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Mise à jour : 13 février 2025 - Mise en ligne : 30 mars 2025, par Thierry HANNEDOUCHE
 
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Le rôle pivot de l’angiotensine II dans l’HTA? et l’atteinte des organes cibles est lié non seulement à son effet vasoconstricteur puissant, mais aussi à l’activation de nombreux systèmes : neuronal, trophique, inflammatoire et pro-coagulant.

Selon les dernières recommandations ESC? 2024, il est maintenant clairement établi que l’angiotensine II joue un rôle central non seulement dans la régulation de la pression artérielle mais aussi dans le remodelage cardiovasculaire pathologique, l’inflammation vasculaire et le stress oxydatif, contribuant ainsi à la progression de la maladie athéroscléreuse et à l’aggravation des complications associées à l’HTA.

L’impact potentiel de l’inhibition de l’enzyme de conversion commence seulement à émerger et le traitement par IEC? est maintenant approuvé dans différentes indications comme l’HTA, mais aussi l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale et chez les patients à haut risque? cardiovasculaire.

1. Mécanismes d’action

1.1. Pharmacologie

Plus d’une dizaine d’IEC sont actuellement commercialisés. À l’exception du lisinopril et du captopril, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont des pro-drogues, ce qui facilite leur absorption mais nécessite une hydrolyse pour les activer.

Les nouvelles données montrent que les différences structurelles entre les IEC influencent leur affinité tissulaire et leur cinétique plasmatique, ce qui peut affecter leur efficacité sur la protection des organes cibles. En particulier, des IEC comme le perindopril et le ramipril, hautement lipophiles, semblent avoir un impact plus marqué sur le remodelage vasculaire et la prévention de la fibrose myocardique.

Tous les IEC ont un mode d’élimination rénal prédominant, responsable d’une accumulation en cas d’insuffisance rénale. Les 2 exceptions sont représentées par le fosinopril et le trandolapril, qui ont une mode d’élimination mixte rénale et hépatique.

L’ESC 2024 recommande une adaptation systématique de la posologie des IEC en cas d’atteinte rénale modérée à sévère, notamment chez les patients avec un DFG <45 mL/min/1.73m2.

Figure 1 : Structure chimique des principaux IEC

Tableau synthétique des principaux IEC commercialisés en France

Produit Biodisponibilité (%) T1/2 (h) Pic (h) Dosage (mg/j)
Captopril 75-90 1,7 1,0-1,5 6,25-300
Enalapril* 60 2,0 2,0-11,0* 2,5-40
Lisinopril 6-60 12,0 6,0-8,0 5-40
Benazepril* >37 10,0 1,0-2,0 5-40
Fosinopril* 36 11,0 1,0 5-80
Quinapril* >60 3,0 2,0 20-80
Perindopril 75 3,0-10,0 1,0-2,0 4-16
Ramipril* 50-60 3,0-12,0* 1,0-2,0 1,25-20
Trandolapril* 80 10,0-24,0* 1,0 1-4

indique une prodrogue métabolisée en actif par des estérases.

1.2. Mécanismes d’action et effets hormonaux

Figure 2 : Vue d’ensemble du système rénine-angiotensine et de ses effets physiologiques

L’enzyme de conversion est pluripotente, catalysant la conversion de l’angiotensine 1 en angiotensine 2 mais aussi la dégradation de la bradykinine et de plusieurs autres peptides vasoactifs.

Les recommandations ESC 2024 insistent sur l’effet protecteur additionnel des IEC via l’augmentation des taux de bradykinine, qui favorise la libération d’oxyde nitrique et de prostacycline, renforçant ainsi l’effet vasodilatateur et anti-inflammatoire.

Figure 3 : Les peptides angiotensines et leurs sites de clivage enzymatique

Figure 4 : Le système rénine-angiotensine et ses 3 sites potentiels d’inhibition : blocage de la rénine, blocage de la conversion de l’enzyme de conversion et blocage du récepteur AT1 de l’angiotensine II.

Figure 5 : Le ratio d’inhibition de l’activité BK / activité ECA est variable selon les IEC. Par exemple, le perindopril génére plus de bradykinine que l’enalapril. Ceci peut être bénéfique grace aux effets de la bradykinine sur le remodellage vasculaire mias peut aussi favoriser le risque d’oedème angioneurotique.

