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zone restreinte 01b - L’apport des méta-analyses dans l’évaluation du traitement de l’HTA

Mise à jour : 6 septembre 2023 - Mise en ligne : 24 février 2025, par Bernard CHAMONTIN, Thierry HANNEDOUCHE
 
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Le terme méta-analyse? décrit une procédure statistique selon laquelle les résultats de plusieurs études différentes portant sur la même question sont combinés pour obtenir une réponse plus précise et plus fiable à la question étudiée. La technique peut être utilisée à partir de différents modèles d’étude (à la fois d’observation et d’intervention), mais la méta-analyse est maintenant le plus souvent réalisée dans le cadre de revues systématiques d’essais contrôlés randomisés.

Les méta-analyses d’essais contrôlés randomisés sont particulièrement utiles parce que leur conception robuste permet une estimation précise et fiable de l’effet réel de l’intervention, alors que les estimations individuelles fournies par de petits essais peuvent être très imprécises. En outre, dans un domaine dans lequel il y a souvent plusieurs essais portant sur une question donnée, une méta-analyse peut être un moyen commode et pratique de résumer l’information pour les cliniciens.

1. Intérêts et limites des méta-analyses? dans le traitement de l’HTA?

L’un des principaux moteurs des méta-analyses dans le domaine de l’hypertension a été la nécessité d’une information fiable sur la comparabilité des effets des différentes classes de médicaments. Avec des dizaines de millions de personnes qui utilisent des traitements antihypertenseurs et un coût de dizaines de milliards de dollars chaque année, même de petites différences d’efficacité des classes de médicaments peuvent avoir des implications profondes sur la santé publique et les recommandations. Cependant, un très grand volume de données est nécessaire pour obtenir une telle information avec fiabilité. Ainsi, pour détecter une différence de risque? relatif de 15% entre deux agents, il faut plus de 1000 événements. Pour détecter une différence de 10% il faut plusieurs milliers d’événements et pour définir de manière fiable les effets comparatifs dans des sous-groupes de patients il en faut encore plus. À l’exception d’un ou deux très grands essais, peu d’études ont enregistré un nombre suffisant d’événements pour permettre de répondre à ces types de questions.

Il existe deux méthodes principales pour combiner des données provenant d’essais contrôlés randomisés dans une méta-analyse :
— le modèle à effets fixes,
— le modèle à effets aléatoires.

Le modèle à effets fixes est basé sur l’hypothèse que les résultats des essais individuels correspondent toutes à un véritable effet de l’intervention et que les différences entre les résultats de chaque étude individuelle et le "véritable effet" hypothétique sont uniquement une conséquence du hasard.

En revanche, le modèle à effets aléatoires repose sur l’hypothèse qu’il n’y a pas que le hasard qui explique les différences dans les résultats des essais individuels. Dans la pratique, les différences dans l’estimation de l’effet avec les deux méthodes ne sont pas importantes, sauf si les essais individuels comportent des résultats particulièrement extrêmes. Cependant, parce que le modèle à effets aléatoires permet la possibilité qu’il y ait des différences aléatoires et systématiques dans les résultats des essais analysés, l’intervalle de confiance obtenu avec ce modèle sera plus large que celui obtenu avec le modèle à effets fixes.

Pour remplir les critères pour une méta-analyse, les essais à inclure devraient tous aborder la même question mais cette appréciation peut diverger d’une analyse à l’autre. En pratique, les méta-analyses diffèrent selon les caractéristiques des essais inclus ; ainsi les essais portant sur les effets des différents traitements antihypertenseurs sur la réduction des événements CV ont souvent été combinés, mais ont inclus les participants avec des profils cliniques hétérogènes et des durées de suivi très différentes. De même, il existe de nombreux essais comparant les effets de classes médicamenteuses, mais les médicaments spécifiques utilisés et les schémas posologiques peuvent être très variables. Cette hétérogénéité des essais analysés semble renforcer, plutôt qu’affaiblir, les conclusions des méta-analyses lorsque l’ensemble des essais sont concordants. En particulier, la cohérence des effets du traitement dans les différents sous-groupes de participants peut être vérifiée, si des essais similaires mais pas strictement identiques sont inclus.

