Cette histoire insolite commence en 2008 avec la découverte de MYH9. Les scientifiques chargés de l’analyse du génome entier, cherchaient une explication génétique à l’excès de risque? rénal chez les Afro-Américains. Cela est particulièrement vrai chez les patients en insuffisance rénale terminale attribuée à l’hypertension (néphropathie hypertensive ou néphroangiosclérose). Les Afro-Américains représentent 13% de la population des États-Unis, mais 48% des patients traités par dialyse pour néphropathie hypertensive.
Figure 1 Les données du registre américain USRDS
Les deux autres situations dans lesquelles on observe un risque? rénal accru chez les Afro-Américains, sont la glomérulosclérose focale (FSGS/HSF) et la néphropathie associée au VIH (HIVAN) :
— La FSGS est 5 fois plus fréquente chez les hommes jeunes afro-américains que chez les Caucasiens appariés pour l’âge.
— HIVAN est quasiment inexistante parmi les personnes d’ascendance européenne.
En dehors d’HIVAN, la seule cause d’insuffisance rénale plus spécifique aux patients noirs est la néphropathie drépanocytaire.
Le locus génique 22q13.1 transmet un excès de risque phénoménal de FSGS. L’excès de risque est de 400 à 700% (OR? 5 à 8). Dans l’analyse du génome, des odds ratios (OR) de 1,1 à 1,2 sont suffisants pour identifier l’excès de risque génétique associé à une maladie. Trouver des odds ratio de cette ampleur est inoui. En cherchant des gènes candidats dans cette région, les chercheurs sont tombés sur une cible idéale, MYH9.
MYH9 est un gène candidat particulièrement attrayant car il est exprimé dans les podocytes et les mutations de ce gène sont associées à certaines pathologies glomérulaires connues. MYH9 code pour la chaîne lourde 9 de la myosine non musculaire. Les isoformes de la myosine non musculaire sont exprimées de façon variable selon les tissus. L’isofome IIA (protéine MYH9) est une protéine constituante du cytosquelette podocytaire, impliquée notamment dans la contractilité cellulaire, l’organisation des fibres d’actine et le maintien de la forme et de la polarité cellulaires.
Les mutations hétérozygotes de MYH9 sont responsables d’un vaste spectre de maladies génétiques rares :
— thrombopénie de May-Hegglin,
— syndrome de Sebastian,
— syndrome de Flechtner,
— syndrome d’Epstein souvent responsables d’une atteinte rénale avec glomérulosclérose.
Une variabilité phénotypique large est observée au sein d’une famille avec la même mutation ponctuelle. Le cytosquelette du podocyte est normalement requis pour maintenir l’architecture glomérulaire et assurer la fonction de barrière de filtration. Les mutations des gènes encodant des protéines du podocyte interagissant avec le cytosquelette d’actine, sont associées à des formes de hyalinose segmentaire et focale (HSF). Il était donc tentant de spéculer que les variants MYH9 sont associés à des modifications fonctionnelles de la myosine IIA, favorisant la susceptibilité aux agressions du podocyte, en particulier l’hypertension hydraulique capillaire, aboutissant à la rétraction des pédicelles et à la glomérulosclérose (Friedman 2009).
En 2008, une association entre des variants géniques de MYH9 et l’insuffisance rénale terminale d’origine hypertensive, a été mise en évidence chez les Afro-américains (Kao 2008). L’effet est majeur puisque le risque attribuable (la fraction du risque imputable) aux variants MYH9 dans la population Afro-américaine est de 70%. L’impact de MYH9 a été évalué dans la cohorte des participants à l’étude AASK qui avaient un diagnostic de NAS hypertensive, basé sur des critères cliniques rigoureux. L’association est encore plus forte chez les patients ayant une créatinine plasmatique > 270 µmol/l (odds ratio 2,33)(Friedman 2009).
MYH9 était donc un bon candidat pour expliquer l’excès de risque de maladie rénale chez les Afro-Américains. Cependant, aucune étude n’a pu trouver la mutation génétique spécifique qui conduit aux complications rénales.
En 2010, Friedman et son équipe identifient fortuitement un autre gène, APOL1, comme celui étant associé à la FSGS, à la néphropathie hypertensive et à HIVAN. L’association a été découverte après la mise à disposition d’un nouveau matériel génétique issu du "Projet 1000 Génomes", une base de données publique contenant de l’information génétique sur des individus à travers le monde, y compris des sujets Africains.