1.3. Effets hémodynamiques

Dans l’hypertension artérielle, ils induisent une réduction de la précharge cardiaque (via leurs effets vasodilatateurs) et de la post-charge (via des effets dilatateurs artériels directs et indirects). Les études récentes montrent que les IEC ont également un effet direct sur l’amélioration de la compliance artérielle et la diminution du stress pariétal myocardique, ce qui contribue à la réduction du risque cardiovasculaire global.

1.4. Effet de classe

L’effet de classe des IEC est généralement accepté pour la réduction tensionnelle, mais certaines différences existent en termes d’efficacité cardiovasculaire et rénale. L’ESC 2024 met en avant l’utilisation des IEC disposant d’une AMM dans les indications spécifiques telles que la prévention secondaire post-infarctus du myocarde et la protection rénale chez les patients diabétiques avec albuminurie.

1.5. Interactions médicamenteuses

Les AINS et les COXIBs diminuent l’efficacité antihypertensive des IEC. Les dernières recommandations insistent sur la nécessité d’une surveillance régulière de la kaliémie et de la fonction rénale en cas d’association avec des diurétiques épargneurs de potassium ou des antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes.

2. Indications et résultats des principales études

2.1. Hypertension

Les IEC sont des agents antihypertenseurs de première ligne recommandés par les dernières directives de l’ESC 2024, particulièrement indiqués chez les patients présentant une hypertension avec comorbidités, notamment le diabète, l’insuffisance rénale chronique et les maladies cardiovasculaires associées [ESC 2024]. Leur efficacité dans la réduction de la pression artérielle est bien établie, et ils ont montré un effet bénéfique au-delà de la simple baisse tensionnelle, en réduisant la rigidité artérielle et en améliorant la compliance des gros vaisseaux [EJIM 2024]. Ils conservent également leur place dans l’HTA systolique isolée, où ils contribuent à une meilleure modulation de la pression pulsatile.

2.2. Insuffisance cardiaque

Les IEC demeurent une pierre angulaire du traitement de l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite (HFrEF), en raison de leur capacité à réduire la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations. Le périndopril, l’enalapril, le ramipril et le trandolapril ont tous démontré des bénéfices cliniques significatifs. Les nouvelles recommandations 2024 réaffirment leur place en première intention, en association avec les bloqueurs des récepteurs minéralocorticoïdes et les inhibiteurs des SGLT2 lorsque cela est indiqué [ESC 2024].

2.3. Post-infarctus

Les dernières recommandations insistent sur l’initiation précoce des IEC après un infarctus du myocarde (IDM), particulièrement chez les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG ?40%) et/ou des signes d’insuffisance cardiaque. L’enalapril, le captopril, le lisinopril et le trandolapril conservent leur indication dans cette population, réduisant significativement la morbi-mortalité. Il est recommandé de débuter à faible dose et d’augmenter progressivement en fonction de la tolérance [ESC 2024].

2.4. Néphropathies

L’effet néphroprotecteur des IEC est confirmé dans les dernières recommandations, tant pour les néphropathies diabétiques que non diabétiques. L’étude REIN et les données issues de l’étude AASK continuent de soutenir leur utilisation dans la prévention de la progression de l’insuffisance rénale chronique. Toutefois, l’ESC 2024 souligne l’importance d’un suivi strict de la fonction rénale et du potassium, surtout chez les patients avec un DFG <30 ml/min/1,73m² [KDIGO 2024] . Les inhibiteurs des SGLT2 sont désormais recommandés en complément des IEC dans les néphropathies diabétiques et l’IRC, en raison de leur effet bénéfique démontré sur la préservation de la fonction rénale [ESC 2024].

2.5. Accident vasculaire cérébral

L’ESC 2024 continue de recommander la combinaison IEC + diurétique thiazidique pour la prévention secondaire des AVC, notamment d’après les résultats de l’étude PROGRESS. Toutefois, l’étude HOPE a confirmé que l’utilisation du ramipril seul peut aussi réduire le risque d’AVC chez les patients à haut risque cardiovasculaire. L’ESC met également l’accent sur le contrôle strict de la pression artérielle post-AVC et préconise un objectif tensionnel inférieur à 130/80 mmHg pour ces patients [ESC 2024].

