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zone restreinte 02d - CC3 : Des fluctuations cycliques de la pression artérielle ...

Mise à jour : 7 septembre 2024 - Mise en ligne : 19 février 2025, par Thierry HANNEDOUCHE
 
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Un homme de 55 ans est admis aux urgences pour des récidives de douleurs thoraciques, de dyspnée, de céphalées et de pâleur.
Il signale que ces épisodes symptomatiques récurrents durent depuis 24 heures.

Six mois plus tôt, le patient a fait un accident vasculaire cérébral ischémique subaigu au niveau de la circulation postérieure gauche, attribué à une maladie cérébrovasculaire athérosclérotique.
Ses antécédents médicaux incluent un diabète de type 2 et une pathologie dégénérative de la colonne lombaire.
Il est traité par aspirine à faible dose, atorvastatine et metformine.

À l’examen clinique, le patient est en mauvais état général et anxieux. Sa peau est froide et moite.
Il présente une hypertension sévère avec une PA? de 250/140 mmHg, une fréquence cardiaque de 88 battements par minute (bpm) et une saturation en oxygène de 95 %.

Les analyses de laboratoire montrent :
— Numération leucocytaire 25,3 × G/L (N 3,9–10,2 × G/L)
— Hémoglobine 20,2 g/dL (N 13,5–17,2 g/dL
— Créatinine 240 mcm/L (N < 110 µmol/L)
— DFGe? 29 mL/min/1,73m2 (N > 60 )
— Glycémie 2,15 g/L (N <1,10 g/L, à jeun)
— D-dimères 3,4 µg/mL (N <0,5 µg/mL)
— Lactates 6,5 mmol/L (N 0,5–1,6 mmol/L)
— pH 7,25 (N 7,38–7,42)
— Bicarbonatémie 18 mmol/L (N 23-27 mmol/L)

Ces résultats indiquent une leucocytose, une polyglobulie, une insuffisance rénale probablement aiguë, une hyperglycémie, une hyperlactatémie et une acidose métabolique.

La surveillance invasive de la pression artérielle et du rythme cardiaque, à l’aide d’un cathéter artériel radial, met en évidence d’importantes variations cycliques de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque à des intervalles de 15 minutes :
— Pression systolique : 45 mmHg à 310 mmHg
— Pression diastolique : 35 mmHg à 160 mmHg
— Fréquence cardiaque : 70 bpm à 130 bpm

Figure 1 : Fluctuations cycliques de la pression artérielle

Q1 Quel diagnostic évoquez-vous et quels sont les examens à réaliser en urgence ?

Ces fluctuations sévères et rapides de la pression artérielle, ainsi que les variations réciproques de la fréquence cardiaque, sont quasi-pathognomoniques du phéochromocytome.

Les examens d’imagerie urgents sont indispensables :
— Angio-TDM de l’aorte : pour l’exclusion d’un syndrome aortique aigu tel que la dissection aortique, l’hématome intramural et l’ulcère athéromateux pénétrant.
— Une masse de 87 unités Hounsfield a été identifiée au centre de la glande surrénale droite (Fig. 2A et 2B).
— La scintigraphie MIBG (méta-iodobenzylguanidine) marquée à l’iode-123 montre une captation du traceur au niveau de la glande surrénale droite, sans lésion métastatique (Fig. 2C). Ces résultats sont fortement évocateurs d’un phéochromocytome.

Q2 Quelle approche thérapeutique, proposez-vous ?


Le traitement initial avec l’administration continue d’urapidil intraveineux et de cristalloïdes n’a eu qu’un effet minimal sur les paramètres hémodynamiques. L’augmentation de la dose d’urapidil a été limitée par la survenue d’épisodes récurrents d’hypotension symptomatique.

L’administration orale de phénoxybenzamine, un alpha-bloqueur non compétitif et non sélectif, a conduit à une stabilisation rapide et soutenue de la pression artérielle (Fig. 3). Quatre jours après l’admission, le propranolol, un bêta-bloqueur, a été ajouté au traitement.

Figure 3 : Evolution de la PA. Flèche rouge : introduction de la phénoxybenzamine, Flèche noire : effet du traitement.

Les résultats biologiques un jour après l’admission ont révélé des concentrations très élevées de catécholamines et de métanéphrines dans le sérum et les urines.

