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Mise à jour : 7 septembre 2024 - Mise en ligne : 19 février 2025, par Thierry HANNEDOUCHE
 
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L’hypertension artérielle n’est pas toujours systolo-diastolique et peut concerner séparément soit la PA? systolique, soit la PA diastolique.
Ces situations sont moins fréquentes, mais nécessitent une prise en charge spécifique.
Retour ci-dessous sur les recommandations de l’ESC? 2024 concernant l’hypertension systolique isolée (HSI?) et l’hypertension diastolique isolée (HDI).

1. Hypertension systolique isolée (HSI)

1.1 Définition de l’hypertension systolique isolée**

L’hypertension systolique isolée est généralement définie par une pression artérielle systolique (PAS) > 140 mmHg avec une pression artérielle diastolique (PAD) < 90 mmHg, basée sur des mesures conventionnelles de la pression artérielle brachiale en cabinet (avec des seuils équivalents applicables pour les mesures hors cabinet). Bien que l’hypertension systolique isolée soit assez rare chez les jeunes patients, touchant <3 % dans une population générale (avec la prévalence la plus élevée chez les personnes d’origine africaine), [423] elle est le type le plus courant d’hypertension chez les patients âgés ; >80 % des patients non traités ayant une hypertension et âgés de plus de 60 ans présentent une hypertension systolique isolée. [714, 424]

Figure 1 : Composantes de la pression artérielle selon l’âge : Cette analyse examine les composantes de la pression artérielle en fonction de l’âge, à partir de données moyennes pour chaque groupe d’âge et après exclusion des sujets décédés ou ayant présenté un infarctus du myocarde (IM) ou une insuffisance cardiaque (IC). Les niveaux moyens de pression artérielle sont calculés pour des intervalles d’âge de 5 ans (de 30-34 ans à 80-84 ans) et répartis selon les groupes de pression systolique (SBO) 1 à 4. ( d’après Franklin, Circulation 1997 ;96:308).

Figure 2 : Distribution des individus hypertendus non traités selon l’âge et le sous-type d’hypertension. Les données proviennent de l’enquête NHANES III (1988–1994) et présentent une répartition des individus hypertendus non traités par sous-type d’hypertension et groupe d’âge. Les pourcentages au sommet des barres dans les graphiques indiquent la distribution globale de tous les sous-types d’hypertension pour chaque groupe d’âge.

1.2. Hypertension systolique isolée, facteurs de risque et vieillissement

La PAS augmente avec l’âge chez les hommes et les femmes jusqu’à la huitième décennie, tandis que la PAD augmente progressivement jusqu’à la cinquième ou sixième décennie, après quoi elle se stabilise ou diminue. Par conséquent, la pression pulsée (la différence entre la PAS et la PAD) s’élargit progressivement à partir de l’âge moyen.[34] Ces changements de pression artérielle sont liés à une augmentation de la rigidité aortique avec l’âge, principalement due à l’usure mécanique pulsatile des fibres d’élastine dans la matrice extracellulaire de la tunique moyenne de l’aorte proximale. Avec l’âge, les fibres élastiques se fragmentent et la charge mécanique est transférée aux fibres de collagène, qui sont jusqu’à 1000 fois plus rigides que l’élastine. Les dépôts de calcium dans la paroi artérielle contribuent également à la rigidité liée à l’âge et au phénotype de l’hypertension systolique isolée [425, 426].

Figure 3 : Transition de la pression artérielle pulsatile à une pression artérielle stable le long de l’arbre artériel

Étant donné que la plupart des patients âgés hypertendus présentent une hypertension systolique isolée, et que le risque d’événements cardiovasculaires (CVD) avec l’âge avancé est davantage influencé par la PAS que par la PAD [717], la gestion de l’hypertension systolique isolée chez les personnes âgées est globalement similaire à celle de l’hypertension systolo-diastolique combinée observée chez les jeunes adultes [718]. Une méta-analyse de huit essais incluant 15 693 patients présentant une hypertension systolique isolée a montré que les ratios de risque relatifs (HR) associés à une augmentation de 10 mmHg de la PAS initiale étaient de 1,26 [intervalle de confiance (IC) à 95 % 1,13-1,40] pour la mortalité totale, de 1,22 (IC 95 % 1,04-1,40) pour l’accident vasculaire cérébral, de 1,15 (IC 95 % 1,04-1,28) pour les événements cardiovasculaires, mais non significatifs pour les événements coronariens [427]. La même méta-analyse a démontré les effets bénéfiques du traitement antihypertenseur chez les patients avec hypertension systolique isolée : les estimations combinées des réductions du risque relatif étaient de 13 % (P = .02) et 16 % (P = 0,04) pour la mortalité totale et cardiovasculaire, respectivement. Des bénéfices encore plus importants ont été observés en combinant les événements cardiovasculaires fatals et non fatals.[427]

Trois essais contrôlés randomisés (ECR) ont démontré les bénéfices du traitement de l’HSI, même chez les personnes très âgées. Ces études incluent SHEP (utilisant un diurétique thiazidique), SYST-EUR et SYST-CHINA (utilisant une dihydropyridine). Une méta-analyse a montré que le traitement actif réduit la mortalité toutes causes de 13 %, la mortalité CV de 18 % et les complications CV de 26 %. La PAD était inversement associée à la mortalité totale, mettant en évidence l’importance de la pression pulsée comme facteur de risque.

