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Mise à jour : 6 décembre 2024 - Mise en ligne : 5 janvier 2025, par Valérie WOLFF
 
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Les accidents vasculaires cérébraux (AVC?) représentent la première cause de handicap, la deuxième cause de démence et la troisième cause de mortalité dans les pays industrialisés. Il y a en France chaque année 130 000 nouveaux cas d’AVC en France, dont 80% sont ischémiques et 20% sont hémorragiques. 75 % des patients ont plus de 65 ans.

1. HTA? et pathologies neurovasculaires

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC?) représentent la première cause de handicap, la deuxième cause de démence et la troisième cause de mortalité dans les pays industrialisés. Il y a en France chaque année 130 000 nouveaux cas d’AVC en France, dont 80% sont ischémiques et 20% sont hémorragiques. 75 % des patients ont plus de 65 ans.

Figure 1 : Répartition des principaux sous-types d’AVC (d’après Warlow, Lancet 2003).

L’HTA est le principal facteur de risque? modifiable d’AVC, que l’AVC soit ischémique ou hémorragique.

Tableau 1 : Principaux facteurs de risque modifiables d’AVC, l’HTA multiplie x 4 le risque d’AVC (d’après A Primer on Stroke Prevention Treatment : An Overview Based on AHA?/ASA Guidelines, 1st Ed 2009).

Figure 2 : Interaction PA? systolique et âge dans une étude asiatique sur le risque d’AVC. Le risque associé à la PA systolique est plus marqué que celui de la PA diastolique. A tout niveau de PA systolique, l’âge est un facteur de risque majeur. Les populations d’origine asiatique sont plus particulièrement exposées au risque d’AVC (alors que le risque coronarien est moindre).

L’objectif de ce cours est de donner des pistes sur la conduite thérapeutique à tenir en cas d’HTA, en terme de prévention primaire afin d’éviter la survenue d’un premier AVC, en cas d’HTA (ou de pression artérielle élevée) à la phase aiguë d’un AVC, ou en cas d’HTA après un AVC en prévention secondaire.

Les sources utilisées sont entre-autres les recommandations les plus récentes publiées par la Haute Autorité de Santé (HAS?) et les Sociétés Savantes de cardiologie et neurologie française (Société Fançaise Neuro-Vasculaire) européennes (European Stroke Organisation et European Society of Hypertension) et américaine (American Heart Association/American Stroke Association). Certaines des recommandations sont basées sur des hypothèses physio-pathologiques ou des consensus d’experts, plus que sur des études randomisées ou avec un haut niveau de preuve.

Il reste par contre communément admis que l’attitude pratique concernant la pression artérielle (PA) et sa prise en charge, doit être individualisée au cas par cas, en tenant compte des facteurs de risque du patient (notamment le diabète), de la présence d’une insuffisance rénale, d’un traitement anti-hypertenseur pré-existant, et de la mise en évidence de sténoses intra-crâniennes.

1.1 HTA et AVC : prévention primaire

L’HTA est le facteur de risque modifiable d’AVC le plus fréquent, et l’HTA est la première cause d’hémorragie cérébrale [1]. La topographie préférentielle des hématomes cérébraux liés à une HTA chronique se situe au niveau des noyaux gris, il s’agit d’hématomes profonds. En cas d’hématome cérébral superficiel ou lobaire il convient de rechercher une cause sous-jacente telles qu’une malformation vasculaire, une angiopathie amyloïde ou une thrombose veineuse cérébrale.

Il est estimé que 54% des pathologies neurovasculaires seraient liées à des chiffres élevés de PA (>115 mmHg), dont la moitié serait une HTA (PA>140/90 mmHg) [1]. Il existe par ailleurs une association entre la présence d’une HTA et la survenue de l’athérome, de la fibrillation auriculaire, ou d’une dilatation auriculaire.

Le risque d’AVC est fonction de l’augmentation des chiffres tensionnels [2]. Il existe une relation entre la PA systolique et diastolique et le risque d’AVC [1]. Certains patients ont cependant des chiffres tensionnels inférieurs à ceux des recommandations au moment de l’AVC. Dans une méta-analyse? regroupant 17 études randomisées, le traitement anti-hypertenseur diminue le risque de faire un AVC ischémique de 38%, comparé avec l’absence de traitement [3].

