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Mise à jour : 8 juillet 2023 - Mise en ligne : 3 juillet 2025, par Thierry HANNEDOUCHE
 
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Les recommandations ESH? (Société Européenne et Internationale d’Hypertension Artérielle, Société européenne de Néphrologie) 2023 viennent renforcer et compléter les recommandations de 2018, avec quelques nouveautés ci-dessous, en attendant les recommandations ESC? de 2024.

Les changements majeurs qui peuvent impacter la pratique

— La place de la mesure ambulatoire de la pression artérielle est renforcée
— Les appareils « cuffless » sont exclus des options de mesure de la pression artérielle
— Les indications de bilans d’HTA? secondaire sont élargies, compte tenu de leur prévalence? importante dans certains sous-groupes
— Il est recommandé d’introduire un traitement anti-HTA dès 130/80 mmHg chez les patients en prévention secondaire, en particulier coronariens, si les règles hygiéno-diététiques ne suffisent pas à les ramener sous ce seuil
— L’heure de prise des traitements est libre, au choix du patient
— En cas d’HTA résistante avérée, si le DFG? est < 30 ml/min/1,73m², un double blocage du néphron est recommandé, en associant un diurétique de l’anse et un diurétique thiazidique
— En cas d’HTA résistante avérée, si le DFG est > 40 ml/min/1,73m², une dénervation rénale peut être proposée au patient
— Implémentation d’un paragraphe conséquent sur la prise en charge des patients porteurs d’un cancer et traités pour cela.
— Il est recommandé de démarrer un traitement anti-hypertenseur adapté chez la femme enceinte dès que la pression artérielle dépasse 140/90 mmHg en consultation (confirmée en ambulatoire), indépendamment du profil de risque? de la patiente.

1. Définition, classification et mesure de l’hypertension artérielle

a) Définition et classification

Table 1 : Classification de la pression artérielle en cabinet et définitions des grades d’hypertension

La relation entre la pression artérielle et les événements cardiovasculaires et rénaux, ainsi que la mortalité, est continue, ce qui rend la distinction entre une pression artérielle dite « normale » et l’hypertension quelque peu arbitraire.

L’HTA est définie comme le niveau de pression artérielle auquel les avantages d’un traitement l’emportent sur les risques, tels que documentés par des essais cliniques.

La classification des différents grades d’hypertension, et la définition (basées sur la mesure de la pression artérielle en cabinet) sont inchangées par rapport aux recommandations précédentes de 2018.

b) Évaluation du risque cardiovasculaire

Evaluation du risque cardiovasculaire

Table 2 : Scores d’évaluation du risque cardiovasculaire

Table 3 : Liste des lésions organiques dues à l’hypertension

L’évaluation et la quantification du risque cardiovasculaire total sont importants chez les patients hypertendus afin de :
— Définir l’importance de la protection cardiovasculaire apportée au patient par le traitement et adapter la prise en charge (les patients à haut risque et très haut risque auront un tel bénéfice en termes de prévention qu’ils pourront être traité dès que la pression artérielle systolique (PAS? et PAD?) au cabinet dépasse 130/80 mmHg)
— Déterminer l’éventuelle indication à un bilan vasculaire (Doppler des troncs supra-aortiques, score calcique coronaire)
— Définir la cible de LDLc du patient
Les « guidelines » insistent sur l’importance de prendre en considération les atteintes d’organes liées à l’HTA dans l’évaluation du risque cardiovasculaire des patients. En effet, l’inclusion des atteintes d’organes liées à l’HTA aide à identifier les patients hypertendus à haut risque ou à très haut risque CV qui pourraient, sinon, être mal classés, comme présentant un niveau de risque inférieur par la table SCORE.

c) Mesure de la pression artérielle

Table 4 : Définitions de l’hypertension en fonction de la correspondance entre les valeurs de la pression artérielle à domicile et en ambulatoire et la pression artérielle au cabinet médical

L’importance de se baser en priorité sur des mesures de pression artérielle hors du cabinet (automesures tensionnelles ou MAPA?) a été renforcée dans ces recommandations (1C).
Ces nouvelles directives insistent également sur l’importance d’utiliser des appareils au bras, automatiques et validés pour la mesure de la pression artérielle (liste des appareils validés : www.stridebp.org.
À défaut, des mesures répétées de la PA? doivent être prises au cabinet sur plus d’une consultation, sauf lorsque l’HTA est sévère. À chaque consultation, trois mesures de PA doivent être enregistrées, espacées de 1 à 2 minutes, et des mesures supplémentaires doivent être effectuées si les deux premières lectures diffèrent de > 10 mmHg (1C).

