Recommandations de la Société internationale d’hypertension sur l’hypertension artérielle chez l’adulte
Ces recommandations ont été publiées en juin 2020 (Unger 2020). Les soins sont dits “optimaux” lorsqu’ils correspondent à la norme, basée sur des preuves. Ils sont “essentiels” lorsque les soins optimaux ne sont pas possibles.
Le Tableau 1 présente la classification de l’HTA? selon la mesure au cabinet médical, le Tableau 2 les critères d’HTA selon la mesure au cabinet médical, par la MAPA? pendant 24 heures et par l’automesure.
ESSENTIEL
Diagnostic d’hypertension artérielle, mesure de la pression artérielle au cabinet médical
La mesure au cabinet médical est la modalité la plus fréquente de diagnostic et de suivi de l’HTA. La mesure doit être faite selon les recommandations présentées dans la Figure 1. Chaque fois que c’est possible, le diagnostic ne doit pas reposer sur une seule mesure au cabinet médical. Habituellement, 2-3 consultations à des intervalles de 1 à 4 semaines (selon le niveau de la PA?) sont nécessaires pour confirmer le diagnostic d’HTA. Le diagnostic peut être fait lors d’une seule visite si la PA est > 180/110 mmHg et s’il y a évidence de MCV.
La prise en charge recommandée selon les niveaux de PA au cabinet médical est présentée dans le Tableau 3. Si cela est possible, le diagnostic d’HTA doit être confirmé par des mesures en dehors du cabinet médical.
OPTIMAL
Diagnostic d’hypertension artérielle, mesure de la pression artérielle au cabinet médical
Évaluation initiale : mesurer la PA aux deux bras, de préférence simultanément. S’il y a une différence > 10 mmHg entre les deux bras à des mesures répétées, mesurer la PA au bras auquel elle est le plus élevée. Si la différence est > 20 mmHg, envisager des investigations supplémentaires.
PA en position debout : mesurer la PA en position debout chez des hypertendus traités après 1 minute et à nouveau après 3 minutes lorsqu’il y a des symptômes suggérant une hypotension orthostatique et lors de la première consultation chez des sujets âgés et chez les diabétiques.
Mesure de la PA au cabinet médical de façon automatique : des mesures automatiques multiples de la PA pendant que le sujet est seul dans le cabinet fournissent une évaluation plus standardisée mais aussi des niveaux de PA plus bas que les mesures habituelles au cabinet médical, avec un seuil de diagnostic d’HTA incertain. La confirmation avec des mesures en dehors du cabinet médical sont nécessaires pour la plupart des décisions thérapeutiques.
Diagnostic d’hypertension artérielle, mesure de la pression artérielle en dehors du cabinet médical
Les mesures de la PA par automesure ou par MAPA sont plus reproductibles que les mesures au cabinet médical, plus associées à l’AOC liée à l’HTA et au risque? d’événements CV et elles identifient les phénomènes d’effet blouse blanche et d’HTA masquée.
Les mesures de la PA en dehors du cabinet médical sont souvent nécessaires pour le diagnostic adéquat d’une HTA et pour les décisions thérapeutiques. Chez les sujets non traités ou traités avec une PA au cabinet médical classée comme normale haute ou HTA de grade 1 (PAS? 130-159 mmHg et PAD? 85-99 mmHg), le niveau de PA doit être confirmé par une automesure ou une MAPA (Tableau 4). Les recommandations pour la réalisation de mesures de la PA par automesure ou par MAPA sont présentées dans le Tableau 4.
ESSENTIEL
Histoire médicale
Les hypertendus sont souvent asymptomatiques. Cependant, des symptômes spécifiques peuvent suggérer une HTA secondaire ou des complications liées à l’HTA qui nécessitent des investigations supplémentaires. Une histoire médicale complète est recommandée et doit inclure :
Examen physique
Un examen physique complet peut aider pour confirmer un diagnostic d’HTA et identifier une AOC liée à l’HTA et/ou une HTA secondaire et doit inclure :
Examens biologiques et ECG
OPTIMAL
Tests diagnostiques additionnels
Des investigations supplémentaires peuvent être faites pour confirmer une suspicion d’AOC, de maladie concomitante et/ou d’HTA secondaire.
Technique d’imagerie
Tests fonctionnels et examens biologiques
ESSENTIEL
Une évaluation des facteurs de risque additionnels doit faire partie de l’évaluation diagnostique des hypertendus, en particulier en présence d’une histoire familiale d’antécédents familiaux de MCV.
Le RCV doit être évalué chez tous les hypertendus par des scores faciles à utiliser basés sur le niveau de PA et des FDRCV additionnels selon une version simplifiée de l’approche proposée par l’ESC?/SH (Tableau 5).
