Les incidentalomes surrénaliens sont des masses surrénaliennes détectées par imagerie réalisée pour des raisons autres que la suspicion de maladie surrénalienne. Dans la plupart des cas, les incidentalomes surrénaliens sont des adénomes corticosurrénaliens non fonctionnels mais peuvent également nécessiter une intervention thérapeutique, y compris pour les carcinomes corticosurrénaliens, les phéochromocytomes, les adénomes produisant des hormones ou les métastases.
Ce texte est une révision des premières directives internationales et interdisciplinaires sur les incidentalomes. Nous avons suivi le système de gradation des recommandations, évaluation, développement et évaluation (GRADE) et mis à jour les revues systématiques sur quatre questions cliniques prédéfinies cruciales pour la gestion des incidentalomes :
(1) Comment évaluer le risque? de malignité ? ;
(2) Comment définir et gérer la sécrétion autonome légère de cortisol ? ;
(3) Qui doit bénéficier d’un traitement chirurgical et comment doit-il être réalisé ? ; et
(4) Quel suivi est indiqué si l’incidentalome surrénalien n’est pas retiré chirurgicalement ?
Le texte original, très long, a été résumé pour plus de clarté. Le document original (pdf? en anglais) est disponible en fin de page)
Les recommandations sont formulées comme suit : recommander (directive forte) et suggérer (directive faible).
La qualité des preuves sous-jacentes aux recommandations est classée comme : très faible (+), faible (++), modérée (+++) et forte (++++).
Les recommandations basées uniquement sur les bonnes pratiques ou l’expérience clinique des panélistes n’ont pas été notées.
Cette directive se concentre sur la gestion des patients ayant un incidentalome surrénalien, ainsi que sur des situations spécifiques comme les masses surrénaliennes bilatérales, les patients jeunes ou âgés et fragiles, et les masses détectées lors de l’évaluation d’une malignité extra-surrénalienne.
R.1.1 Nous recommandons de discuter des incidentalomes surrénaliens dans une réunion multidisciplinaire si l’un des critères suivants est rempli :
— L’imagerie n’indique pas une lésion bénigne (voir section 5.2).
— Il y a des preuves d’un excès hormonal (y compris MACS chez les patients avec des comorbidités pouvant être attribuées au cortisol) (voir section 5.3).
— Une chirurgie surrénalienne est envisagée (voir section 5.4).
— Une croissance tumorale significative est observée lors de l’imagerie de suivi (voir section 5.5).
— L’équipe multidisciplinaire doit inclure un endocrinologue, un radiologue, et un chirurgien expérimentés en tumeurs surrénaliennes.
Justification : Il serait idéal que tous les patients soient gérés par une équipe multidisciplinaire d’experts. Toutefois, en raison du nombre élevé de cas, cela est souvent irréaliste. Des soins multidisciplinaires semblent améliorer les résultats pour les patients atteints de tumeurs surrénaliennes. Les sous-groupes de patients les plus susceptibles de bénéficier de discussions multidisciplinaires ont été identifiés pour optimiser leur gestion. Le centre devrait établir des procédures standard pour le diagnostic et le traitement afin d’offrir des soins standardisés. L’équipe multidisciplinaire devrait inclure, ou avoir accès à, un pathologiste endocrinien, un oncologue et un anesthésiste spécialisés dans les tumeurs surrénaliennes. L’utilisation d’un rapport de pathologie standardisé est fortement recommandée.
Figure 4 : Organigramme sur la prise en charge des patients avec des incidentalomes surrénaliens (aperçu). Pour les patients ayant des antécédents de malignité extra-surrénalienne, voir la section spéciale 5.6.3. Dans un petit sous-groupe de patients (par exemple, masses > 4 cm avec des caractéristiques d’imagerie malignes, âge <40 ans, grossesse, patients avec un excès hormonal surrénalien sévère), une évaluation urgente est nécessaire. Nécessaire uniquement pour les tumeurs surrénaliennes avec unité Hounsfield (UH) > 10 en tomodensitométrie sans contraste. Seulement chez les patients souffrant d’hypertension concomitante et/ou d’hypokaliémie. Seulement chez les patients présentant des caractéristiques cliniques, biochimiques ou d’imagerie évocatrices d’un carcinome corticosurrénalien.
