cathéter
La dénervation rénale a démontré une efficacité hypotensive dans un large éventail de patients, y compris ceux souffrant d’hypertension résistante. Les études suggèrent une réduction soutenue de la PA sur plusieurs années, bien que des essais sur les résultats cardiovasculaires soient encore nécessaires pour confirmer ses bénéfices à long terme.
8.7. Conséquences involontaires et potentiellement nuisibles de la réduction de la pression artérielle
8.7.1. Effets indésirables des médicaments hypotenseurs
Les médicaments hypotenseurs peuvent entraîner des effets secondaires, notamment des maux de tête, de la toux et des vertiges. Les patients fragiles sont particulièrement exposés aux conséquences involontaires de la baisse de la PA, comme l’hypotension et les chutes, nécessitant une personnalisation des objectifs thérapeutiques.
Les recommandations spécifiques pour l’initiation et le suivi du traitement hypotenseur sont fournies dans les tableaux des preuves associés.
Certaines populations de patients présentent toutefois des spécificités de prise en charge en raison de leurs caractéristiques spécifiques et des risques associés.
9.1 Chez l’adulte jeune (18-40 ans) :
L’HTA est en augmentation dans cette tranche d’âge souvent liée à une dégradation du mode de vie, à l’obésité et des facteurs socio-économiques. La prévalence des HTA secondaires est particulièrement élevé dans cette population et un bilan spécifique de recherche d’une cause secondaire est particulièrement indiqué sauf chez les obèses pour lequel un dépistage premier d’un SAOS doit d’abord être réalisé (I/B). Il convient de se rappeler que l’évaluation du risque cardiovasculaire ne doit pas utiliser le score de risque cardiovasculaire SCORE-2 puisque celui-ci n’est pas validé chez les moins de 40 ans ; et un screening des atteintes des organes cibles doit être méticuleusement réalisé (IIb/B) et peut permettre de mieux stratifier le risque cardiovasculaire. Une attention particulière à l’adhésion thérapeutique et à l’observance doit être accordé puisque cette tranche d’âge pose d’importants problèmes d’inobservance (parfois > 50 % d’inobservance dans certaines études).
9.2 Femme enceinte :
L’HTA chronique de la femme enceinte définie par une HTA développée dans les 20 premières semaines de gestation persistance après 6 semaines de post-partum et l’HTA gestationnelle qui elle, se développe après 20 semaines de gestation et résout le plus souvent dans les 6 premières semaines du post-partum doivent être traitée dès que la PA >140 /90 mmHg avec un objectif de PA < 140 /90 mmHg sans toutefois descendre en-dessous de 80 mmHg de PAD (I/A). S’il existait autrefois l’idée que respecter une hypertension artérielle légère entre 140 et 160 mmHg de PAS pouvait être légitime afin d’améliorer la perfusion foeto-placentaire, l’étude CHAP-Trial a battu en brèche cette idée et confirmé l’avantage d’un traitement systématique de l’HTA préexistante ou gestationnelle de la femme enceinte par des molécules adaptés.
Les molécules indiquées en première intention durant la grossesse sont les inhibiteurs calciques non bradycardisants (et préférentiellement la nifédipine), le labétalol et le méthyl-dopa (I/A), et les bloqueurs du SRA doivent être évités dans ce contexte (III/B). Mais les mesures non médicamenteuses ne doivent pas être négligées et notamment l’activité physique modérée, avec accord de l’obstétricien et en l’absence de contre-indication (I/B). Enfin, une hospitalisation peut être indiquée en cas de PAS > 160 mmHg ou de PAD > 110 mmHg (IIa/C).
9.3 Personnes très âgés (> 85 ans) :
Chez les personnes très âgés > 85 ans, une évaluation gériatrique globale incluant une évaluation de la fragilité gériatrique doit être réalisée (IIa/B). En l’absence de fragilité, un traitement anti-hypertenseur est recommandé dès le diagnostic d’HTA confirmé (> 140/90 mmHg en pression de consultation), mais pas en cas d’élévation des chiffres tensionnels (130-140 mmHg de pression artérielle systolique). Chez les personnes connues hypertendus, il faut poursuivre le traitement antihypertenseur et il n’est pas recommandé de l’arrêter si celui-ci est bien toléré (I/A). En revanche, si le niveau de fragilité progresse, il peut être envisagé de diminuer le traitement antihypertenseur et les molécules potentiellement hypotensives comme les alpha-bloqueurs d’action prostatique et les sédatifs (IIb/C).
Sur le plan pharmacologique, il faut privilégier les inhibiteurs calciques non bradycardisants d’action longue et les bloqueurs du SRA ; et réserver secondairement les diurétiques à faible dose tout en évitant si possible les bétabloquants et les alpha bloquants (IIa/B).
9.4 Patients issus d’Afrique subsaharienne :
Chez les patients originaires d’Afrique subsaharienne, les bloqueurs du SRA sont moins efficaces que les autres classes médicamenteuses tandis que les diurétiques thiazidiques et les BCC sont particulièrement performants. Dans ce contexte, il faut privilégier en première intention une bithérapie associant un BCC et un diurétique ou un bloqueur du SRAA (IIa/B).
McEvoy JW, McCarthy CP, Bruno RM, Brouwers S, Canavan MD, Ceconi C, Christodorescu RM, Daskalopoulou SS, Ferro CJ, Gerdts E, Hanssen H, Harris J, Lauder L, McManus RJ, Molloy GJ, Rahimi K, Regitz-Zagrosek V, Rossi GP, Sandset EC, Scheenaerts B, Staessen JA, Uchmanowicz I, Volterrani M, Touyz RM ; ESC? Scientific Document Group. 2024 ESC Guidelines for the management of elevated blood pressure and hypertension. Eur Heart J. 2024 Aug 30:ehae178. doi : 10.1093/eurheartj/ehae178. 39210715