Le gène codant pour l’Apolipoprotéine L1 (APOL1) est situé à moins de 20 kb de l’extrémité 3’ du gène MYH9, sur le chromosome 22q, ce qui explique le déséquilibre de liaison constaté précédemment. APOL1 est le seul membre d’une famille de 6 gènes (APOL1-6) groupés sur le chromosome 22, capable de sécréter une protéine qui s’associe aux HDL dans la circulation. APOL1 est un gène spécifique des primates, retrouvé chez l’homme, le baboin et quelques autres primates, mais pas chez le chimpanzé.
Le variant G1 encode un cSNP qui remplace une sérine au résidu 342 par une glycine et une isoleucine en position 342 par une méthionine. Le variant G2 est défini par une délétion de 6 nucléotides qui aboutit à une délétion de 2 aminoacides, asparagine en 388 et tyrosine en 389. Les allèles G1 et G2 sont mutuellement exclusifs et n’apparaissent jamais sur le même haplotype. L’allèle APOL1 sans risque est appelé G0, bien qu’il comprenne plusieurs séquences ayant des propriétés fonctionnelles légèrement différentes. Comme une personne hérite d’une copie du gène APOL1 de chaque parent, une personne possède zéro, un ou deux allèles à risque APOL1.
Figure 2 : Domaines APOL1 et variants. Haplotypes à risque rénal et leur distribution. Susceptibilité à la Trypanosomiase et à l’atteinte rénale selon l’haplotype.
Il y a une liaison statistique extrêmement forte entre d’une part, les variants G1 et G2 du gène APOL1 et d’autre part, la hyalinose segmentaire et focale (HSF) et la néphropathie hypertensive, avec un effet 35 fois plus puissant que MYH9, dont l’association avec l’atteinte rénale disparaît lorsque l’on ajuste pour l’effet de G1 et G2 (Genovese 2010). Un très fort déséquilibre de liaison est présent, entre les variants à risque de APOL1 et de MYH9. L’haplotype MYH9 E1 est présent dans 89% des haplotypes G1 et 76% des haplotypes G2, ce qui explique l’association forte retrouvée initialement entre MYH9 et l’atteinte rénale.
Figure 3 : Glomérulopathie "collapsante" chez un patient porteur de l’haplotype G1. La présentation clinique est celle d’une hypertension avec insuffisance rénale et protéinurie. Devant un tel tableau la néphroangiosclérose est souvent évoquée, en particulier chez les patients d’ascendance africaine. Les lésions histologiques rénales sont cependant plus complexes associant des lésions vasculaires liées à l’hypertension mais aussi et surtout une variante de hyalinose segmentaire et focale. A gauche, collapsus du floculus avec prolifération des cellules épithéliales dans la chambre urinaire. A droite, la composante collapsante est plus marquée avec accentuation de chaque lobule en raison de la rétraction du floculus.
Le mode de transmission des variants APOL1 à risque rénal est complètement récessif pour la HSF (aucun effet pour un seul allèle à risque et un OR de 17 pour 2 allèles) et HIVAN (OR de 29 pour 2 allèles), alors qu’un faible effet dominant est observé pour la néphropathie hypertensive (OR 1,26 pour 1 allèle à risque, OR 7,3 pour 2 allèles à risque). En revanche, les variants G1 et G2 n’augmentent pas la susceptibilité à toutes les maladies rénales et en particulier n’augmentent pas le risque de néphropathie diabétique ou de néphropathie à dépôts mésangiaux d’IgA. Par contre, la présence de 2 allèles à risque multiplie par 3 le risque de microalbuminurie, par 4 de développer une insuffisance rénale non liée au diabète. La présence de 2 allèles à risque accélère le déclin de la fonction rénale avec un âge plus précoce en dialyse. Les variants APOL1 semblent aussi augmenter le risque et la sévérité de l’atteinte rénale au cours de la drépanocytose, de la néphropathie lupique et de la glomérulonéphrite extramembraneuse.
Les variants à risque de APOL1, G1 ou G2, sont présents chez environ 30% de la population Afro-américaine, ce qui implique environ 10 à 12% d’individus portant les 2 allèles et donc à risque très élevé d’atteinte rénale.
Figure 4 : Carte de la distribution de la prévalence? des variants APOL1 sur le continent africain. Le gradient est très fort pour les populations d’Afrique de l’ouest avec une prévalence proche de 30% du statut hétérozygote pour l’un des variants à risque. Les mouvements migratoires liés à l’esclavagisme expliquent pourquoi les populations afro-américaines, issues majoritairement d’Afrique de l’ouest, ont une prévalence élevée des variants APOL1.