Les recommandations suivantes n’ont pas changé non plus :
— Mesurer la PA aux deux bras au moins lors de la première consultation, car une différence de PA entre les bras > 15-20 mmHg suggère une maladie athéromateuse et est associée à un risque CV accru (I1A).
— Si une différence de PA entre les bras est enregistrée, il est recommandé que toutes les mesures de PA utilisent le bras avec la mesure de la PA la plus élevée (1C).
— Il faut également rechercher une hypotension orthostatique, qui modifierait l’attitude thérapeutique.

2. Évaluation clinique et paraclinique du patient hypertendu

a) Évaluation clinique

Objectifs :

Préciser le niveau de pression artérielle et de risque cardiovasculaire, et évaluer les atteintes d’organes cibles (cf ci-dessus)
Rechercher des signes orientant vers une des causes d’HTA secondaire
Signes à rechercher :

— Symptômes et facteurs de risque cardiovasculaires
— Consommation de drogue, toxicomanie, thérapies concomitantes : corticoïdes, vasoconstricteur nasal, chimiothérapie, réglisse
— Grossesse en cours et utilisation de contraceptifs oraux
— Antécédents de maladie rénale ou urologique, HTA rénovasculaire
— Recherche d’hyperaldostéronisme : antécédents d’hypokaliémie spontanée ou provoquée par les diurétiques, épisodes de faiblesse musculaire et tétanie
— Souffle lombaire à la recherche d’une sténose artérielle rénale
— Recherche phéochromocytome : sueurs, maux de tête, anxiété ou palpitations ; tâche cutanée café-au-lait (neurofibromatose)
— Symptômes évocateurs d’une maladie thyroïdienne ou d’hyperparathyroïdie
— Comparaison du pouls radial avec le fémoral, la tension artérielle aux membres supérieurs et inférieurs pour détecter la différence radio-fémorale dans la coarctation aortique, souffle sous clavier gauche.
— Signes évocateurs d’un syndrome de Cushing ou d’une acromégalie
— Antécédents d’apnée du sommeil

b) Évaluation paraclinique

Les objectifs sont les mêmes que l’évaluation clinique : évaluer le niveau de risque cardiovasculaire, les atteintes d’organe cible de l’HTA et les signes orientant vers une HTA secondaire.

Évaluation paraclinique
Table 5 : Sélection d’analyses de laboratoire standards pour le bilan des patients hypertendus

Le bilan initial, appelé autrefois « bilan standard de l’OMS? », est à réaliser chez tous les patients hypertendus au diagnostic. Il associe une hémoglobine, HbA1c, et glycémie à jeun, un bilan lipidique complet, l’uricémie, la créatininr plasmatique avec DFGe?, la kaliémie, natrémie calcémie, un RAC? (rapport albuminurie / créatinurie sur échantillon, qui remplace la microalbuminurie), et un ECG.

Les autres examens (notamment ETT et épreuve d’effort) ne sont recommandés que sur point d’appel lors de bilan initial (Table 6 ci-dessous).

Table 6 : Évaluation des lésions organiques liées à l’hypertension

Un des objectifs principaux de cette évaluation est de déterminer si le patient appartient à l’une des catégories suivantes, associées à une prévalence importante d’HTA secondaire :

Table 7 : Caractéristiques des patients qui doivent faire suspecter une hypertension secondaire

— Apparition précoce d’une HTA de grade 2 ou 3 (< 40 ans)
— HTA résistante
— HTA avec point d’appel clinique ou biologique (kaliémie < 3,5 mmol/l quelque soit le contexte, même une seule fois, même avec des diurétiques,
— insuffisance rénale, protéinurie par exemple)
— HTA avec atteinte disproportionnée des organes cibles
— HTA d’emblée sévère, ou devenant brutalement sévère, urgences hypertensives

Si le patient correspond à l’une de ces catégories, il devra bénéficier d’un bilan d’HTA secondaire complet auprès d’un praticien formé.