2.6. Patients à haut risque cardiovasculaire

L’étude HOPE demeure une référence pour l’efficacité du ramipril dans la réduction du risque cardiovasculaire global, avec une baisse de 22% du critère composite incluant mortalité CV, infarctus et AVC. L’ESC 2024 réaffirme l’importance de l’association IEC + diurétique ou IEC + BCC chez ces patients, afin d’optimiser le contrôle tensionnel et la protection cardiovasculaire. L’étude EUROPA, bien que portant sur une population à risque plus modéré, a également confirmé un bénéfice avec le périndopril [ESC 2024].

Figure 6 : Réduction de la mortalité chez les sujets hypertendus traités par IEC vs ARA2

Tableau : Résumé des indications préférentielles des IEC (ESC 2024, KDIGO 2024, ESH 2023)
- Insuffisance cardiaque à FEVG réduite
- Insuffisance cardiaque post-infarctus
- Néphropathie diabétique et non diabétique
- Hypertension avec atteinte d’organe cible
- Prévention secondaire des AVC (en association avec un thiazide)
- Patients à haut risque cardiovasculaire (prévention primaire et secondaire)

3. Utilisation clinique

3.1. Effets sur la pression artérielle

Les IEC demeurent une classe clé dans la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA), avec une efficacité comparable aux autres classes thérapeutiques. Selon les recommandations de l’ESC 2024, leur utilisation est privilégiée en première ligne chez les patients avec comorbidités associées, notamment les patients diabétiques, ceux ayant une insuffisance rénale chronique ou un risque cardiovasculaire élevé [ESC 2024]. L’efficacité tensionnelle des IEC a été démontrée dans plusieurs essais cliniques, avec des taux de réponse de 40 à 70 % dans les HTA de stade 1 et 2. L’analyse des rapports pic/vallée en MAPA (mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 h) montre que des molécules comme le trandolapril, le lisinopril, l’enalapril, le fosinopril, le périndopril et le ramipril peuvent être administrées une fois par jour [ESH 2023].

3.2. Réponse par sous-groupes

Certains sous-groupes de patients montrent une réponse variable aux IEC en monothérapie, notamment les sujets ayant une concentration de rénine basse, les sujets sensibles au sel (notamment les patients diabétiques et les Afro-Américains). Toutefois, les différences de réponse raciale observées sont abolies lorsque les IEC sont combinés avec un diurétique thiazidique, comme le confirment les recommandations ESC 2024 [ESC 2024].

Chez les patients âgés hypertendus, la diminution de la rénine liée à l’âge ne contre-indique pas l’utilisation des IEC, mais nécessite une surveillance accrue en raison d’un risque plus élevé d’insuffisance rénale aiguë. De plus, leur élimination rénale implique un ajustement posologique en cas d’insuffisance rénale modérée à sévère [KDIGO 2024].

3.3. Dosage

La dose optimale d’un IEC est celle ayant démontré un bénéfice sur la morbi-mortalité dans les essais cliniques. Il est recommandé d’atteindre la dose cible par une titration progressive, sauf en cas d’intolérance. Chez les patients à risque (insuffisance cardiaque, rénale, ou patients âgés), chaque augmentation de dose doit être suivie d’un contrôle de la fonction rénale et de la kaliémie 1 à 2 semaines après la titration [ESC 2024].

Hypertension

Les IEC doivent être utilisés à la dose efficace validée dans les essais cliniques. En cas de réponse insuffisante :

  • Augmenter la dose : bien que la courbe dose-réponse d’un IEC tende à s’aplatir à forte dose, une titration progressive peut prolonger la durée de l’effet tensionnel.

  • Attendre la pleine efficacité : la baisse de pression artérielle peut nécessiter plusieurs semaines de traitement avant d’atteindre son effet maximal.

  • Associer un autre antihypertenseur : la combinaison avec un diurétique thiazidique est la stratégie de choix en cas de réponse insuffisante.

Patients à haut risque cardiovasculaire

L’étude HOPE a démontré que seules les doses validées (10 mg/j de ramipril) permettent une réduction significative des événements cardiovasculaires, les doses plus faibles (2,5 mg/j) étant inefficaces [ESC 2024].