Le mécanisme liant ces variants APOL1 et l’atteinte rénale n’est pas clairement établi. Dans le rein humain normal, APOL1 est exprimée dans les podocytes, dans le tube proximal et dans les cellules endothéliales des artérioles et des artères de moyen calibre. L’expression de APOL1 ne varie pas selon le polymorphisme génétique. APOL1 est la seule protéine de la famille des apolipoprotéines à être sécrétée et circule à des niveaux élevés dans le sang. Il n’a pas été retrouvé de corrélation entre les taux plasmatiques d’APOL1 et l’atteinte rénale. APOL1 est fortement inductible par l’interféron ce qui explique la survenue de glomérulopathies collapsantes induites par l’HIV, et de façon plus anecdotique par SARS-CoV2, le virus du COVID19.
Il est mal défini si la susceptibilité à l’atteinte rénale était le fait de l’APOL1 cellulaire, de la forme sécrétée circulante ou des deux (Friedman 2010). Les données récentes indiquent que c’est bien l’expression tissulaire rénale d’APOL1 qui est en cause, et même plus précisément l’expression podocytaire. Les études en transplantation rénale montrent que les greffons issus de donneurs porteurs de 2 variants à risque de APOL1 ont une moins bonne survie rénale que ceux issus de donneurs avec 0 ou 1 variant. Inversement, le statut des receveurs vis-à-vis de APOL1 n’a pas ou peu de retentissement sur la survie du greffon. Autrement dit, la maladie suit le rein transplanté et c’est bien APOL1 synthétisée au niveau rénal qui semble impliquée dans la physiopathologie rénale et non pas l’APOL1 circulante. Dans des modèles de souris transgéniques, seul les animaux exprimant APOL1 dans les podocytes expriment la néphropathie APOL1.
La plupart des données à ce jour suggèrent que G1 et G2 sont des variants avec gain de fonction, ce qui signifie qu’ils ont acquis une capacité à léser les cellules rénales plutôt que de provoquer une perte de fonction essentielle. Plusieurs hypothèses, non exclusives, ont été formulées. L’hypothèse principale est que les variants à risque APOL1 activent ou augmentent la probabilité d’ouverture de canaux ioniques dans les membranes des cellules rénales aboutissant à une toxicité cellulaire, par analogie avec l’effet ionophore sur les trypanosomes (Shah 2019). D’autres hypothèses font intervenir une l’hyperperméabilité mitochondriale, une activation de l’inflammasome NLRP3, une autophosphorylation et réduction de la synthèse protéique, et enfin une réduction de l’ubiquitine, prolongeant la rétention des protéines intracellulaires, APOL1 inclus.
Figure 5 : Mécanismes potentiels de l’atteinte rénale liée à APOL1 : voir le texte ci-dessus pour les détails
2.1 Néphropathie APOL1 : 1 gène = plusieurs maladies
Seule une partie des porteurs de 2 variants de APOL1 développent une maladie rénale. Les variants à risque APOL1 entraînent une forte augmentation de la susceptibilité à plusieurs types de maladies rénales que l’on pensait auparavant être des entités distinctes. La présence de 2 variants à risque confère un odds ratio d’environ 7 à 10 pour l’insuffisance rénale terminale associée à la néphropathie hypertensive, d’environ 17 pour la hyalinose segmentaire et focale (HSF ou FGS) et d’environ 29 à 89 pour la néphropathie associée au HIV (HIVAN). Le fait que les mêmes allèles constituent un facteur de risque majeur pour une maladie réno-vasculaire (néphropathie hypertensive), une maladie glomérulaire des podocytes (HSF) et une maladie infectieuse (HIVAN) suggère que ces maladies sont induites par des mécanismes communs. Pour cette raison, il est plus pertinent de considérer ces maladies comme faisant partie d’un spectre clinique de "néphropathie APOL1" plutôt que comme des états pathologiques distincts chez les individus présentant le même génotype à haut risque (Friedman 2021).