Figure 3 : Résultats des principaux essais d’intervention avec un traitement antihypertenseur : la baisse tensionnelle réduit de 38% le risque d’AVC (d’après Collins & McMahon, Br Med Bull 1994).

Figure 4 : Effets des classes d’antihypertenseurs sur la réduction des AVC : les dihydropyridines et les diurétiques thiazidiques ou apparentés réduisent le plus le risque d’AVC, l’effet des bêta-bloqueurs n’est en revanche que marginalement significatif.

Les objectifs de PA en prévention primaire sont < à 140/90 mmHg dans la population générale (classe I) et <130/80 mmHg chez les patients avec une maladie rénale chronique (MRC?) avec microalbuminurie ou protéinurie [2,4]. Le contrôle d’une HTA systolique isolée chez la personne âgée, est aussi importante, comme cela a été évoqué par les résultats des études Syst-Eur et SHEP [5,6].

Plus l’on diminue la PA, plus le risque relatif d’AVC diminue [1,7]. Une diminution de 10 mmHg de la PA habituelle est associée à une diminution du RR? d’AVC de 31% [8]. Il n’y a pas de molécule qui ait montré une supériorité par rapport à une autre dans la prévention des infarctus cérébraux [7]. L’objectif est plus de diminuer la PA que de privilégier une classe thérapeutique par rapport à une autre. Il convient par ailleurs, en cas d’HTA et en cas de « pré-hypertension artérielle » de modifier son hygiène de vie (activité physique, perte de poids, arrêt du tabac, limitation de la consommation d’alcool, limitation de la consommation de sels, régime riche en fruits et légumes) et de prendre un traitement médicamenteux (classe I) [4].

1.2 HTA et AVC à la phase aiguë

L’augmentation de la PA à la phase aiguë de l’AVC est associée à un mauvais pronostic avec un risque d’aggravation neurologique. Une HTA > à 160/95 mmHg existe chez 75% des patients admis pour un AVC à la phase aiguë [9]. Elle préexiste à l’AVC dans 1 cas sur 2 [9]. L’augmentation de la PA peut aussi être liée au stress, à des nausées ou à des douleurs, à un globe vésical concomitants de l’AVC. Elle peut aussi être physiologique car liée à l’augmentation de la pression intra-crânienne ou à l’ischémie cérébrale. Les chiffres reviennent spontanément à leurs valeurs antérieures en quelques jours [9].

a. Que faire devant des chiffres de PA élevés à la phase aiguë d’un AVC ?

Il n’existe pas suffisamment de preuve pour guider le traitement de l’HTA à la phase aiguë de l’AVC et le délai pour initier le traitement est également inconnu [7]. Il n’existe pas de preuve que la diminution ou le respect de la PA à la phase aiguë soit bénéfique ou délétère en terme de pronostic.

Il existe cependant un concept théorique qui stipule que lors d’un infarctus cérébral à la phase aiguë, la pression artérielle augmente (que le patient soit hypertendu ou non) afin d’augmenter la pression de perfusion cérébrale et de diminuer le risque de transformation de la zone de pénombre ischémique en nécrose irréversible. Par contre, il serait délétère d’envisager de laisser des chiffres de PA élevés, que l’AVC soit ischémique ou hémorragique, du fait du risque de transformation hémorragique ou de majoration de l’oedème pour les premiers ou d’aggravation potentielle de l’hémorragie pour les seconds.

Durant cette période, il est recommandé de manière empirique (accord professionnel) dans les recommandations de l’ANAES [9], de respecter les chiffres élevés de PA, durant au moins 24 heures pour certains [10] et 72 heures pour d’autres [11] sauf dans les situations suivantes :

— en cas d’infarctus cérébral avec indication de thrombolyse IV : indication à faire baisser la PA en dessous de 185/110 mmHg avant de débuter la thrombolyse (accord professionnel à partir des critères d’inclusion dans les études de référence). Après la thrombolyse, il est actuellement recommandé de surveiller de manière très étroite et régulière pendant 24 heures (tous les ¼ d’heure pendant 2 heures, puis toutes les ½ heure pendant 6 heures puis toutes les heures pendant 16 heures). L’objectif est de maintenir la PA en-dessous de 180/105 mmHg au moins pendant les 24 premières heures de traitement [10-12].