R.2.1 Nous recommandons de déterminer avec certitude si une masse surrénalienne est bénigne ou maligne dès la détection initiale.
Justification : Déterminer la nature maligne ou bénigne d’une masse surrénalienne est crucial pour le traitement. Les lésions malignes peuvent nécessiter une intervention urgente, et un retard peut être préjudiciable. Un radiologue expérimenté doit réviser toutes les images, en examinant aussi la glande surrénale controlatérale, souvent hyperplasique ou nodulaire.
R.2.2 Nous recommandons que tous les incidentalomes surrénaliens subissent une imagerie pour évaluer s’ils sont homogènes et riches en lipides, donc bénins (+++). Nous recommandons l’utilisation de la TDM sans contraste comme première modalité d’imagerie si ce n’est pas déjà fait (+++).
R.2.3 Nous recommandons que si la TDM sans contraste indique une masse bénigne (homogène et UH < 10), aucune imagerie supplémentaire n’est nécessaire (+++).
Justification : Les incidentalomes surrénaliens sont généralement bénins chez les patients sans malignité connue. Une densité UH faible à la TDM (< 10 UH) indique souvent une lésion bénigne. Des études ont montré que les masses avec UH < 10 sont généralement bénignes. Avec ces preuves, nous recommandons de ne pas réaliser d’imagerie supplémentaire lorsque les caractéristiques bénignes sont évidentes. L’imagerie supplémentaire peut entraîner des faux positifs et des conséquences psychologiques et financières.
R.2.4 Si la TDM montre une masse homogène avec des UH entre 11 et 20 et une taille < 4 cm, sans excès hormonal significatif, nous suggérons une imagerie supplémentaire immédiate pour éviter un suivi ultérieur (+). Alternativement, une imagerie de contrôle à 12 mois par TDM sans contraste (ou IRM) peut être réalisée.
R.2.5 Pour une masse > 4 cm, hétérogène ou avec UH > 20, nous suggérons une discussion multidisciplinaire, la chirurgie étant souvent le choix de gestion, avec une imagerie préalable pour la mise en scène complète du patient. Si la chirurgie n’est pas réalisée, une imagerie de suivi dans 6-12 mois est recommandée (+).
R.2.6 Pour les masses qui ne relèvent pas des catégories ci-dessus (par exemple, taille de la tumeur < 4 cm avec UH 11-20 ou > 20, ou apparence hétérogène), nous suggérons une approche individualisée avec discussion multidisciplinaire. Si la chirurgie n’est pas réalisée, une imagerie de suivi dans 6-12 mois est recommandée (+).
Justification : Les masses avec UH > 10 sont divisées en trois groupes : (1) homogène avec UH 11-20 et taille < 4 cm, (2) > 4 cm avec UH > 20 ou hétérogène, et (3) autres masses. Plus de 90 % des tumeurs surrénaliennes homogènes avec UH 11-20 sont bénignes, mais quelques cas peuvent être malins. Une imagerie supplémentaire est recommandée pour exclure les faux négatifs et surveiller la taille de la lésion. Pour les masses > 4 cm et UH > 20 ou hétérogènes, le risque de malignité est accru, nécessitant une discussion multidisciplinaire pour la gestion, souvent chirurgicale. En l’absence de caractéristiques claires de malignité, une approche individualisée est nécessaire.
La biopsie surrénalienne est rarement nécessaire, sauf pour exclure des malignités extra-surrénaliennes. Elle ne doit pas être réalisée si une masse est probablement un carcinome corticosurrénalien. Une approche de métabolomique des stéroïdes urinaires, bien que non largement disponible, pourrait offrir une alternative prometteuse.
R.2.7 Nous recommandons de ne pas utiliser de biopsie surrénalienne dans l’évaluation des masses, sauf en cas d’antécédents de malignité extra-surrénalienne (voir R.6.3.5).
R.2.8 Nous suggérons de mesurer les stéroïdes sexuels et les précurseurs de la stéroïdogenèse chez les patients suspects de carcinome corticosurrénalien.