Pour obtenir des estimations non biaisées de l’effet du traitement dans une méta-analyse d’essais contrôlés randomisés, il est essentiel que tous les essais portant sur la question soient inclus. Il est bien établi que les essais avec des résultats peu concluants ou défavorables ne sont pas publiés aussi souvent que des essais avec des résultats positifs (« biais de publication »). L’exclusion systématique des essais neutres ou négatifs non publiés pourrait entraîner une surestimation de l’effet positif d’une méta-analyse. Les méta-analyses fondées uniquement sur des données publiées et faites sans la coopération de l’industrie ou des investigateurs principaux dans le domaine sont relativement faciles à réaliser, mais peut-être particulièrement sujettes à des biais de publication.

En revanche, les méta-analyses exhaustives menées par les grands réseaux de collaboration bien informés sur les essais en cours ou non publiés, sont moins sujettes à ces biais de publication. Un exemple de ces méta-analyses collaboratives sont celles menées par le Blood Pressure Lowering Treatment Trialists’ Collaboration (BPLTTC), le Cholesterol Traitement Trialists’ Collaboration (CTTC) et le Antithrombotic Treatments Trialists’ Collaboration (ATTC). La nature prospective de ces projets limite le risque de biais, parce que toutes les décisions importantes concernant l’analyse et le rapport d’étude sont précisées avant même que les résultats des essais ne soient connus. De grands efforts sont de plus déployés par ces groupes de collaboration pour veiller à ce que tous les essais pertinents soient identifiés. Grâce à ces processus de collaboration, on peut considérablement améliorer la normalisation des définitions des événements et le partage des données individuelles, avec les avantages analytiques qui en découlent.

2. Les principales méta-analyses dans le traitement de l’HTA

2.1 En référence, le traitement antihypertenseur par béta-bloqueurs et diurétiques thiazidiques.

Le bilan des années 90 a été dressé par la méta-analyse de Collins & MacMahon en 1994 à partir de 17 essais thérapeutiques. Cette méta-analyse montre une réduction du Risque Relatif (RR?) d’AVC? de 38 %, de maladie coronarienne de 16 % et de décès vasculaires de 21 % avec le traitement béta-bloqueur et diurétique thiazidique (ou apparenté) [Rappelez vous la différence entre réduction du risque relatif et réduction du risque absolu, une RRR? peut être importante alors qu’il y a peu d’événement en valeur absolue et inversement. Cette présentation trompeuse est souvent utilisée dans la publication des grands essais randomisés, notamment ceux soutenus par l’industrie pharmaceutique.].

Figure 1 : Méta-analyse de Collins & MacMahon démontrant le bénéfice des diurétiques thiazidiques et des béta-bloqueurs par rapport au placebo. T= traités, C=contrôles (témoins). En jaune la mortalité, en bleu les événements cardiovasculaires non mortels.

2.2 La méta-analyse 2003 de Staessen (Staessen, 2003)

Dans cette méta-analyse, les nouveaux hypertenseurs ont été comparés aux « anciens ». Lors de la comparaison des BCC? aux bêta-bloqueurs et diurétiques, il n’a été observé aucune différence en terme de mortalité, de mortalité cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde ;

Tableau 1 : Bénéfice clinique comparé des classes d’AH dans 9 essais, 67 435 patients randomisés - BCC vs? anciens médicaments ; Odds Ratio, bénéfice des CCB
Evénements OR? p
— Mortalité 0,98 0.51
— Mortalité CV 1,03 0,15
— Tout ECV? 1,03 0,15
— IDM? 1,02 0,61
— AVC 0,92 0,07
(excluant CONVINCE) 0.90, 0.02
— Insuffisance cardiaque (incluant CONVINCE) 1,33 0,0001

Par contre, il existe une tendance en faveur d’un meilleur bénéfice dans la prévention des AVC sous BCC, et à l’inverse une moins bonne efficacité de cette classe au regard de la prévention de l’insuffisance cardiaque. La comparaison des IEC? avec bêta-bloqueur et diurétique ne fait apparaître aucune différence en terme de mortalité cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde (Tableau 5). Par contre, il existe une tendance à un surcroît d’AVC sous IEC. Il n’est paradoxalement pas observé de différence dans la prévention de l’insuffisance cardiaque.