— Adrenaline (sang) : > 6600 pg/ml (N < 100)
— Noradrenaline (sang) : > 33000 pg/ml (N < 600)
— metanephrine libre (sang) : > 3600 pg/ml (N < 65)
— normetanephrine libre (sang) : > 4800 pg/ml (N < 196)
— Chromogranin A (sang) : 4800 ng/ml (N < 100)

Une intervention chirurgicale a été réalisée
— Adrénectomie laparoscopique : Réalisée 16 jours après l’admission, elle a conduit à la normalisation des concentrations de catécholamines dans le sang et l’urine.
— Examen histologique : L’analyse pathologique et immunohistochimique de la tumeur de 5,5 × 3,5 × 4,2 cm a révélé des nids de cellules néoplasiques, confirmant le diagnostic de phéochromocytome (Fig. 4).

Figure 4 : Analyse pathologique, histologique et immunohistochimique du phéochromocytome
(A) Masse surrénalienne après exérèse chirurgicale complète : La photographie montre la masse surrénalienne entière, retirée lors de l’adrénectomie laparoscopique. La masse présente une surface lisse et une consistance homogène, caractéristiques souvent retrouvées dans les phéochromocytomes.
(B) Vue en coupe transversale de la masse tumorale : La coupe transversale de la tumeur révèle une structure hétérogène, avec des zones solides et d’autres plus kystiques, ce qui est typique de ce type de tumeur. La présence de régions hémorragiques ou nécrotiques peut être observée dans les phéochromocytomes.
(C) Examen histologique de la transition entre le tissu normal et les nids tumoraux (Coloration : Hématoxyline et éosine (H&E), Grossissement : x100) : Cette analyse montre la transition du tissu surrénalien normal aux nids tumoraux. On peut observer la délimitation nette entre les deux tissus, avec la présence de cellules tumorales organisées en amas (ou “nids de Zellballen”), un agencement caractéristique du phéochromocytome.
(D) Examen histologique des nids de cellules tumorales (Coloration : Hématoxyline et éosine (H&E), Grossissement : x400) : À un grossissement plus élevé, les nids de cellules néoplasiques sont clairement visibles. Les cellules tumorales ont des noyaux ronds à ovales, chromatine fine et nucléoles apparents. Les cytoplasmes sont basophiles. Ce type d’architecture, avec des nids cellulaires séparés par un stroma fibrovasculaire, est une caractéristique pathognomonique des phéochromocytomes.
(E) Examen immunohistochimique des nids tumoraux (Coloration : Marquage par la synaptophysine, Grossissement : x200) : L’examen immunohistochimique révèle une forte positivité pour la synaptophysine, un marqueur des tumeurs neuroendocrines. Les nids tumoraux apparaissent marqués en rouge, ce qui confirme la nature neuroendocrine de la tumeur. La synaptophysine est un marqueur couramment utilisé pour diagnostiquer les tumeurs d’origine neuroendocrine, y compris les phéochromocytomes.

Des analyses génétiques de séquençage de nouvelle génération (NGS) n’ont révélé aucune mutation pathogène dans les gènes suivants : SDHB, SDHC, SDHD, RET, MEN1, MAX, NF1, SDHA, SDHAF2, TMEM127 et VHL.

Évolution et suivi

Le patient est sorti de l’hôpital 21 jours après l’admission.
Lors de la consultation de suivi 3 mois plus tard, il présentait une pression artérielle bien contrôlée avec une moyenne de 119/76 mmHg (valeurs moyennes diurnes : 124/83 mmHg, nocturnes : 108/63 mmHg), sous ramipril 5 mg et amlodipine 5 mg, une fois par jour.

Conclusion

— Le diagnostic final est un phéochromocytome de la glande surrénale droite. Les phéochromocytomes et paragangliomes sont des tumeurs neuroendocrines rares, mais leur présentation clinique peut être dramatique, et peuvent entraîner des complications potentiellement mortelles (insuffisance cardiaque aiguë, AVC?, infarctus du myocarde).
— Les fluctuations cycliques de la pression artérielle induites par les catécholamines sont caractéristiques et constituent un signe quasi-pathognomonique. L’enregistrement graphique de ces fluctuations peut permettre un diagnostic rapide.
— Ce cas illustre l’importance de la reconnaissance précoce des fluctuations cycliques sévères de la pression artérielle, de la mise en place d’un blocage alpha efficace et de l’identification des tumeurs neuroendocrines par l’imagerie. L’intervention chirurgicale, suivie d’un suivi à long terme, permet une normalisation de la pression artérielle et une amélioration du pronostic global.