Justification : Le carcinome corticosurrénalien est souvent associé à des niveaux élevés d’hormones sexuelles. Ces hormones ne sont pas systématiquement mesurées, mais elles peuvent indiquer un carcinome en présence de signes cliniques d’excès hormonal. Le profilage multi-stéroïdien par spectrométrie de masse est utile pour différencier les tumeurs bénignes des malignes. Cependant, cette méthode n’est pas encore largement disponible.
Figure 5 : Bilan d’imagerie chez les patients avec un incidentalome surrénalien. Cette figure est conçue pour fournir une orientation générale car il n’est pas possible de prendre en compte toutes les éventualités cliniques dans une seule figure ; une discussion en équipe pluridisciplinaire est particulièrement importante en cas de doute. L’imagerie supplémentaire peut varier en fonction de l’expertise et de la disponibilité du centre, y compris la TEP/CT au FDG, l’IRM surrénalienne avec CSI, ou le CT de washout. En cas de lésions bilatérales avec des caractéristiques d’imagerie similaires, une biopsie pourrait être envisagée (voir aussi R.6.3.5). Après une stadification tumorale complète comprenant CT thorax, abdomen et pelvis.
R.3.1 Nous recommandons une évaluation minutieuse de chaque patient avec un incidentalome surrénalien, y compris un examen clinique pour les signes d’excès hormonal.
Justification : Tous les patients doivent être évalués pour détecter des indices d’excès hormonal, car certains signes peuvent être non spécifiques. Pour l’évaluation clinique et diagnostique ultérieure des syndromes hormonaux, nous nous référons à d’autres directives. Un examen approfondi peut révéler des tumeurs hormonales non suspectées.
R.3.2 Nous recommandons un test de suppression à la dexaméthasone de 1 mg pour exclure une sécrétion autonome de cortisol (+++). Chez les patients fragiles, ce test peut ne pas être justifié.
R.3.3 Nous recommandons d’interpréter les résultats du test de suppression à la dexaméthasone de 1 mg comme une variable continue plutôt que catégorielle (+). Un cortisol sérique post-dexaméthasone < 50 nmol/L permet d’exclure la sécrétion autonome de cortisol (++).
R.3.4 Nous recommandons de considérer une concentration de cortisol post-dexaméthasone > 50 nmol/L comme MACS sans stratification supplémentaire (++). Nous recommandons de confirmer l’indépendance de l’ACTH et de prendre en compte les facteurs influençant le test DST pour son interprétation.
Justification : L’autonomie du cortisol reflète un continuum biologique. Les résultats du test de suppression à la dexaméthasone de 1 mg servent à évaluer cette autonomie. Une valeur seuil de 50 nmol/L est utilisée pour exclure l’excès de cortisol. Les patients atteints de MACS nécessitent une évaluation clinique pour détecter des signes de syndrome de Cushing manifeste. Bien que des tests biochimiques supplémentaires puissent être utiles, l’évaluation des comorbidités reste essentielle pour la prise de décision clinique. Les patients sans comorbidités ne nécessitent pas de suivi endocrinien spécialisé.
R.3.5 Nous recommandons de ne pas considérer les patients atteints de MACS comme à haut risque de syndrome de Cushing manifeste (+++).
Justification : Moins de 1 % des patients atteints de MACS développent un syndrome de Cushing manifeste. Les études confirment cette évolution rare.
R.3.6 Nous recommandons de dépister l’hypertension et le diabète de type 2 chez les patients présentant un incidentalome surrénalien et un MACS et de proposer un traitement approprié.
Justification : Le MACS est associé à l’hypertension et à l’hyperglycémie. Le panel soutient le dépistage de ces conditions, influencées par un excès de cortisol, et leur traitement selon les directives actuelles.
R.3.7 Nous suggérons de dépister les fractures vertébrales chez les patients présentant un incidentalome surrénalien et un MACS (+) et d’envisager un traitement approprié (+).
Justification : Certaines études rapportent une incidence? accrue de fractures vertébrales asymptomatiques. Bien que la densité minérale osseuse soit un outil limité pour diagnostiquer l’ostéoporose induite par les glucocorticoïdes, elle peut être mesurée chez les patients à risque.
R.3.8 Nous recommandons de discuter de l’option chirurgicale avec le patient présentant un MACS en plus de comorbidités pertinentes et d’une masse unilatérale (+). Les facteurs à considérer incluent l’âge, le sexe, l’état de santé, le degré de cortisol non suppressible et les préférences du patient. La chirurgie doit être discutée en réunion multidisciplinaire d’experts.