Ci-dessous 3 infographies sur la présentation typique d’un patient porteur d’un hyperaldostéronisme primaire, d’une sténose athéromateuse des artères rénales, ou d’une fibrodyslplasie des artères rénales.

Infographies : Profils caractéristiques de patients présentant une HTA secondaire

Hyperaldostéronisme primaire

Sténose athéromateuse des artères rénales

Fibrodysplasie des artères rénales

Table 8 : Incidence? des différentes formes d’HTA secondaire en fonction de l’âge

Les 4 causes les plus fréquentes étant la prise de médicament/toxique, l’hyperaldostéronisme primaire, la maladie rénale et la sténose des artères rénales

3. Traitement de l’HTA

a) Les seuils de pression artérielle nécessitant un traitement

Des interventions sur le mode de vie sont recommandées pour tous les patients à partir d’une pression artérielle normal-haute (> 130/80 mmHg). Le seuil nécessitant de démarrer un traitement pharmacologique a été ramené à 140/90 mmHg pour la majorité des patients, sauf pour les patients de plus de 80 ans, où il est fixé à 160/90 mmHg.

/ !\ Pour les patients en prévention secondaire, en particulier les coronariens, il est recommandé de démarrer un traitement si la pression artérielle reste > 130 et/ou 80 mmHg de systolique et diastolique malgré les mesures hygiéno-diététiques (Recommandation 1A) / !\

Traitement de l’HTA

Table 9 : Seuils de pression artérielle en cabinet pour l’instauration d’un traitement médicamenteux

b) Objectifs de pression artérielle sous traitement

— Pour les patients de 18 à 64 ans : moins de 130/80 mmHg (1A) en consultation
— Pour les patients de 64 à 79 ans : moins de 140/80 mmHg, voire moins de 130/80 mmHg si le traitement est bien toléré.
— Pour les patients de plus de 80 ans :
— * systolique entre 140 et 150 mmHg : viser 130-139 mmHg si la tolérance est bonne
— * Diastolique entre 70 et 80 mmHg
— * Ne pas viser moins de 120/70 mmHg

c) Traitement de l’HTA : mesures hygiéno-diététiques systématiques

Des modifications du mode de vie peuvent prévenir ou retarder l’apparition de l’HTA et réduire le risque CV, ainsi que prévenir le besoin d’un traitement médicamenteux chez les patients présentant une hypertension de grade 1. Elles doivent être systématiques. Cependant, une intervention sur le style de vie ne devrait jamais retarder le début du traitement médicamenteux chez les patients présentant une atteinte d’organe liée à l’HTA, ou présentant un risque CV élevé.

d) Traitement médicamenteux de l’HTA

L’algorithme décisionnel a été développé pour fournir une recommandation de traitement simple et pragmatique pour le traitement de l’HTA, basé sur quelques principes et recommandations clés. Celui-ci est comparable à l’algorithme de 2018 de part son efficacité :

— Utilisation de bithérapies combinées afin d’améliorer la rapidité, l’efficacité et la prévisibilité du contrôle tensionnel (1A). Cela provient du concept selon lequel un traitement initial efficace de l’hypertension nécessite au moins 2 médicaments pour la plupart des patients. Attention cependant à adapter la dose au niveau tensionnel ambulatoire pour ne pas « sur-traiter » le patient. Monothérapie pour les patients âgés et ceux à faible risque CV présentant une hypertension de grade 1 (1B).
Les associations médicamenteuses à préférer sont un IEC?/ARA2? avec une dihydropyridine ou un diurétique thiazidique(-apparenté) (1A). Bêta-bloqueur si indication spécifique (1A).
— Une triple association comprenant un IEC (ou un ARA2) , une dihydropyridine et un diurétique thiazidique doit être utilisée si la PA n’est pas contrôlée par une bithérapie à pleine dose (1A).
— L’addition de spironolactone à une triple thérapie est le traitement de choix dans les cas d’hypertension résistante si le patient présente un DFG > 30 ml/min/1,73 m².