Figure 6 : Spectre clinique de la néphropathie APOL1 avec les différents niveaux de risque selon l’atteinte rénale considérée
2.2 Néphropathie hypertensive et insuffisance rénale terminale : Quand s’agit-il d’une néphropathie APOL1 ?
Chez les sujets noirs, l’insuffisance rénale est souvent attribuée à la néphropathie hypertensive lorsque aucun autre facteur de risque n’est présent. Cependant, si l’association entre hypertension et néphroangiosclérose est clairement établie, le sens de la causalité ne l’est pas. Environ 50% des patients noirs avec une néphropathie hypertensive présentent un génotype APOL1 à haut risque, ce qui a conduit à reconsidérer cette association. Il n’est pas tranché si l’hypertension déclenche une lésion de la microvasculature rénale liée à APOL1 ou si l’hypertension résulte d’une lésion liée à un comportement aberrant d’APOL1 dans la microvasculature rénale. La direction de la causalité est particulièrement difficile à établir car les élévations de la PA? sont immédiatement détectables, alors que la baisse du DFG? n’apparaît que tardivement après plusieurs années d’exposition. L’effet relativement modeste du contrôle strict de l’hypertension sur le développement ou la progression de la néphropathie APOL1 suggère que l’hypertension pourrait être la conséquence plutôt que la cause de la MRC? chez les personnes présentant un génotype APOL1 à haut risque.
Une étude récente suggère que l’hypertension chez les sujets noirs pourrait répondre différemment aux IEC? sur la base du génotype APOL1, les porteurs du génotype APOL1 à risque présentant une baisse tensionnelle plus marquée que les non porteurs (Cunningham 2019). Il n’existe cependant pas, à ce jour, de traitement ciblé sur les variants "gain de fonction" de APOL1, bien qu’une recherche intensive soit en cours.
Enfin, une méta-analyse? récente chez 21 305 individus noirs dans 8 cohortes n’a pas retrouvé de corrélation entre les variants APOL1 à risque et les complications cardiovasculaire (hormis l’effet lié à l’insuffisance rénale et à l’hypertension secondaire). Par contre, les femmes enceintes avec les 2 variants à risque ont un risque plus important de pré-éclampsie (OR 1,8).
Des incertitudes subsistent, notamment la proportion exacte de porteurs des variants APOL1 qui vont développer une maladie rénale. On ne sait pas bien encore comment s’expriment les manifestations initiales de la néphropathie APOL1, albuminurie isolée ? et/ou baisse du DFGe? ?, ce qui a des implications pour le dépistage. Enfin, on ignore si la mise en place précoce de traitements néphroprotecteurs (régime sans sel, bloqueurs du SRA?, gliflozines) est susceptible de prévenir ou de ralentir l’évolution rénale.
2.3 Néphroangiosclérose et mouche Tsé-tsé
L’équipe de Friedman a non seulement identifié APOL1 mais a établi une histoire fascinante impliquant la parasitologie, l’évolution et les migrations humaines. Dès 2003, APOL1 avait été identifié comme un facteur d’immunité qui protège les humains vis à vis de la maladie du sommeil africaine. Dans 95% des cas, la maladie du sommeil est provoquée par le parasite Trypanosoma brucei gambiense transmis à l’homme par un insecte hématophage, la mouche Tsé-tsé. Le facteur lytique des trypanosomes (TLF) a protégé l’homme de la maladie du sommeil jusqu’à ce que Trypanosoma brucei rhodesiense et Tb gambiense évoluent en fabriquant une protéine de résistance qui désactive TLF. Cette réponse adaptative par le trypanosome, a rendu les humains à nouveau sensibles à l’infection. Il y a environ 4 000 ans, les variants G1 et G2 de APOL1 sont apparus et ont restauré l’action protectrice de TLF, protégeant les porteurs d’un seul de ces allèles de la maladie du sommeil.
Les variants G1 et G2, apparus il y a 4 000 ans en Afrique de l’ouest, sont rapidement devenus très fréquents. Ainsi, au Nigeria ou au Ghana, 46 % de la population est porteuse d’un polymorphisme G1 ou de G2. Environ 36 % des afro-américains sont porteur d’un polymorphisme G1 ou de G2 et entre 10 et 15 % sont porteurs de 2 allèles à risque. Les ancêtres des européens modernes ont quitté l’Afrique il y a environ 10 000 ans, bien avant l’apparition des variants APOL1. De ce fait, ces polymorphismes sont absents dans ces populations.
Figure 7 : Migrations des populations et distribution mondiale des variants APOL1
Les régions qui n’ont pas de mouche Tsé Tsé ne sont pas touchées par les trypanosomes et, de ce fait, les populations n’ont pas eu de pression de sélection pour les variants APOL1 protecteurs. En revanche, dans les régions endémiques à la mouche Tsé-tsé, la pression sélective de ces mutations a été intense, expliquant la très forte prévalence des variants G1 et G2 de APOL1. Les individus hétérozygotes sont immunisés contre les trypanosomes, au prix d’une légère augmentation du risque d’insuffisance rénale terminale par néphropathie hypertensive (OR 1,26, pas de risque pour HSF). Les homozygotes pour APOL1 sont également protégés de la trypanosomiase mais au prix d’un risque très élevé de maladie rénale.