Justification : Les tumeurs surrénaliennes causant un excès hormonal significatif nécessitent souvent une chirurgie. Pour les patients atteints de MACS avec comorbidités pertinentes, la décision doit être individualisée. La chirurgie minimalement invasive est privilégiée pour les masses < 6 cm.
R.3.9 Nous recommandons d’exclure le phéochromocytome par la mesure des métanéphrines libres plasmatiques ou des métanéphrines fractionnées urinaires chez tous les patients avec des lésions surrénaliennes dont les caractéristiques ne sont pas typiques d’un adénome bénin (par exemple, UH non contrasté > 10).
Justification : Des études récentes montrent que la probabilité qu’une tumeur surrénalienne avec UH < 10 soit un phéochromocytome est presque nulle. Il est donc raisonnable d’éviter de mesurer les métanéphrines chez les patients avec des caractéristiques tomodensitométriques claires d’adénome surrénalien. Cela est probablement également vrai si une IRM surrénalienne avec décalage chimique indique clairement un adénome, bien que des données publiées soient manquantes. Chez les patients avec des caractéristiques d’imagerie indéterminées, le phéochromocytome doit être exclu même en l’absence de symptomatologie suggestive, en particulier si une biopsie ou une ablation de la tumeur est prévue. Si aucune TDM sans contraste n’est effectuée, il est conseillé de mesurer les métanéphrines libres plasmatiques ou urinaires.
R.3.10 Chez les patients avec hypertension concomitante ou hypokaliémie inexpliquée, nous recommandons l’utilisation du rapport aldostérone/rénine pour évaluer l’hyperaldostéronisme primaire.
Justification : Pour plus de détails, nous nous référons aux directives les plus récentes d’autres sociétés et revues.
Figure 6 : Évaluation et gestion de la sécrétion autonome de cortisol légère (MACS) chez les patients avec des incidentalomes surrénaliens. Les facteurs conduisant à des résultats faussement positifs doivent être pris en compte. Certains panélistes mesurent le plasma ACTH déjà à ce stade pour prouver l’indépendance de l’ACTH. Le terme comorbidités attribuables au cortisol est défini de manière large et inclut le diabète sucré, l’hypertension, la dyslipidémie ou l’ostéoporose. Défini par un ACTH plasmatique matinal bas/supprimé (et/ou un DHEAS bas ajusté pour l’âge). Un contexte clinique approprié pour déclencher le dépistage de Cushing ACTH-dépendant est la présence même de stigmates légers d’excès de cortisol et/ou de comorbidités cliniquement pertinentes. La chirurgie est généralement indiquée uniquement si les comorbidités répondent à une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : progressive ; difficile à traiter ; associée à des dommages d’organes finaux inappropriés pour l’âge ; inhabituelle pour l’âge ou discordante par rapport à l’histoire familiale ; ou multiples comorbidités. De plus, l’âge, le sexe, la santé générale, le degré et la persistance du cortisol non suppressible après dexaméthasone, et la préférence du patient doivent être pris en compte. Une réévaluation clinique annuelle des comorbidités potentiellement attribuables au cortisol est recommandée. Si une surveillance adéquate des comorbidités est disponible dans la communauté, cela ne nécessite pas un suivi endocrinologique spécialisé. Si ces comorbidités se développent ou s’aggravent, un renvoi à un endocrinologue est suggéré pour réévaluer le statut endocrinien et reconsidérer le bénéfice potentiel d’une intervention.
R.4.1 Nous recommandons l’adrénalectomie comme standard de soins pour les tumeurs surrénaliennes unilatérales avec excès hormonal cliniquement significatif (Figure 7). Chez les patients avec MACS, la chirurgie peut être envisagée en présence de comorbidités pertinentes, en tenant compte des facteurs individuels (détaillés en R.3.8).