Nouveautés des recommandations 2023 :
— Si le DFG est < 30 ml/min/m², il est recommandé de substituer le diurétique thiazidique (-like) par un diurétique de l’anse. En cas d’HTA résistante, on peut recourir à un double blocage par diurétique de l’anse + diurétique thiazidique, de préférence chlorthalidone (2B).
— La dénervation rénale peut être discutée en cas d’HTA résistante prouvée à une trithérapie bien conduite, sans HTA secondaire, si le patient présente un DFG > 40 ml/min/m² (IIB).
— L’heure de prise du traitement anti-hypertenseur est libre, au choix du patient. Le médecin devra limiter le nombre de comprimés et de prises par jour dans son ordonnance.

Traitement médicamenteux de l’HTA

Table 10 : Stratégie générale de réduction de la pression artérielle chez les patients hypertension

Traitement médicamenteux de l’HTA

Table 11 : Stratégie d’abaissement de la pression artérielle dans l’hypertension artérielle dite résistante

Le suivi

Table 12 : Encourager l’utilisation des technologies de surveillance de la pression artérielle à domicile et de télésanté pour améliorer les soins

4. Cas particulier : prise en charge de l’HTA chez un patient porteur d’un cancer

Avec les nouveaux traitements anticancéreux, la survie de cette population s’améliore. Ces patients sont à haut risque cardiovasculaire, entrainant un nouveau domaine pour le cardiologue, y compris lors de la prise en charge de l’hypertension artérielle.

Les recommandations 2023 s’y consacrent en profondeur, avec plusieurs messages clés :

— On ne démarre pas un traitement anti-cancéreux chez un patient présentant une HTA Sévère (grade 3) confirmée en ambulatoire
— Prudence avec les diurétiques thazidiques en cas d’atteinte osseuse (risque d’hypercalcémie), et à l’utilisation des diurétiques avec les traitements allongeant le QT (risque d’hypokaliémie et de torsade de pointe)
— Éviter les bloqueurs des canaux calcium bradycardisants, qui peuvent entrainer des interactions pharmacologiques avec les anticancéreux (VERAPAMIL, DILTIAZEM)
— Privilégier les IEC ou ARA2 lors des HTA sous anti-angiogéniques
— Revoir la prescription anti-HTA en cas d’état général altéré, dans les situations palliatives

 
 

Références

Williams B, Mancia G, Spiering W, Agabiti Rosei E, Azizi M, Burnier M, Clement DL, Coca A, de Simone G, Dominiczak A, Kahan T, Mahfoud F, Redon J, Ruilope L, Zanchetti A, Kerins M, Kjeldsen SE, Kreutz R, Laurent S, Lip GYH, McManus R, Narkiewicz K, Ruschitzka F, Schmieder RE, Shlyakhto E, Tsioufis C, Aboyans V, Desormais I ; ESC? Scientific Document Group. 2018 ESC/ESH? Guidelines for the management of arterial hypertension. Eur Heart J. 2018 Sep 1 ;39(33):3021-3104. 30165516 free pdf

starstar Mancia Chairperson G, Kreutz Co-Chair R, Brunström M, Burnier M, Grassi G, Januszewicz A, Muiesan ML, Tsioufis K, Agabiti-Rosei E, Algharably EAE, Azizi M, Benetos A, Borghi C, Hitij JB, Cifkova R, Coca A, Cornelissen V, Cruickshank K, Cunha PG, Danser AHJ, de Pinho RM, Delles C, Dominiczak AF, Dorobantu M, Doumas M, Fernández-Alfonso MS, Halimi JM, Járai Z, Jelakovi ? B, Jordan J, Kuznetsova T, Laurent S, Lovic D, Lurbe E, Mahfoud F, Manolis A, Miglinas M, Narkiewicz K, Niiranen T, Palatini P, Parati G, Pathak A, Persu A, Polonia J, Redon J, Sarafidis P, Schmieder R, Spronck B, Stabouli S, Stergiou G, Taddei S, Thomopoulos C, Tomaszewski M, Van de Borne P, Wanner C, Weber T, Williams B, Zhang ZY, Kjeldsen SE ; Authors/Task Force Members :. 2023 ESH Guidelines for the management of arterial hypertension The Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Hypertension Endorsed by the European Renal Association (ERA) and the International Society of Hypertension (ISH?). J Hypertens. 2023 Jun 21. doi : 10.1097/HJH.0000000000003480. 37345492