Tableau 2 : Bénéfice clinique comparé des classes d’AH dans 5 essais, 46 553 patients randomisés- IEC vs anciens médicaments - Odds Ratio, bénéfice des IEC
Evénements OR p
— Mortalité totale 1, 0.88
— Mortalité CV 1.02 0.62
— IDM 0.97 0.39
— AVC 1.1 0.03
— Insuffisance cardiaque 1.04 0.64

Figure 2 : Bénéfices de la réduction tensionnelle par sous-groupes (Staessen & Wang, 2003)

2.3 La méta-analyse 2003 des Trialists (Turnbull, 2003)

Cette méta-analyse a inclus les résultats de 29 essais thérapeutiques randomisés, rassemblant 62 341 patients. Elle permet d’étudier le bénéfice de différents traitements antihypertenseurs en prévention des événements cardiovasculaires majeurs. Ainsi, le bénéfice apporté par les différentes classes d’antihypertenseurs incluant pour la première fois les ARA2?, a pu être étudié. Différentes classes d’antihypertenseurs sont comparées au placebo, les nouveaux antihypertenseurs IEC, BCC et ARA2 sont comparés à un bêta-bloqueur et diurétique, et enfin les traitement sont comparés selon leur « intensité ».

Cette méta-analyse ne permet pas de faire apparaître de supériorité d’une classe d’antihypertenseur comparée à une autre. Bien que des effets spécifiques soient évoqués pour certaines classes d’antihypertenseurs en prévention de l’AVC ou de la maladie coronarienne, les résultats observés suggèrent davantage que l’abaissement de la PA? reste le déterminant majeur du bénéfice. Plus les différences de PA obtenues sont importantes et plus le bénéfice apparaît grand, selon une relation linéaire, dont la pente est différente pour la maladie coronarienne et l’AVC.

Figure 3 : Relation quasi-linéaire entre la réduction tensionnelle et la réduction des ECV. La pente est plus marquée pour la réduction des AVC que pour celle des événements coronariens

2.4 Méta-analyse 2008 des Trialists (Turnbull, 2008)

Cette méta-analyse met à jour la précédente et inclut 31 essais randomisés et 190 606 participants. Cette méta-analyse ne retrouve pas de différence sur les événements cardiovasculaires majeurs, entre les groupes d’âge ou entre les classes d’antihypertenseurs (diurétiques thiazidiques, béta- bloqueurs, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine et bloqueurs des canaux calcium) (p=0,24).

2.5 Méta-analyse 2009 de Law (Law, 2009)

Cette méta-analyse concerne 464 000 personnes, définies en trois catégories mutuellement exclusives :
— sans antécédents de maladie vasculaire,
— avec des antécédents de maladie coronarienne,
— ou des antécédents d’accident vasculaire cérébral.

Les béta-bloqueurs ont un effet spécifique, au delà de la réduction tensionnelle, dans la prévention de la récidive des événements coronariens, chez les personnes ayant des antécédents de maladie coronarienne : réduction du risque de –29% (IC95?% 22% - 34%) contre –15% (11% à 19%) pour les autres médicaments. L’effet supplémentaire est limité à quelques années après l’infarctus du myocarde, avec une réduction du risque de –31% vs –13% chez les personnes atteintes d’insuffisance coronarienne sans infarctus récent (P = 0,04).

Dans les essais de baisse tensionnelle chez les patients sans antécédent coronarien, il y a une réduction de –22% des événements coronariens (17% à 27%) et de –41% (33% à 48%) des AVC pour une réduction de la pression artérielle systolique de 10 mmHg ou de la PA diastolique de 5 mmHg. Les 5 principales classes de médicaments antihypertenseurs (diurétiques thiazidiques, béta-bloqueurs, IEC, ARA2 et BCC) sont également efficaces dans la prévention des événements coronariens et les accidents vasculaires cérébraux, à l’exception des BCC qui ont un effet préventif plus marqué sur les AVC (risque relatif 0,92, IC 95% 0,85 à 0,98). Le pourcentage de réduction des événements coronariens et des accidents vasculaires cérébraux a été similaire chez les personnes avec et sans maladie cardio-vasculaire et indépendants de la pression artérielle avant traitement (jusqu’à 110 mmHg systolique et diastolique de 70 mmHg).