Justification : Comme couvert par d’autres directives, il existe un consensus selon lequel les tumeurs surrénaliennes causant un excès hormonal cliniquement significatif (par exemple, hyperaldostéronisme primaire, syndrome de Cushing, ou phéochromocytome) doivent être chirurgicalement retirées. Pour les patients avec MACS, la chirurgie peut être envisagée en fonction des comorbidités pertinentes et des facteurs individuels détaillés en R.3.8. Le groupe de travail sur les directives est convaincu que les mêmes règles concernant l’approche chirurgicale s’appliquent aux tumeurs productrices d’hormones qu’aux tumeurs endocriniennes inactives. Il n’existe aucune raison justifiée de différencier l’approche chirurgicale entre les tumeurs productrices d’hormones et les tumeurs endocriniennes inactives (R.4.4-4.6).
R.4.2 Nous recommandons de ne pas effectuer de chirurgie chez les patients présentant une masse surrénalienne unilatérale asymptomatique, non fonctionnelle et présentant des caractéristiques bénignes évidentes sur les études d’imagerie.
Justification : La majorité des incidentalomes surrénaliens sont bénins et non fonctionnels, comme les adénomes ou myélolipomes, et ne nécessitent pas de chirurgie. Deux critères permettent de caractériser une lésion comme non nuisible : (1) imagerie indiquant une lésion bénigne et (2) absence d’activité endocrinienne pertinente. Indépendamment de la taille, l’adrénalectomie n’est généralement pas nécessaire si l’imagerie suggère une nature bénigne. Cependant, après une discussion multidisciplinaire, une chirurgie peut être envisagée pour soulager les symptômes d’effet de masse (ex : myélolipome volumineux). Aucun seuil de taille ne justifie systématiquement la chirurgie, mais l’incertitude augmente avec la taille de la tumeur, nécessitant une approche individualisée.
R.4.3 Si une chirurgie est indiquée pour une masse surrénalienne bénigne causant un excès hormonal (y compris MACS), nous recommandons qu’une approche minimalement invasive soit utilisée.
Justification : Les masses bénignes causant un MACS sont souvent <6 cm et peuvent être retirées par une chirurgie minimalement invasive, causant moins de morbidité qu’une approche ouverte. Si la tumeur est trop grande pour une approche minimalement invasive, une consultation dans un centre spécialisé est conseillée.
R.4.4 Nous suggérons que l’adrénalectomie minimalement invasive soit réalisée par un chirurgien expert et à haut volume chez les patients présentant des masses unilatérales suspectes de malignité et un diamètre ? 6 cm, sans preuve d’invasion locale.
R.4.5 Nous recommandons que l’adrénalectomie ouverte soit réalisée par un chirurgien expert et à haut volume pour les masses unilatérales avec des signes d’invasion locale suspecte de malignité.
R.4.6 Nous recommandons une approche chirurgicale individualisée par un chirurgien expert chez les patients ne relevant d’aucune des catégories ci-dessus, discutée en réunion multidisciplinaire.
Justification : La préoccupation majeure pour une masse suspecte de malignité est le carcinome corticosurrénalien, nécessitant une chirurgie par un expert. Un minimum de 12 adrénalectomies/an est requis pour une expérience adéquate, bien que >20 soient souhaitables pour les tumeurs potentiellement malignes. La centralisation des adrénalectomies pour les lésions suspectées malignes est essentielle.
Bien qu’il n’existe pas d’études randomisées, les données disponibles suggèrent que l’adrénalectomie minimalement invasive est justifiée pour les tumeurs suspectes de malignité sans invasion locale, par un chirurgien expérimenté. Le seuil de taille pour l’approche minimalement invasive (5-6 cm) n’est pas fondé sur des preuves solides mais est courant dans de nombreux centres. Une décision individualisée est souvent nécessaire. La lymphadénectomie adéquate est cruciale pour le carcinome corticosurrénalien, et les approches robotiques nécessitent une validation supplémentaire.
Pour le carcinome corticosurrénalien de stade III, l’adrénalectomie ouverte est standard. Cette approche est justifiée par la nécessité d’une chirurgie oncologique experte.
R.4.7 Nous recommandons un traitement glucocorticoïde périopératoire à des doses adaptées au stress chirurgical chez tous les patients subissant une chirurgie avec un cortisol sérique matinal préopératoire >50 nmol/L après un test de suppression à la dexaméthasone.
R.4.8 Nous suggérons que les patients atteints de MACS (comme ceux atteints du syndrome de Cushing surrénalien) ayant subi une chirurgie soient suivis par un endocrinologue jusqu’à la récupération documentée de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien.