— en cas d’infarctus cérébral sans indication de thrombolyse : indication de faire diminuer la PA lorsqu’elle est supérieure à 220/120 mmHg (accord professionnel). La réduction prudente de la PA (<15% de la PA initiale) serait de mise durant 24H après l’infarctus cérébral [11].

— un traitement de l’HTA doit être proposé lors d’un infarctus cérébral en cas de dissection aortique, d’insuffisance cardiaque décompensée ou d’encéphalopathie hypertensive associée (accord professionnel).

— en cas d’hématome cérébral récent, certains proposent de faire baisser la PA en-dessous de 185/110. Dans les recommandations de la société européenne d’hypertension en 2023, il est proposé pour les hématomes cérébraux au-delà de 6 heures ayant une PA > ou = 220 mmHg, un traitement anti-hypertenseur par voie intra-veineuse avec un objectif < 180 mmHg. En cas de PA < 220 mmHg, chez ces patients, la réduction modérée de la PA est préférable à un objectif < 140/90 [11].

L’étude INTERACT a évalué l’intérêt de traiter de manière intensive et rapide la PA à la phase aiguë d’une hémorragie cérébrale datant de moins de 6 heures (cible 140 mmHg dans l’heure suivant la prise en charge versus 180 mmHg) et a montré qu’il n’y avait pas de différence en termes de pronostic ou de mortalité entre les 2 sous-groupes et que la baisse de PA à la phase aiguë d’une hémorragie cérébrale n’était pas délétère [13].

L’étude INTERACT II a comparé l’effet du traitement de la PA à la phase aiguë d’une hémorragie cérébrale datant de moins de 6 heures selon 2 conditions : traitement intensif des patients ayant un hématome cérébral datant de moins de 6 heures avec des chiffres de PA entre 150 et 220 mmHg avec un objectif tensionnel de moins de 140 mmHg et traitement habituellement recommandé visant un objectif tensionnel de moins de 180 mmHg [14]. Les résultats ont montré qu’il n’y avait pas de différence concernant le critère d’évaluation principal (mort ou incapacité majeure à 3 mois). Par contre, le traitement intensif (objectif PA systolique <140) permettait d’obtenir un score de Rankin plus bas (c’est-à-dire avec un score de handicap moindre) à 3 mois et une meilleure qualité de vie par rapport au traitement recommandé par les guidelines (objectif PA systolique <180). Il n’y avait pas de différence en terme d’augmentation de la taille de l’hématome cérébral entre les 2 traitements. Par contre le temps pour débuter le traitement était long (délai moyen de 4 heures dans le groupe intensif versus 4,5 heures dans le groupe traitement recommandé), ce qui pourrait expliquer l’absence de différence entre les 2 sous-groupes en terme de critère primaire. Une instauration plus précoce du traitement anti-hypertenseur pourrait limiter la croissance de l’hématome et par conséquence améliorer le pronostic fonctionnel. Un traitement plus précoce de la PA (dans l’heure après l’admission) lors d’une hémorragie cérébrale datant de moins de 6 heures a été proposé dans l’étude INTERACT III qui démontre qu’une combinaison de traitement associant le traitement de la PA avec un objectif <140 mmHg, de la glycémie et de la température (comparé au traitement classique) améliore significativement les chances de survie sans incapacité majeure [15].

Suite à la publication des résultats d’INTERACT II, la Société Française Neuro-vasculaire a édité en mai 2015 des préconisations concernant le traitement de la PA à la phase aiguë des hémorragies intra-cérébrales [17] :

— les patients ayant une hémorragie cérébrale de moins de 6 heures, non traumatique, non malformative (« spontanée »), et une PA systolique comprise entre 150 et 220 mmHg, peuvent bénéficier d’une baisse rapide de la PA systolique, avec une PA cible inférieure à 140 mmHg en moins de 60 minutes. Cette baisse est réalisable, bien tolérée et probablement efficace sur le pronostic fonctionnel.
— Cette baisse doit être précise, et la réduction du niveau de PA (<140 mmHg) obtenue dans l’heure suivant la mise en place du traitement et maintenue durant au moins une semaine. Dans les recommandations neurovasculaires européennes publiées en 2021, il est précisé que l’objectif de PA systolique doit être inférieur à 140 mmHg durant au moins 24 H et jusqu’à 72H (consensus d’experts), mais qu’elle doit rester au-dessus de 110 mmHg (niveau de preuve modéré, force de la recommandation faible) [10].

