L’hypertension artérielle (HTA?) est un facteur de risque? reconnu pour le développement du diabète de type 2 (DT2), et le choix du traitement antihypertenseur peut influer sur l’évolution du métabolisme glucidique. Cette relation est bidirectionnelle : le diabète favorise l’élévation tensionnelle par des mécanismes complexes impliquant l’insulinorésistance, l’inflammation et la dysfonction endothéliale, tandis que l’HTA précède souvent le diagnostic de DT2, témoignant d’une physiopathologie commune.
L’association entre HTA et DT2 est fréquente, retrouvée chez environ 70 % des patients diabétiques de type 2 [ESC 2024]. Chez les sujets présentant un syndrome métabolique, la conjonction d’une HTA et d’une intolérance au glucose est encore plus marquée, soulignant la nécessité d’une prise en charge précoce des facteurs de risque cardiovasculaires associés. Par ailleurs, les hypertendus non diabétiques ont un risque accru de développer un diabète dans les années suivant le diagnostic, un risque qui peut être modulé par le choix des antihypertenseurs.
L’HTA et le DT2 résultent de l’interaction entre facteurs génétiques et environnementaux, avec un rôle prépondérant de :
La sédentarité et l’inactivité physique, réduisant la sensibilité à l’insuline ;
L’obésité, notamment l’accumulation de graisse viscérale, qui altère le métabolisme glucidique et lipidique ;
Le vieillissement, associé à une augmentation de la rigidité artérielle et une altération progressive du métabolisme insulinique.
Des études épidémiologiques et essais cliniques randomisés ont montré qu’une prise en charge adéquate de l’HTA pouvait retarder l’apparition du diabète de type 2. Ainsi, au-delà du contrôle tensionnel, l’approche thérapeutique doit intégrer la réduction du risque métabolique.
Tous les antihypertenseurs n’ont pas le même impact sur le métabolisme glucidique. Plusieurs études majeures ont permis d’évaluer l’effet des différentes classes thérapeutiques sur l’incidence du diabète de novo chez les hypertendus à risque. Les résultats montrent une hétérogénéité significative entre les classes de médicaments.
Tableau 1 : Impact des antihypertenseurs sur le risque de diabète
Les méta-analyses récentes confirment que :
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA2) réduisent l’incidence du diabète de novo d’environ 20-25 % par rapport aux diurétiques thiazidiques et aux bêta-bloqueurs [Andraws 2007, ESC 2024] ;
Les bêta-bloqueurs augmentent le risque de 22 % (RR 1,22 ; IC 95 % : 1,12-1,33) comparés aux autres antihypertenseurs [Bangalore 2007] ;
Les diurétiques thiazidiques, surtout à doses élevées, majorent également le risque, en partie par leur effet hypokaliémiant [Zillich 2006, Agarwal 2008] ;
Les bloqueurs des canaux calcium ont un effet neutre, équivalent à celui du placebo.
Figure 2 : Méta-analyse Bayesienne de 22 essais totalisant 143 153 patients hypertendus traités : effet protecteur des ARA2, effet délétère des diurétiques et des béta-bloqueurs.
Les IEC et ARA2 protègent probablement contre le diabète par plusieurs mécanismes : amélioration de la sensibilité à l’insuline, réduction du stress oxydatif et amélioration de la fonction endothéliale.
Lorsque les antihypertenseurs sont combinés, l’effet métabolique peut être modulé par la synergie des agents utilisés. Par exemple :
L’association IEC ou ARA2 avec un diurétique thiazidique peut atténuer l’effet protecteur sur le risque de diabète, surtout si l’hypokaliémie induite par le diurétique n’est pas corrigée [ESC 2024].
Les bêta-bloqueurs, lorsqu’ils sont combinés aux diurétiques thiazidiques, ont un effet synergique délétère sur le métabolisme glucidique [Opie 2004, Messerli 2004].
L’étude STAR a mis en évidence que l’association losartan + hydrochlorothiazide (HCTZ) 25 mg/j était moins protectrice que l’association trandolapril + vérapamil, probablement en raison de la baisse de la kaliémie liée au HCTZ.
Plusieurs hypothèses physiopathologiques expliquent pourquoi certains antihypertenseurs favorisent le diabète :
Bêta-bloqueurs : altération de la sécrétion d’insuline, diminution de la sensibilité à l’insuline, prise de poids ;
Diurétiques thiazidiques : hypokaliémie induisant une insulinorésistance, altération de la sécrétion d’insuline ;
IEC et ARA2 : augmentation de la sensibilité à l’insuline, amélioration de la perfusion musculaire et réduction de l’inflammation.
En pratique clinique, il est essentiel de choisir le traitement antihypertenseur en fonction du risque métabolique du patient.
Pour un patient hypertendu sans diabète, il est recommandé de privilégier un IEC ou un ARA2 afin de limiter le risque d’apparition d’un diabète de novo.
Les bêta-bloqueurs et les diurétiques thiazidiques doivent être utilisés avec prudence, en particulier chez les patients présentant un risque élevé de DT2 (obésité, syndrome métabolique, antécédents familiaux de diabète).
Les bloqueurs des canaux calcium sont une alternative neutre pour les patients nécessitant une bithérapie antihypertensive.
Tous les antihypertenseurs ne sont pas équivalents pour la prévention du diabète de type 2.
IEC et ARA2 sont les plus protecteurs, alors que les bêta-bloqueurs et les diurétiques thiazidiques augmentent le risque.
Les effets délétères des diurétiques peuvent être atténués en corrigeant l’hypokaliémie.
Les patients hypertendus à haut risque de diabète doivent bénéficier d’une approche thérapeutique individualisée, privilégiant les traitements à moindre impact métabolique.
The DREAM Trial Investigators. Effect of ramipril on the incidence? of diabetes. N Engl J Med 2006 ; 355 : 1551-62 16980380
Bakris G, Molitch M, Hewkin A, et al, for the STAR Investigators. Differences in glucose tolerance between fixed-dose antihypertensive drug combinations in people with metabolic syndrome. Diabetes Care 2006 ; 29 : 2592-97 17130190
Barzilay JI, Davis BR, Cutler JA, Pressel SL, Whelton PK, Basile J, Margolis KL, Ong ST, Sadler LS, Summerson J for the ALLHAT Collaborative Research Group. Fasting Glucose Levels and Incident Diabetes Mellitus in Older Nondiabetic Adults Randomized to Receive 3 Different Classes of Antihypertensive Treatment. A Report From the Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial (ALLHAT). Arch Intern Med. 2006 ;166:2191-2201 17101936
Elliott WJ, Meyer PM. Incident diabetes in clinical trials of antihypertensive drugs : a network meta-analysis. Lancet 2007 ; 369 : 201-07 17240286
Zillich AJ, Garg J, Basu S, Bakris GL, Carter BL. Thiazide Diuretics, Potassium, and the Development of Diabetes. A Quantitative Review. Hypertension. 2006 ;48:219-224 16801488
ESC? 2024 Guidelines for the management of elevated blood pressure and hypertension 39210715.
Bangalore S, et al. A Meta-Analysis of Beta-Blockers and Risk of Diabetes. Am J Cardiol 2007 17826269.
Andraws R, Brown DL. RAS Inhibition and Diabetes Prevention. Am J Cardiol 2007 17367600.