Justification : Le MACS peut causer une insuffisance surrénalienne après chirurgie. Le risque est plus élevé avec un cortisol post-DST élevé et une ACTH basse, mais certains patients sans suppression ACTH complète peuvent aussi développer cette insuffisance. Un remplacement glucocorticoïde intra- et postopératoire est donc recommandé, suivi par un médecin expérimenté jusqu’à la récupération de l’axe HPA. Un suivi endocrinien spécialisé est nécessaire, notamment en cas de syndrome de sevrage aux glucocorticoïdes. Certains centres très expérimentés peuvent réaliser la chirurgie sans couverture glucocorticoïde, mais un suivi étroit est alors crucial.
Figure 7 : Organigramme sur la gestion des masses surrénaliennes envisagées pour la chirurgie. Tous les patients envisagés pour la chirurgie devraient être discutés en amont lors d’une réunion d’équipe d’experts pluridisciplinaires (voir R1.1). Chez les patients avec MACS, un processus de décision individualisé est requis (voir la section 5.3 pour plus de détails).
R.5.1 Nous recommandons de ne pas réaliser d’imagerie supplémentaire lors du suivi des lésions surrénaliennes bénignes évidentes à l’imagerie.
Justification : La majorité des incidentalomes avec des caractéristiques d’adénomes restent stables. Aucune malignité surrénalienne n’a été rapportée chez ces patients, quelle que soit la taille de l’adénome, éliminant ainsi la nécessité d’une imagerie répétée.
R.5.2 Chez les patients avec une masse indéterminée, une TDM sans contraste ou IRM après 6-12 mois est suggérée. La résection chirurgicale est recommandée si la lésion croît de plus de 20 % en diamètre.
Justification : Les lésions malignes croissent rapidement, tandis que les bénignes sont stables. Une imagerie de suivi est recommandée pour les masses indéterminées afin de détecter une croissance significative.
R.5.3 Nous recommandons de ne pas répéter les bilans hormonaux chez les patients avec des résultats initiaux normaux, sauf en cas de nouveaux signes cliniques ou d’aggravation des comorbidités.
Justification : Le risque de développer un excès hormonal pertinent est très faible chez les incidentalomes non fonctionnels. Les évaluations hormonales répétées sont inutiles, sauf si des comorbidités évoluent.
R.5.4 Pour les patients atteints de MACS non opérés, nous recommandons une réévaluation annuelle des comorbidités attribuables au cortisol. La surveillance des comorbidités peut être effectuée par des prestataires de soins primaires, avec réorientation vers un endocrinologue si nécessaire.
Justification : Le MACS est associé à plusieurs comorbidités. Une surveillance annuelle par des prestataires de soins primaires est raisonnable, avec réévaluation spécialisée si les comorbidités s’aggravent.
6.1. Patients atteints d’incidentalomes surrénaliens bilatéraux
R.6.1.1 Nous recommandons que chaque lésion surrénalienne bilatérale soit évaluée selon le protocole d’imagerie des masses unilatérales pour déterminer leur nature bénigne ou maligne.
Justification : Les masses bilatérales peuvent représenter des maladies bénignes ou des métastases. Une évaluation séparée de chaque lésion est essentielle pour un diagnostic précis.
R.6.1.2 Nous recommandons une évaluation clinique et hormonale identique à celle des incidentalomes unilatéraux.
R.6.1.3 Nous suggérons une approche en quatre options selon les résultats : hyperplasie bilatérale, adénomes bilatéraux, masses similaires non adénomateuses, et masses morphologiquement différentes. Une gestion individualisée est nécessaire pour les cas hors catégories.
R.6.1.4 Pour l’hyperplasie bilatérale sans sécrétion autonome de cortisol, nous suggérons de mesurer la 17-hydroxyprogestérone pour exclure l’hyperplasie congénitale des surrénales.
R.6.1.5 Pour l’hyperplasie bilatérale ou les adénomes bilatéraux, nous recommandons une évaluation des comorbidités attribuables au MACS.
R.6.1.6 Pour les métastases bilatérales et maladies infiltrantes, nous recommandons une évaluation de l’insuffisance surrénalienne.