Il convient d’éviter une trop grande variabilité et des « à-coups » tensionnels au cours du traitement. Aucun agent n’a été spécifiquement étudié. Néanmoins l’urapidil et la nicardipine par voie IV semblent facilement utilisables dans le cadre d’une unité neuro-vasculaire. Aucune donnée n’est disponible pour les patients ayant une PA systolique initiale supérieure à 220 mmHg.

L’ESC? en 2024, préconise un objectif de PA systolique à la phase aiguë de l’hématome cérébral < à 6H entre 140 et 160 mmHg pour prévenir l’extension de l’hématome et améliorer le pronostic fonctionnel (classe IIa et niveau A) [18].

En cas de nécessité de donner un anti-hypertenseur à la phase aiguë d’un AVC, la voie IV sera recommandée en utilisant les molécules suivantes : urapidil, nicardipine, labetolol [9]. Il convient de ne pas diminuer la PA de plus de 25% de la PA initiale par 24 heures afin de préserver la pression de perfusion cérébrale [9]. Dans les recommandations de l’ESC en 2024, il est recommandé chez les patients avec une hémorragie cérébrale et une PA systolique > ou = 220, de ne pas diminuer la pression artérielle systolique à la phase aiguë de plus de 70 mmHg sur une heure (classe III, niveau B) [18].

b. Lors d’un AVC à la phase aiguë, doit-on redonner son traitement anti-hypertenseur à un hypertendu connu ?

Selon les recommandations neurovasculaires européennes (ESO), il existe une incertitude sur l’intérêt de poursuivre ou d’arrêter le traitement anti-hypertenseur habituel en d’infarctus cérébral ou d’hémorragie cérébral à la phase aiguë [10]. La reprise du traitement anti-hypertenseur habituel est recommandée plusieurs jours après l’AVC selon la société européenne d’hypertension [11].

1.3 HTA et AVC - prévention secondaire

Il y aurait un intérêt, en termes de prévention secondaire, à diminuer la PA après les premières 24 heures après un AVC [7]. Les recommandations de la HAS publiées en juillet 2014 et mises à jour en février 2018, portant sur la prévention vasculaire après un AVC ou un AIT? ?, celles publiées par l’ESO en 2022 et celles publiées par l’ESC en 2024 suggèrent que [14,16,18,19] :

— Un traitement hypotenseur est recommandé chez tout hypertendu (PA supérieure ou égale à 140/90 mmHg), après un infarctus cérébral ou un AIT (grade A pour la HAS et niveau de preuve élevé avec force de la recommandation forte pour l’ESO),
— un objectif tensionnel en dessous de 130/80 mmHg (niveau de preuve modéré, force de la recommandation faible pour l’ESO) ou un objectif de pression artérielle systolique entre 120 et 129 afin de réduire les maladies cardio-vasculaires pour l’ESC (classe I, niveau A) [18]. A moduler en fonction de l’âge, de l’existence d’une sténose > 70% (critères NASCET) ou d’une occlusion des artères cervicales ou intra-crâniennes, des comorbidités (grade AE pour la HAS).
— mesurer le niveau de variabilité de la PA par l’automesure pour la HAS et l’ESO ou à défaut par la MAPA? pour la HAS (grade AE pour la HAS).
— traitement initial : diurétiques thiazidiques, IEC? ?, inhibiteurs calciques (dihydropyridines) (grade B pour la HAS) ou l’association d’un inhibiteur du système rénine angiotensine à un inhibiteur calcique ou à un diurétique thiazidique (classe I, niveau A pour l’ESC) [18].
— les autres classes médicamenteuses peuvent être choisies en fonction des comorbidités, de la tolérance et du niveau de PA visé (grade AE pour la HAS).

La réduction de la pression artérielle de 10 mmHg pour la systolique et de 5 mmHg pour la diastolique, est associée à une réduction du risque vasculaire, quel que soit le niveau initial de pression artérielle [7]. Par conséquent, le traitement des sujets normotendus (pression artérielle < 140/90 mmHg) peut être envisagé (grade B) [1].