Chez les patients diabétiques (microHOPE), le bénéfice du ramipril 10 mg/j était au moins équivalent à celui des patients non diabétiques. En revanche, l’étude DIABHYCAR a montré que de faibles doses de ramipril (1,25 mg/j) ne réduisent ni le risque cardiovasculaire ni la progression de la néphropathie diabétique [KDIGO 2024].

Insuffisance cardiaque

Les IEC doivent être initiés à faible dose et augmentés progressivement jusqu’à la dose maximale tolérée. L’étude ATLAS a démontré que des doses élevées de lisinopril (40 mg/j) réduisent le taux d’hospitalisation et la mortalité par rapport à des doses faibles (5 mg/j), avec un bénéfice proportionnel à la dose [ESC 2024]. L’ESC 2024 recommande une titration progressive chez les patients insuffisants cardiaques, avec surveillance des biomarqueurs tels que le BNP.

Post-infarctus

Chez les patients hémodynamiquement stables après un infarctus du myocarde, un IEC doit être initié dès les premières 24 heures, à faible dose et titré progressivement. L’ESC 2024 rappelle que 40 % du bénéfice en survie est observé dans les 48 premières heures, soulignant l’importance d’un démarrage précoce du traitement [ESC 2024].

Néphropathies

Les IEC ralentissent la progression de l’insuffisance rénale, indépendamment de l’effet tensionnel. Les posologies efficaces pour réduire la protéinurie sont souvent plus élevées que celles utilisées pour l’HTA. Toutefois, une surveillance étroite de la fonction rénale et du potassium est requise, notamment chez les patients avec un DFG < 30 ml/min/1,73 m² [KDIGO 2024].

3.4. Combinaison avec d’autres médicaments

Association avec un diurétique

L’ESC 2024 recommande en priorité l’association d’un IEC avec un diurétique thiazidique (ex. hydrochlorothiazide ou indapamide), en raison d’une synergie tensionnelle forte. Une activation compensatoire du système rénine-angiotensine par la déplétion sodée potentialise l’effet des IEC, même à très faible dose de diurétique (6,25 mg d’hydrochlorothiazide) [ESC 2024].

Association avec un bloqueur des canaux calcium

Les IEC peuvent être combinés avec un bloqueur des canaux calcium (BCC) pour un effet additif sur la baisse tensionnelle et une meilleure tolérance. L’association IEC + BCC est particulièrement indiquée chez les patients présentant une atteinte cardiovasculaire associée (ex. coronaropathie, hypertrophie ventriculaire gauche)*[ESC 2024].

Association avec un ARA2 (sartans)

Les nouvelles recommandations déconseillent l’association d’un IEC avec un ARA2 en raison d’un bénéfice clinique limité et d’un risque accru d’hyperkaliémie et d’insuffisance rénale aiguë [ESC 2024].

4. Effets indésirables

Les IEC sont généralement bien tolérés, mais ils présentent des effets indésirables spécifiques, principalement liés à leur inhibition de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et à l’accumulation de bradykinine.

Tableau : Effets secondaires des IEC
Fréquents
— Toux sèche (10 à 20 % des patients)
— Hypotension de première dose (notamment en cas d’insuffisance cardiaque sévère ou de déshydratation)
— Insuffisance rénale fonctionnelle (facteurs de risque : insuffisance rénale préexistante, hypovolémie, sténose des artères rénales)
— Hyperkaliémie (facteurs de risque : insuffisance rénale, diabète, utilisation concomitante de diurétiques épargneurs de potassium)
Rares
— Œdème angioneurotique (œdème de Quincke, 0,1 à 0,2 % des patients, plus fréquent chez les sujets noirs)
— Réactions anaphylactoïdes
— Leucopénie (observée à fortes doses de captopril)
— Dysgueusie (captopril, probablement liée au groupement SH)

4.1. Fonction rénale

Les IEC peuvent induire une insuffisance rénale fonctionnelle transitoire, en particulier chez les patients avec une sténose bilatérale des artères rénales ou un rein unique fonctionnel. Ce phénomène est lié à la vasodilatation de l’artériole efférente, entraînant une réduction excessive de la pression de filtration glomérulaire.