Ces résultats combinés avec ceux de 2 autres méta-analyses montrent que chez les personnes de 60-69 ans, avec une PA diastolique avant le traitement de 90 mmHg, 3 médicaments à demi-dose standard en combinaison réduisent le risque de maladie coronarienne de –46% et d’accident vasculaire cérébral de –62%, un médicament à dose standard ayant environ la moitié de cet effet. La présente méta-analyse a également montré que les médicaments autres que les bloqueurs des canaux calcium réduisent l’incidence? de l’insuffisance cardiaque de –24% (19% à 28%) et les BCC de –19% (6% à 31%).

En conclusion, à l’exception de l’effet de protection supplémentaire des béta-bloqueurs administrés peu de temps après un infarctus du myocarde et l’effet additionnel des BCC dans la prévention des AVC, toutes les classes de médicaments antihypertenseurs ont un effet similaire sur la réduction des événements coronariens et des accidents cérébro-vasculaires, pour une réduction donnée de pression artérielle, semblant exclure les effets pléiotropes spécifiques. La réduction des événements cardiovasculaires est proportionnellement identique quel que soit le niveau de PA pré-traitement et la présence ou non d’antécédent de maladie cardiovasculaire.

Les recommandations concernant l’utilisation des antihypertenseurs pourraient être simplifiées pour proposer les médicaments à tous les individus, quel que soit leur niveau de pression artérielle. Ces résultats suggèrent l’intérêt de réduire la pression artérielle chez tous les individus à partir d’un certain âge, plutôt que mesurer la PA chez tout le monde et de ne traiter que certains individus.

Figure 4 : Réduction de l’incidence des événements coronariens et des AVC en relation avec la baisse de PAS? et selon la dose et la combinaison des médicaments, la PAS pré-traitement et l’âge. La réduction relative du risque est plus importante pour une baisse plus drastique de la PA systolique, plus importante pour les AVC que pour la maladie coronaire, et relativement plus importante chez les moins de 60 ans que chez les plus de 70 ans.

Ces différentes méta-analyses expliquent que les Recommandations Françaises (SFHTA? 2016) et Européennes (ESH? 2011), proposent l’utilisation de l’ensemble des différentes classes d’antihypertenseurs en première intention (à l’exception des alpha1-bloqueurs, non éligibles depuis ALLHAT), avec une orientation possible sur le choix d’une classe dans les populations spécifiques, selon une décision argumentée par un niveau de preuve.

2.6 La méta-analyse 2015 de Ettehad (Ettehad, 2016)

Une méta-analyse récente de Ettehad & al., incluant les résultats de SPRINT, a évalué tous les essais de réduction tensionnelle publiés entre 1966 et fin 2015, comportant au moins 1000 patients-années dans chaque bras d’intervention. Cette méta-analyse a inclus 123 études totalisant 613 815 participants. Les analyses en méta-régression montrent une réduction du risque relatif des critères cardiovasculaires proportionnelle à la baisse tensionnelle obtenue sous traitement. La même réduction du risque est observée pour une baisse de 10 mmHg de PA systolique, quel que soit le niveau initial de PA à l’inclusion dans ces essais. Il n’a pas été trouvé de différence de réduction du risque en fonction du contexte pathologique, sauf chez les diabétiques et les insuffisants rénaux, chez lesquels la réduction du risque, tout en restant significative, est de moindre ampleur.

La conclusion importante de cette méta-analyse est que la baisse tensionnelle réduit le risque cardiovasculaire, quel que soit la valeur tensionnelle de base et les comorbidités présentes. Cependant et contrairement à la notion politiquement correcte que les AH sont équivalents et que la baisse tensionnelle prime avant tout, cette méta-analyse retrouve des différences d’efficacité entre les classes d’AH (certaines étaient déjà à la base des indications préférentielles) :
— Les béta-bloqueurs sont inférieurs aux autres classes (BSRA?, BCC, TZ?) sur la prévention des événements cardiovasculaires majeurs, les AVC et l’insuffisance rénale.
— Les IEC sont légèrement supérieurs aux autres classes (y compris ARA2 !) sur la prévention de l’insuffisance rénale terminale
— Les BCC sont supérieurs aux autres classes pour la prévention des AVC, mais inférieurs pour la prévention de l’insuffisance cardiaque.
— Les diurétiques sont supérieurs aux autres classes (y compris IEC) pour la prévention de l’insuffisance cardiaque.