Une estimation fiable du RCV peut être obtenue en pratique quotidienne en incluant :
ESSENTIEL
Les évaluations afin de détecter une AOC doivent être réalisées en routine chez tous les hypertendus :
OPTIMAL
Toutes les autres techniques mentionnées ci-dessus peuvent apporter des informations pour optimiser la prise en charge de l’HTA et doivent être envisagées lorsqu’elles sont cliniquement indiquées et disponibles. Une évaluation sérielle répétée d’une AOC (HVG et albuminurie) pour surveiller sa régression avec le traitement anti-hypertenseur peut être utile pour déterminer l’efficacité du traitement chez certains sujets mais n’a pas été suffisamment validée pour la plupart des mesures d’AOC.
ESSENTIEL/OPTIMAL
Chez tous les sujets (hypertendus et ceux à risque d’HTA), on doit chercher s’il y a prise de substances qui peuvent augmenter la PA ou interférer avec l’efficacité des médicaments anti-hypertenseurs (Tableau 6). Lorsque cela est approprié, on doit envisager une réduction ou une élimination des facteurs qui augmentent la PA.
Les modifications du mode de vie sont présentées dans le Tableau 7, le schéma général du traitement pharmacologique de l’HTA dans la Figure 2, les cibles de PA au cabinet médical pour une HTA traitée dans la Figure 3, la stratégie thérapeutique médicamenteuse de l’ISH? dans la Figure 4, les caractéristiques idéales du traitement médicamenteux dans le Tableau 8.
Ci-dessous les recommandations sur l’adhésion au traitement antihypertenseur.
ESSENTIEL/OPTIMAL
Évaluer l’adhésion au traitement hypertenseur à chaque consultation et avant d’augmenter le traitement antihypertenseur.
Envisager les stratégies suivantes pour améliorer l’adhésion thérapeutique :
– diminuer la polypharmacie, utiliser des associations dans une seule pilule ;
– prise une seule fois par jour plutôt que plusieurs fois par jour ;
– lier le comportement d’adhésion aux habitudes quotidiennes ;
– fournir un retour sur l’adhésion au patient ;
– surveillance de la PA à domicile ;
– pense-bêtes sur les conditionnements ;
– encouragements sur l’autoprise en charge ;
– aide à l’adhésion électronique telle que téléphone mobile ou messages courts (SMS) ;
– approche pluridisciplinaire (c’est-àdire pharmacien) pour améliorer la surveillance de l’adhésion.
OPTIMAL
Les méthodes objectives indirectes (c’est-à-dire bilan des données de la pharmacie, compte de pilule, dispositif de surveillance électronique) et directes (prise des traitements devant témoin, détection biochimique des médicaments dans l’urine ou le sang) sont généralement préférées aux méthodes subjectives pour diagnostiquer une non-adhésion au traitement antihypertenseur.
Les méthodes les plus effectives de prise en charge d’une non-adhésion nécessitent une intervention complexe qui combine des conseils, l’autosurveillance, des rappels et une supervision.
ESSENTIEL/OPTIMAL
En plus du contrôle de la PA, la stratégie thérapeutique doit inclure des modifications du mode de vie, un contrôle du poids et un traitement effectif des autres FDRCV afin de réduire le RCV résiduel.
Modifications du mode de vie indiquées dans le Tableau 7.
La cholestérolémie des LDL doit être diminuée selon le profil de risque :
1. > 50 % et < 0,7 g/L (1,8 mmol/L) en cas d’HTA avec MCV, néphropathie chronique, diabète ou bien pas de MCV et risque haut ;
2. > 50 % et < 1,0 g/L (2,6 mmol/L) en cas de risque haut ;
3. < 1,15 g/L (3,0 mmol/L) en cas de risque modéré.
La glycémie à jeun doit être < 1,26 g/L (7 mmol/L) ou le taux d’HbA1c < 7 % (53 mmol/mol).
L’uricémie doit être < 6,5 mg/dL (0,387 mmol/L), < 6 mg/dL (0,357 mmol/L) chez les patients qui ont une goutte.
Le traitement anti-agrégant plaquettaire doit être envisagé en cas de MCV (prévention secondaire seulement).
1. Hypertension artérielle résistante
ESSENTIEL
Si la PA au cabinet médical est > 140/90 mmHg avec au moins 3 médicaments antihypertenseurs à des doses optimales (ou maximales tolérées), incluant un diurétique, d’abord exclure une cause de pseudorésistance (mauvaise technique de mesure de la PA, effet blouse blanche, non-adhésion, choix sous-optimaux des médicaments antihypertenseurs) et les augmentations de PA liées à des médicaments/substances.
Envisager de rechercher une cause d’HTA secondaire.
Optimiser le traitement incluant des modifications du mode de vie et un traitement basé sur les diurétiques (dose maximale tolérée de diurétiques et choix optimal de diurétiques : utilisation des diurétiques thiazide-like plutôt que thiazidiques et initiation d’un diurétique de l’anse quand le DFG est < 30 mL/min/1,73 m² ou qu’il y a une surcharge volumique).