Facteurs de risque :

  • Sténose des artères rénales

  • Insuffisance cardiaque sévère

  • Hypovolémie (diurétiques, diarrhée, déshydratation)

  • Néphropathie diabétique avancée

Mesures correctives : arrêt temporaire de l’IEC et correction de l’hypovolémie (au même titre que le diurétique et la gliflozine souvent associés). La reprise du traitement peut être envisagée avec un suivi rapproché de la créatininémie et de la kaliémie [ESC 2024, KDIGO 2024].

4.2. Hyperkaliémie

L’hyperkaliémie sous IEC est plus fréquente chez les patients atteints d’insuffisance rénale, de diabète, ou traités par spironolactone, AINS ou suppléments potassiques. Une surveillance de la kaliémie est recommandée avant l’initiation du traitement et dans les semaines suivantes [KDIGO 2024].

Facteurs aggravants :

  • Insuffisance rénale chronique

  • Utilisation conjointe de diurétiques épargneurs de potassium (amiloride)

  • Suppléments de potassium (y compris certains sels de régime)

  • Antagonistes de l’aldostérone (spironolactone, éplérénone)

Prise en charge :

  • Réduction des apports en potassium alimentaire (fruits, légumes riches en potassium)

  • Ajout d’un diurétique thiazidique ou de l’anse

  • Utilisation de résines échangeuses d’ions (polystyrène sulfonate, patiromer, zirconium cyclosilicate) en cas d’hyperkaliémie sévère [ESC 2024, KDIGO 2024].

4.3. Toux

Une toux sèche non productive survient chez 10 à 20 % des patients, probablement due à l’accumulation de bradykinine et de substance P dans les voies respiratoires. Cette toux est souvent majorée ou déclenchée par le clinostatisme, ce qui peut être un élément d’orientation.

Prise en charge :

  • Expliquer que la toux est bénigne et disparaît après l’arrêt du traitement

  • Substitution par un ARA2 en cas d’intolérance confirmée

Facteurs de risque :

  • Plus fréquente chez les patients asiatiques

  • Peut survenir après plusieurs semaines/mois de traitement

4.4. Œdème angioneurotique

L’œdème angioneurotique est une complication rare mais potentiellement grave des IEC (0,1-0,2 % des patients), touchant préférentiellement les lèvres, la langue et les voies aériennes supérieures. Il survient généralement dans les premières semaines de traitement mais peut apparaître tardivement [ESC 2024].

Prise en charge :

  • Arrêt immédiat et définitif des IEC

  • Traitement d’urgence en cas d’œdème laryngé : corticoïdes IV (soludécadron), antihistaminiques, adrénaline si détresse respiratoire

  • Contre-indication stricte des IEC après un épisode d’angio-œdème

Alternatives thérapeutiques :

  • ARA2 (faible risque d’angio-œdème croisé)

  • Autres classes antihypertensives (BCC, diurétiques)

Figure 7 : Œdème de la langue induit par un IEC, complication potentiellement mortelle en cas d’oedème laryngé

4.5. IEC et grossesse

Les IEC (comme les ARA2) sont strictement contre-indiqués pendant la grossesse, car ils peuvent provoquer des anomalies fœtales, notamment une anurie néonatale et une hypoplasie pulmonaire (syndrome de “potter-like”) si utilisés au deuxième ou troisième trimestre* [ESC 2024].

Tableau : Contre-indications aux IEC
Absolues
— Œdème de Quincke (angio-œdème)
— Allergie aux IEC
— Grossesse
Relatives
— Sténose des artères rénales bilatérale

4.6. IEC et risque de cancer du poumon

Une étude de cohorte publiée en 2018 dans le British Medical Journal a suggéré une association entre l’utilisation prolongée des IEC et une augmentation du risque de cancer du poumon (+14 % comparé aux ARA2), avec un risque accru après 5 ans (+22 %) et un pic à 10 ans (+31 %).