Les premières études sur l’hypertension systolique isolée utilisaient des cibles de PAS de 160 ou 150 mmHg. Cependant, les résultats des essais SPRINT et STEP (Strategy of Blood Pressure Intervention in Elderly Hypertensive Patients) (PAS moyenne à l’entrée dans l’étude de 140/78 mmHg et 146/82 mmHg, respectivement, indiquant que beaucoup de patients avaient une hypertension systolique isolée) confirment que des cibles de PAS plus basses sont efficaces pour réduire les événements cardiovasculaires chez les patients avec hypertension systolique isolée [135, 136]. Étant donné que la réduction du risque relatif par le traitement antihypertenseur est homogène dans tous les groupes d’âge, alors que la réduction du risque absolu est plus importante avec l’âge avancé [131], l’inertie thérapeutique chez les patients âgés avec hypertension systolique isolée doit être évitée.

Sur la base des essais contrôlés contre placebo mentionnés ci-dessus, les diurétiques thiazidiques et les BCC dihydropyridines à action prolongée sont les classes de médicaments de choix pour initier le traitement antihypertenseur chez les patients avec hypertension systolique isolée, indépendamment de la race, avec les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (RAS) en troisième choix. Cependant, chez les patients âgés (par ex., > 85 ans) avec hypertension systolique isolée, des facteurs tels que les comorbidités et la fragilité doivent être évalués dans le processus décisionnel clinique entre les objectifs de traitement classique vs intensif, ainsi que dans le choix du médicament.

Comme indiqué précédemment, les bêta-bloqueurs doivent être évités chez les patients avec hypertension systolique isolée ou plus généralement avec rigidité artérielle, car ils augmentent le volume d’éjection systolique (en raison de la fréquence cardiaque réduite) [218].

Figure 4 : Effets des traitements sur la mortalité totale et cardiovasculaire, et les complications cardiovasculaires dans les essais contrôlés par placebo pour l’hypertension systolique isolée. Cette analyse examine les effets des traitements antihypertenseurs sur plusieurs résultats cliniques : Mortalité totale (A), Mortalité cardiovasculaire (B), Complications cardiovasculaires fatales et non fatales (C), Accidents vasculaires cérébraux (AVC) (D),Événements coronariens (E). Les résultats sont issus d’essais contrôlés par placebo portant sur l’hypertension systolique isolée. Les rapports de cotes (odds ratios, OR) associés aux traitements sont illustrés par des carrés pleins, dont la taille est proportionnelle au nombre d’événements observés dans chaque essai. Les intervalles de confiance (IC) à 95 % des OR pour chaque essai sont représentés par des lignes horizontales, tandis que ceux des OR combinés (méta-analyse) sont visualisés par des losanges.

1.3. Hypertension systolique isolée chez les jeunes adultes

Chez les jeunes adultes (< 40 ans), la présence d’une hypertension systolique isolée pose différentes considérations pathophysiologiques et cliniques. Chez les jeunes patients avec hypertension systolique isolée, la rigidité artérielle [713] et le risque relatif d’événements cardiovasculaires [624] semblent similaires à ceux sans hypertension systolique isolée et inférieurs à ceux des jeunes adultes avec hypertension systolo-diastolique combinée et hypertension diastolique isolée. En effet, les jeunes patients avec hypertension systolique isolée semblent constituer un groupe hétérogène [719]. Pour ces raisons, il pourrait être raisonnable d’évaluer la pression artérielle centrale et la rigidité artérielle chez ces individus, comme recommandé par d’autres sociétés scientifiques [720, 721]. Une mesure de la pression artérielle hors cabinet est recommandée pour exclure l’hypertension blouse blanche, souvent associée à l’hypertension systolique isolée chez les jeunes [634].

2. Hypertension diastolique isolée

L’hypertension diastolique isolée est définie par une PAS < 140 mmHg avec une PAD > 90 mmHg. Le phénotype de l’hypertension diastolique isolée est plus fréquemment observé chez les jeunes adultes et, en particulier, chez les jeunes adultes souffrant d’obésité ou d’autres troubles métaboliques [722,723]. Chez les adultes plus âgés présentant ce phénotype, il convient de se demander si la PAD a été mesurée avec précision [724]

Les patients avec hypertension diastolique isolée semblent avoir un risque relatif légèrement augmenté pour les événements cardiovasculaires de 5 % à 30 % [548,723,725]. Cependant, étant donné que les patients avec hypertension diastolique isolée sont plus jeunes, ils ont tendance à avoir peu d’événements, et de très grands échantillons sont nécessaires pour montrer cette association. En outre, puisque le risque absolu d’événements cardiovasculaires chez ces individus est faible (typiquement <10 % sur 10 ans), il est moins clair si l’hypertension diastolique isolée devrait inciter à l’initiation d’un traitement antihypertenseur, en particulier chez les personnes dont la PAS de base est déjà à l’objectif de 120-129 mmHg [723]. Néanmoins, les patients avec hypertension diastolique isolée doivent être suivis, car ils présentent un risque accru d’hypertension systolique [723].

Enfin, il convient également de noter que lorsqu’un patient atteint une PAS cible de 120-129 mmHg avec un traitement antihypertenseur, il y a peu ou pas de preuves d’essais de haute qualité montrant qu’intensifier davantage le traitement antihypertenseur pour atteindre à la fois une PAS < 120 mmHg et une PAD < 70 mmHg améliore le pronostic cardiovasculaire [547, 723].

 
 

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