Ajouter une faible dose de spironolactone comme 4 e agent thérapeutique si la kaliémie est < 4,5 mmol/L et le DFG > 45 mL/min/1,73 m² afin d’atteindre la PA cible. Si la spironolactone est contre-indiquée ou non tolérée, l’amiloride, la doxazosine, l’éplérénone, la clonidine et les bêtabloquants sont des alternatives, ou toute classe thérapeutique non déjà utilisée.
OPTIMAL
L’HTA résistante doit être prise en charge dans des centres experts disposant des ressources permettant de diagnostiquer et traiter cette affection.
2. Hypertension artérielle secondaire
Les caractéristiques des HTA secondaires sont présentées dans le Tableau 9.
ESSENTIEL
Envisager le dépistage d’une HTA secondaire en cas d’HTA de début précoce (âge < 30 ans) en particulier en l’absence de facteur de risque d’HTA (obésité, syndrome métabolique, antécédent familial etc.), d’HTA résistante, de détérioration brutale du contrôle de la PA, d’urgence hypertensive, de probabilité forte d’HTA secondaire selon les données cliniques.
En cas d’HTA résistante, les investigations à la recherche d’une HTA secondaire doivent généralement être précédées par l’exclusion d’une HTA pseudorésistante et d’une HTA induite par des médicaments/substances.
Le dépistage basique d’une HTA secondaire doit inclure une évaluation complète de l’histoire médicale, un examen clinique, des données biologiques sanguines de base (incluant natrémie, kaliémie, DFG, TSH) et une bandelette urinaire.
OPTIMAL
Les investigations supplémentaires d’une HTA secondaire (biologie additionnelle/imagerie/autres) doivent être soigneusement choisies selon les informations sur l’histoire médicale, l’examen clinique et les investigations cliniques de base.
Envisager d’adresser le patient pour des investigations supplémentaires et la prise en charge dans un centre expert disposant des ressources appropriées.
3. Hypertension artérielle et grossesse
3.1. Mesure de la pression artérielle pendant la grossesse
ESSENTIEL
Mesure au cabinet médical selon les recommandations générales. Utiliser un dispositif validé pour la grossesse et la prééclampsie (www.stridebp.org).
OPTIMAL
Automesure et MAPA en utilisant des dispositifs validés pour la grossesse et la prééclampsie afin d’évaluer un effet blouse blanche.
3.2. Investigation d’une hypertension artérielle pendant la grossesse
ESSENTIEL
Analyse d’urine, numération formule plaquettes, enzymes hépatiques, hématocrite, créatinine et acide urique. Recherche d’une protéinurie au début de la grossesse (néphropathie préexistante) et durant la 2 e moitié de la grossesse (prééclampsie). Une protéinurie à la bandelette > 1+ doit faire calculer le rapport albumine/créatinine urinaire sur un échantillon urinaire unique ; un rapport < 30 mg/mmol exclut une protéinurie.
OPTIMAL
Échographie rénale et surrénale, métanéphrines plasmatiques libres (s’il y a des données cliniques évoquant un phéochromocytome) ; échographie Doppler des artères utérines (après 20 semaines de gestation, utile pour détecter les femmes au plus haut risque d’HTA gestationnelle, de prééclampsie et de retard de croissance intra-utérin).
3.3. Prise en charge d’une hypertension artérielle pendant la grossesse
ESSENTIEL
Adaptation du mode de vie.
OPTIMAL
Adaptation du mode de vie et surveillance annuelle (PA, facteurs métaboliques).
4. Urgences hypertensives
ESSENTIEL
Examen physique complet : évaluation cardiovasculaire et neurologique.
Biologie sanguine : hémoglobine, plaquettes, créatinine, sodium, potassium, lactate déshydrogénase (LDH), haptoglobine. Urines : protéines, sédiment urinaire. Examens : fond d’œil, ECG.
OPTIMAL
Des investigations supplémentaires peuvent être nécessaires et indiquées selon la présentation et les données cliniques. Elles peuvent être essentielles selon le contexte : troponine (douleur thoracique), radiographie thoracique (congestion/surcharge volumique), échocardiographie transthoracique (structure et fonction cardiaques), scanner ou IRM cérébral (hémorragie/ ischémie cérébrale), angioscanner thoraco-abdominal (maladie aortique aiguë). Les causes d’HTA secondaire peuvent être trouvées chez 20-40 % des patients se présentant avec une HTA maligne. Une évaluation diagnostique appropriée est indiquée pour confirmer ou exclure une HTA secondaire.
La PA cible, le délai et les médicaments en cas d’urgence hypertensive nécessi-tant une baisse immédiate de la PA sont présentés dans le Tableau 10.
Les recommandations de l’ISH en 2020 sont résumées dans les Figure 5 (standards de soins minimaux) et Figure 6 (standards de soins reposant sur les preuves).