Mécanismes biologiques possibles :

  • Accumulation de bradykinine et de substance P dans le tissu pulmonaire

  • Activation de l’angiogenèse via le VEGF

  • Augmentation de la perméabilité vasculaire, facilitant l’invasion tumorale

Limitations de l’étude :

  • Étude observationnelle (pas de preuve de causalité, car les patients fumeurs sont aussi ceux les plus à risque de complications cardio-vasculaires ou rénales, susceptibles d’être une indication aux IEC)

  • Influence du tabagisme non totalement prise en compte

  • Résultats à confirmer par des essais prospectifs

Implications cliniques :

  • Aucune recommandation officielle ne modifie l’usage des IEC pour le moment

  • Surveillance renforcée chez les patients ayant d’autres facteurs de risque de cancer pulmonaire

  • Alternatives possibles chez les patients à très haut risque oncologique

5. Pour la pratique, on retiendra :

Mécanismes d’action et propriétés pharmacologiques

  • Les IEC inhibent la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II, ce qui entraîne une diminution de la vasoconstriction et de la stimulation du système nerveux sympathique.

  • Ils augmentent les taux de bradykinine, un vasodilatateur naturel, contribuant à leurs effets hypotenseurs mais aussi à certains effets secondaires (toux, œdème angioneurotique).

  • Les différences pharmacocinétiques entre les IEC concernent leur liaison tissulaire (certains ayant une durée d’action plus prolongée, ex. périndopril, ramipril) et leur voie d’élimination (rénale, hépatique ou mixte), influençant le choix chez les patients insuffisants rénaux ou hépatiques.

Indications majeures selon les recommandations ESC 2024

Ralentissement de la progression des lésions d’organe cible :

  • Insuffisance rénale chronique (IRC) et néphropathies protéinuriques : effet néphroprotecteur validé, particulièrement chez les patients diabétiques.

  • Insuffisance cardiaque : amélioration des symptômes et réduction du risque d’hospitalisation et de décès (recommandation de classe IA).

Réduction de la mortalité cardiovasculaire et prévention secondaire :

  • Post-infarctus du myocarde (IDM) : initiation précoce (dès les premières 24 heures) chez les patients stables, avec une titration progressive.

  • Patients à haut risque cardiovasculaire (antécédents coronariens, artériopathie périphérique, AVC ischémique) : réduction des événements cardiovasculaires majeurs (recommandation IA).

Effet additif en association avec d’autres antihypertenseurs :

  • IEC + diurétiques thiazidiques : association préférentielle dans l’HTA résistante ou en cas de réponse insuffisante en monothérapie.

  • IEC + bloqueurs des canaux calciques : indiqué chez les patients avec atteinte cardiovasculaire associée (ex. hypertrophie ventriculaire gauche).

  • IEC + ARA2 (sartans) non recommandé, sauf rares exceptions, en raison d’un bénéfice limité et d’un risque accru d’effets indésirables (hyperkaliémie, insuffisance rénale).

Effets secondaires et précautions d’emploi**

Effets secondaires fréquents :

  • Toux sèche (10-20 % des patients) : arrêt des IEC nécessaire en cas d’intolérance, substitution par un ARA2.

  • Hypotension de première dose, surtout chez les patients déshydratés ou traités par diurétiques.

Complications rares mais graves :

  • Œdème angioneurotique (œdème de Quincke) : urgence médicale nécessitant l’arrêt définitif des IEC.

  • Hyperkaliémie, surtout chez les insuffisants rénaux ou diabétiques (surveillance régulière du potassium).

Insuffisance rénale fonctionnelle réversible :

  • Survient principalement chez les patients avec sténose bilatérale des artères rénales ou néphropathie avancée.

  • Surveillance rapprochée de la créatininémie et de la kaliémie après l’initiation ou l’augmentation de la dose.

Recommandations pratiques ESC 2024

  • Contrôle systématique de la fonction rénale et de la kaliémie avant et après initiation des IEC.

  • Titulation progressive pour atteindre la dose efficace validée dans les études cliniques.

  • Arrêt immédiat en cas d’œdème angioneurotique ou d’intolérance sévère.

  • Contre-indication stricte pendant la grossesse en raison du risque de toxicité fœtale (anurie néonatale, hypoplasie pulmonaire).

  • Utilisation prudente chez les patients âgés et en insuffisance rénale : adaptation posologique nécessaire en fonction du DFG.

Les IEC restent une classe thérapeutique incontournable en cardiologie et néphrologie, avec des bénéfices prouvés en termes de réduction des événements cardiovasculaires et de protection des organes cibles. Leur utilisation nécessite cependant une surveillance attentive, notamment en raison des risques d’hyperkaliémie et d’insuffisance rénale fonctionnelle.

 
 

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