Figure 5 : Effets de la réduction de PA systolique stratifiée par classe d’antihypertenseur dans la méta-analyse de Ettehad & al. en 2015. Voir explication ci-dessus

2.7 Méta-analyses sous l’égide de l’ESH (Thomopoulos 2014-2018)

Une série de méta-analyses a été publiée entre 2014 et 2017 sous l’égide de l’ESH. L’un de ces articles (Thomopoulos 2014) concerne 65 essais randomisés contrôlé (ERC?) chez 245 885 individus hypertendus. et retrouve l’effet différentiel de la réduction tensionnelle, plus importante sur les AVC (–36%) et l’insuffisance cardiaque (–43%) que sur la maladie coronarienne (–16%), les MACE (–18%) ou la mortalité de toute cause (–11%).

Figure 6 : Effet de la baisse tensionnelle sous traitement sur les différentes complications cardiovasculaires et la mortalité de toute cause.

Une autre méta-analyse portant sur 55 ERC et 195 267 patients analysés, et comparant l’effet des différentes classes d’antihypertenseurs, s’avère beaucoup plus prudente dans ses conclusions (Thomopoulos 2015).Cette méta-analyse se démarque des précédentes par l’inclusion uniquement d’essais de patients hypertendus et l’exclusion de la situation particulière du post-infarctus. Les auteurs notent aussi que la méthodologie des essais n’est pas toujours comparable :
— certains essais comparent un antihypertenseur contre placebo, d’autres 2 agents antihypertenseurs ;
— la baisse tensionnellle est très variable dans leur intensité car dans certains essais il s’agit de monothérapie contre placebo, et dans d’autres essais, les classes comparées sont ajoutées en sus d’un traitement préalable ("on top").

Cette méta-analyse retrouve les résultats suivants :
— Toutes les classes d’antihypertenseurs réduisent significativement le risque relatif et absolu d’AVC et des MACE, ce qui supporte le concept que la réduction de ces complications est liée à la baisse tensionnelle par elle même plutôt qu’à des effets spécifiques à chaque classe,
— pour les diurétiques, qui sont la classe la mieux étudiée, une réduction significative de tous les types d’événements y compris la mortalité cardiovasculaire et la la mortalité de toute cause,
— pour les BB?, une réduction des AVC et des MACE, mais pas des événements coronaires et de la mortalité de toute cause,
— pour les BCC, une réduction des AVC, de la mortalité CV et de la mortalité de toute cause, mais pas des événements coronariens et de l’insuffisance cardiaque,
— pour les IEC et les ARA2, où les études sont les moins nombreuses, pas de réduction de la mortalité de toute cause ou de la mortalité CV.

2.8 Méta-analyses de la Blood Pressure Lowering Treatment Trialists’Collaboration (BPLTTC) (Lancet 2021)

À partir d’une base de données individuelles de 350 000 patients inclus dans 50 essais thérapeutiques contrôlés, des méthodologistes d’Oxford, en Angleterre, ont effectué et publié en 2021, deux méta-analyses de référence majeure. Ces études ont apporté la preuve que le bénéfice clinique de la diminution de 5 mmHg de pression artérielle systolique (PAS) sous traitement pharmacologique était :
— Indépendant de la valeur de la PAS de base, le bénéfice obtenu étant de même ampleur que la PAS de base soit inférieure à 120 mmHg ou supérieure à 170 mmHg.
— Indépendant de la valeur de la pression artérielle diastolique (PAD?) de base, le bénéfice obtenu étant de même ampleur que la PAS de base soit inférieure à 70 mmHg ou supérieure à 110 mmHg.
— Indépendant du fait que le patient soit en prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire.
— Indépendant de l’âge, tout au moins de façon valide jusqu’à l’âge de 85 ans.

Figure 7 : Incidence des MACE par 5 mmHg de réduction de la PAS, stratifiée par traitement et par statut CV à l’entrée.