Justification : Les masses bilatérales peuvent avoir diverses causes, nécessitant une évaluation approfondie et, dans certains cas, une consultation multidisciplinaire. Les comorbidités et l’insuffisance surrénalienne doivent être évaluées selon le type de lésion.
R.6.1.7 Chez les patients avec hyperplasie bilatérale ou adénomes bilatéraux et MACS, nous suggérons un traitement individualisé en fonction de divers facteurs.
R.6.1.8 Nous suggérons de ne pas réaliser d’adrénalectomie bilatérale chez les patients sans syndrome de Cushing manifeste.
Justification : Le MACS est plus fréquent chez les patients avec des masses bilatérales. L’adrénalectomie bilatérale est rarement indiquée, sauf en cas de syndrome de Cushing manifeste, en raison de sa morbidité plus élevée.
Figure 8 : Exemples typiques d’incidentalomes surrénaliens bilatéraux. À gauche, une image typique de CT est représentée et à droite un dessin correspondant. A) Contours surrénaliens normaux et lisses bilatéraux (flèches blanches) sans nodules focaux ni agrandissement. B) Hyperplasie surrénalienne bilatérale avec multiples nodules (flèches blanches) et expansion du tissu surrénalien gauche intermédiaire (tête de flèche). C) Adénomes surrénaliens bilatéraux. D) Deux masses surrénaliennes morphologiquement similaires, mais non adénomateuses : métastases surrénaliennes bilatérales d’un carcinome bronchogénique. E) Deux masses surrénaliennes morphologiquement différentes : droite : adénome riche en lipides, gauche : phéochromocytome.
6.2. Incidentalomes surrénaliens chez les jeunes ou les personnes âgées
R.6.2.1 Nous recommandons une évaluation urgente des masses chez les femmes enceintes et les moins de 40 ans, car le risque de malignité et d’excès hormonal est plus élevé.
R.6.2.2 Nous suggérons l’IRM plutôt que la TDM pour les enfants, adolescents et femmes enceintes si une imagerie surrénalienne est nécessaire.
R.6.2.3 Nous suggérons la résection chirurgicale des masses indéterminées en imagerie chez les enfants, adolescents, femmes enceintes et adultes de moins de 40 ans.
R.6.2.4 Nous recommandons d’adapter l’investigation et la gestion des patients en mauvaise santé à leur état clinique.
Justification : Les incidentalomes sont rares chez les jeunes, mais le risque de malignité est élevé, nécessitant une évaluation rapide. Inversement, chez les personnes âgées, la probabilité de malignité est faible, et l’évaluation doit être proportionnelle au bénéfice clinique attendu.
6.3. Patients avec masse surrénalienne et antécédents de malignité extra-surrénalienne
En principe, les mêmes recommandations s’appliquent. Il est important de considérer les probabilités prétest de la lésion et l’espérance de vie du patient.
R.6.3.1 Nous recommandons la mesure des métanéphrines pour exclure un phéochromocytome, même si la masse est probablement une métastase. Un bilan hormonal supplémentaire est basé sur une approche individualisée.
Justification : Les phéochromocytomes sont difficiles à distinguer des métastases par imagerie et peuvent entraîner des complications graves. Un bilan hormonal doit être adapté à chaque cas, notamment pour les masses endocrines primaires.
R.6.3.2 Nous recommandons qu’aucun suivi d’imagerie spécifique ne soit nécessaire pour les lésions surrénaliennes bénignes chez les patients ayant des antécédents de malignité extra-surrénalienne.
Justification : La majorité des masses avec UH < 20 sont bénignes, et l’imagerie pour la malignité sous-jacente est généralement suffisante. Le FDG-PET/CT est la méthode la plus fiable pour évaluer une masse indéterminée par TDM.
R.6.3.4 Pour les lésions indéterminées dont la gestion clinique pourrait être modifiée, nous suggérons un FDG-PET/CT, une résection chirurgicale ou une biopsie. Sinon, nous recommandons un suivi d’imagerie.
Justification : Si la gestion clinique changerait par la confirmation d’une métastase, des efforts pour clarifier la nature de la lésion sont nécessaires. La chirurgie est envisagée si la masse est potentiellement la seule métastase.
R.6.3.5 Avant une biopsie surrénalienne, trois critères doivent être remplis : (1) la lésion est hormonalement inactive, (2) elle n’est pas bénigne par imagerie, (3) la gestion clinique changerait avec l’histologie.