Autrement dit, l’expression d’un seul des 2 variants confère une protection vis-à-vis de T. b. rhodesiense permettant l’accession à l’âge adulte et à la reproduction. La présence de deux copies de ces variants à risque augmente considérablement le risque rénal. Dans les régions endémiques de trypanosomiase, la fréquence des allèles G1 et G2 augmente jusqu’à ce que ces allèles soient communs avec parallèlement une augmentation de la morbi-mortalité rénale. En Amérique, cet avantage sélectif disparaît du fait de l’absence de trypanosome et seul persiste l’exposition au risque rénal. Il s’agit donc d’une situation analogue à celle de la drépanocytose et du paludisme. Les sujets hétérozygotes sont protégés, mais les homozygotes expriment la maladie sanguine.
La distribution mondiale des variants à risque d’APOL1 commence à être connue. Certaines populations, en Amérique ou ailleurs, partagent un patrimoine génétique d’origine africaine alors que ces populations ne seraient pas considérées comme a priori à risque ; c’est le cas notamment des populations hispano-américaines. Une équipe nord-américaine a ainsi établi une cartographie mondiale des variants à risque de APOL1 et retrouve une prévalence significative de ces variants dans les Caraibes, en Amérique centrale et du sud (Jamaïque, Barbade, Grenade, Salvador-Brésil > 10-22% ; Trinidad, Panama, Honduras, Haiti : 5-10% ; Guyanne, Dominique, Pérou, Bélizes, Amérindiens : 1-5%) (Nadkarni 2018).
Figure 8 : Cartographie mondiale et distribution des variants à risque APOL1
2.4 Traitement de la néphropathie APOL1 : Perspectives actuelles et avancées thérapeutiques
En l’absence de traitement curatif spécifique, la gestion thérapeutique repose sur des approches visant à ralentir la progression de la maladie et à améliorer les résultats cliniques.
1. Inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA)
L’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) et des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA-II) constitue la pierre angulaire du traitement des néphropathies proteinuriques, y compris la néphropathie APOL1 [KI, 2024]. Cependant, des données récentes suggèrent que l’efficacité de ces agents varie en fonction du génotype APOL1. Une étude préclinique a montré que les variants G1 répondent mieux à l’inhibition du SRAA que les variants G2, qui nécessitent des doses plus élevées pour obtenir un effet antiprotéinurique [Karreci et al., 2024].
2. Inhibiteurs de SGLT2
Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2i) ont montré des bénéfices significatifs dans la réduction de la protéinurie et la préservation de la fonction rénale dans diverses pathologies glomérulaires, mais leur efficacité spécifique dans la néphropathie APOL1 reste incertaine [KDIGO?, 2024].
3. Thérapies innovantes ciblant APOL1
a. Inaxaplin : un inhibiteur spécifique d’APOL1
Une avancée majeure dans la prise en charge de la néphropathie APOL1 est l’introduction de l’inaxaplin (VX-147), une petite molécule qui inhibe directement la fonction toxique des variants G1 et G2. Une étude clinique de phase 2a a montré que l’administration d’inaxaplin réduit la protéinurie de 47,6 % après 13 semaines de traitement, avec un bon profil de tolérance [Egbuna et al., 2023 ; Medscape, 2023]. Ces résultats préliminaires ouvrent la voie à une nouvelle stratégie thérapeutique ciblée, susceptible de modifier le cours évolutif de la maladie.
b. Thérapies basées sur les oligonucléotides antisens (ASO)
Des approches émergentes visent à inhiber l’expression du gène APOL1 par des oligonucléotides antisens (ASO) ou des technologies d’interférence ARN. Ces stratégies en phase de développement clinique pourraient constituer une alternative prometteuse pour réduire l’effet toxique de l’APOL1 tout en préservant son rôle dans l’immunité innée [Tabachnikov et al., 2024].
La néphropathie APOL1 constitue un prototype de pathologie rénale génétique où les avancées en biologie moléculaire permettent le développement de thérapies innovantes. Alors que les stratégies conventionnelles de protection rénale demeurent essentielles, l’émergence de traitements ciblant directement la toxicité de l’APOL1, tels qu’inaxaplin, représente une avancée majeure. La prochaine décennie verra probablement une transformation des options thérapeutiques, avec un passage progressif vers des approches personnalisées adaptées au profil génétique des patients.
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