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Figure 8 : Association entre l’intensité de la baisse tensionnelle et la réduction des MACE dans les essais d’intervention

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Figure 9 : Incidence des MACE par réduction de 5 mmHg de la PA systolique, stratifiée pour le traitement et par tranches d’âge

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Il y a cependant quelques limites à ces conclusions simples et nous en soulignerons trois qui paraissent importantes.
— Le bénéfice observé dans toutes les tranches d’âge ne peut être formellement confirmé chez les patients âgés de plus de 85 ans. Cela est potentiellement le fait d’un manque de puissance, le nombre de patients de plus de 85 ans inclus dans ces études étant relativement faible.
— Pour une diminution de 5 mmHg de la PAS, la mortalité totale n’est pas significativement diminuée (HR? : 0,98 ; IC95 % : 0,96-1,01), ce qui peut être interprété de deux manières : soit il n’y a pas de bénéfice clinique net (ce qui voudrait dire que certains événements adverses non pris en compte ont pu altérer le bénéfice obtenu sur les décès CV), soit la différence de PAS n’est pas assez importante pour permettre d’observer un bénéfice sur la mortalité totale. Cette deuxième hypothèse est la plus probable car une analyse en méta-régression montre que l’ampleur relative du bénéfice CV se majore proportionnellement à la diminution absolue de la PAS.
— Enfin, certains événements cliniques n’ont pas été pris en compte dans cette méta-analyse qui repose principalement sur une évaluation des événements CV. Ainsi, la relation entre diminution de la PAS, quel que soit le niveau initial, et risque d’événements rénaux majeurs n’est pas évaluée.

Les deux méta-analyses de l’école d’Oxford sont des travaux majeurs puisqu’elles contribuent à invalider l’hypothèse d’une courbe en J dans la relation entre PA obtenue sous traitement et risque CV. Un bénéfice CV est observé lorsque la PA est diminuée, même si initialement elle était inférieure à 120 mmHg pour la PAS ou 70 mmHg pour la PAD et ce, quel que soit l’âge des patients et qu’ils soient en prévention CV primaire ou secondaire. Ces deux méta-analyses confirment que la pression artérielle est bien un facteur de risque cardiovasculaire, sans seuil dans la relation entre PA et risque CV, au-delà de 100 mmHg. Elles peuvent donc inciter à obtenir les valeurs de PA les plus faibles possibles pour diminuer le risque CV, un peu comme ce qui est démontré pour le cholestérol LDL. Mais, à la différence du LDL, une PA basse peut devenir symptomatique (syncope), voire délétère (insuffisance rénale aiguë), et il faut donc prendre en compte la tolérance clinique envisagée pour une situation clinique donnée.

3. Pour la pratique, on retiendra :


— L’essentiel du bénéfice du traitement antihypertenseur est à rapporter à la baisse de la PA, c’est donc un pré-requis.
— Certains arguments suggèrent un bénéfice supplémentaire de certaines classes d’agents antihypertenseurs dans des situations spécifiques : l’hypertendu à haut risque cardiovasculaire, l’hypertendu diabétique, l’hypertendu âgé ...
— Les DHP? semblent supérieures pour la prévention des AVC, les IEC pour la prévention de la maladie coronarienne, les IEC et les ARA2 pour la néphroprotection, les diurétiques pour la prévention de l’insuffisance cardiaque, les BB pour la prévention de la récidive d’événements coronarien dans la 1ère année post-infarctus.
— Les DHP semblent en revanche moins efficaces pour la prévention de l’insuffisance cardiaque, les BB pour la prévention des AVC.
— Les diurétiques et les BCC semblent les mieux validés pour la réduction de la mortalité CV et de toute cause.
— L’orientation du choix de l’antihypertenseur semble donc liée au risque principal estimé chez un individu donné.
— La problématique du choix de la classe d’antihypertenseur est tempérée par le fait que la majorité des patients hypertendus relève d’une combinaison thérapeutique synergique incluant un ou plusieurs antihypertenseurs préférentiels, afin d’obtenir le bénéfice optimal.
— Une cible « basse » de PA semble bénéfique sans seuil inférieur, dans les conditions de mesure standardisée façon SPRINT ou d’automesure centralisée (STEP).

 
 

Références

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