Justification : La biopsie surrénalienne a un taux significatif de résultats non diagnostiques et ne doit être réalisée que si elle modifie la gestion clinique. Une consultation multidisciplinaire est recommandée pour des résultats optimaux.
R.6.3.6 Nous recommandons l’évaluation de la fonction surrénalienne résiduelle chez les patients avec métastases bilatérales significatives.
Justification : Les métastases bilatérales peuvent entraîner une insuffisance surrénalienne primaire chez 12 % des patients, nécessitant une évaluation clinique et biochimique. Les métastases unilatérales rendent cette évaluation généralement inutile.
Figure 9 : Évaluation des patients avec une masse surrénalienne et une malignité extra-surrénalienne connue. Toujours prendre en compte l’espérance de vie. En cas d’excès hormonal, traiter individuellement. La TEP/CT au FDG doit être envisagée pour exclure d’autres dépôts métastatiques chez les patients sans autres lésions métastatiques évidentes pour lesquels l’ablation chirurgicale de la lésion est une option.
(1) Chaque masse surrénalienne nécessite une imagerie surrénalienne dédiée. Les avancées récentes permettent désormais de discriminer entre les catégories de risque :
— Les lésions homogènes avec des unités Hounsfield (UH) < 10 en tomodensitométrie non contrastée sont bénignes et ne nécessitent aucune imagerie supplémentaire, indépendamment de la taille.
— Tous les autres patients doivent être discutés lors d’une réunion multidisciplinaire d’experts, mais seules les lésions > 4 cm qui sont inhomogènes ou ont des UH > 20 présentent un risque suffisamment élevé de malignité pour que la chirurgie soit généralement le choix de gestion.
(2) Chaque patient a besoin d’un bilan clinique et endocrinien approfondi pour exclure un excès hormonal, y compris la mesure des métanéphrines plasmatiques ou urinaires et un test de suppression à la dexaméthasone de 1 mg (en appliquant une valeur seuil de cortisol sérique < 50 nmol/L [< 1,8 µg/dL]).
— Des études récentes ont montré que la plupart des patients sans signes cliniques de syndrome de Cushing manifeste mais avec des niveaux de cortisol sérique post-dexaméthasone > 50 nmol/L (> 1,8 µg/dL) présentent un risque accru de morbidité et de mortalité. Pour cette condition, nous proposons le terme de « sécrétion autonome légère de cortisol » (MACS).
(3) Tous les patients atteints de MACS doivent être dépistés pour les comorbidités potentiellement attribuables au cortisol (par exemple, l’hypertension et le diabète de type 2) afin de s’assurer qu’elles sont traitées de manière appropriée.
(4) Chez les patients atteints de MACS ayant également des comorbidités pertinentes, le traitement chirurgical doit être envisagé de manière individualisée.
(5) L’opportunité d’une intervention chirurgicale doit être guidée par la probabilité de malignité, la présence et le degré d’excès hormonal, l’âge, l’état de santé général et la préférence du patient. Nous fournissons des conseils sur l’approche chirurgicale à considérer pour les masses surrénaliennes avec des résultats radiologiques suspects de malignité.
(6) La chirurgie n’est généralement pas indiquée chez les patients présentant une masse surrénalienne unilatérale asymptomatique, non fonctionnelle et présentant des caractéristiques bénignes évidentes sur les études d’imagerie. En outre, nous proposons des recommandations pour le suivi des patients non opérés, la gestion des patients avec des incidentalomes bilatéraux, pour les patients ayant une malignité extra-surrénalienne et des masses surrénaliennes, ainsi que pour les patients jeunes et âgés atteints d’incidentalomes surrénaliens.
Fassnacht M, Tsagarakis S, Terzolo M, Tabarin A, Sahdev A, Newell-Price J, Pelsma I, Marina L, Lorenz K, Bancos I, Arlt W, Dekkers OM. European Society of Endocrinology clinical practice guidelines on the management of adrenal incidentalomas, in collaboration with the European Network for the Study of Adrenal Tumors. Eur J Endocrinol. 2023 Jul 20 ;189(1):G1-G42. doi : 10.1093/ejendo/lvad066 37318239