Une métanalyse à partir d’études randomisées montre que le traitement anti-hypertenseur diminue le risque relatif de récidive d’AVC de 22% après un infarctus cérébral ou un AIT [7,19].

Figure 5 : Effet de la baisse tensionnelle sur la récidive d’AVC dans les essais de prévention secondaire (d’après Liu L & al. Hypertension Res 2009). [19]

Cet effet du traitement de l’HTA sur la diminution du risque relatif d’AVC, était observé que les patients aient ou non une HTA [7]. Il existe une corrélation entre l’importance de la diminution de la PA et l’importance de la diminution du risque relatif d’AVC [7,21].

Il existe peu d’études ayant comparé les molécules anti-hypertensives entre elles. Les diurétiques (seuls ou associés aux IEC) sont les molécules qui ont montré une diminution significative du risque relatif de récidive d’AVC [7]. Deux autres études (respectivement MOSES [22] et PRoFESS [23] ont visé à étudier l’intérêt après un AVC d’un ARA2? (eprosartan) versus une dihydropyridine (nitrendipine) et d’unARA2 (telmisartan) versus placebo. Ces 2 études n’ont pas pu démontrer un rôle particulier des ARA2 concernant le risque de récidive d’AVC. Les molécules préconisées après un AVC sont les IEC, associées ou non à un diurétique, avec dans l’étude PROGRESS une diminution du RR de 28% de faire un AVC [24].

Il existe un bénéfice à faire baisser la PA après un AVC ischémique que le patient soit hypertendu ou non.Il existe un bénéfice à diminuer la PA de 5 à 10 mmHg sans que l’on puisse fixer de cible de manière générale [7]. Le traitement anti-hypertenseur après un hématome cérébral est le seul traitement qui ait prouvé son efficacité en termes de prévention secondaire.

L’étude SPS3 a comparé l’effet d’un objectif tensionnel entre 130-149 mmHg versus <à 130 mmHg de systolique, après un infarctus cérébral lacunaire (lié à une maladie des petites artères cérébrales) récent (datant de moins de 6 mois), symptomatique confirmé par l’IRM cérébrale [24]. Il n’y avait pas de différence en termes de réduction du risque de récidive d’AVC (ischémique ou hémorragique). Cependant, la diminution plus importante de la PA permettait de diminuer le taux d’hémorragie cérébrale de façon significative. La diminution des chiffres en dessous de 130 étaient décrits comme étant bien tolérés.

Selon les recommandations américaines de l’AHA (American Heart Association) et de l’ASA (American Stroke Association), il convient afin d’éviter la récidive après un infarctus cérébral ou un AIT de réduire la pression artérielle au-delà des 24 premières heures (classe I) [7]. La PA normale est définie par des chiffres en-dessous de 120/80 (classe IIa) [7].

Le traitement optimal est difficile à individualiser du fait de la rareté des études de comparaison directe. L’attitude proposée en première intention est de donner un diurétique associé ou non à un IEC (classe I) [7]. Le choix du traitement doit être individualisé au cas par cas en tenant compte notamment des autres facteurs de risque comme le diabète, une cardiopathie sous-jacente, une insuffisance rénale ou la présence de sténoses extra-crâniennes (classe IIa). Il convient d’ajouter des mesures hygiéno-diététiques au traitement anti-hypertenseur : restriction sodée, perte de poids, régime riche en fruits, légumes et pauvre en graisse, exercice physique et limitation de la consommation d’alcool [7].

Alors que l’on pourrait penser au risque hémodynamique potentiel de traiter une HTA chez les patients ayant une sténose intracrânienne, l’étude WASID n’a pas montré de risque significatif de récidive d’AVC dans le territoire de l’artère intra-crânienne sténosée, chez les patients traités avec une PA < 140/90 mmHg [26].

2. Hypertension artérielle du sujet âgé, troubles cognitifs et risque de démence

Au cours des 25 dernières années, l’incidence? de la démence a considérablement augmenté, principalement en raison de l’augmentation du vieillissement de la population. Les démences peuvent être liées à une atteinte dégénérative comme la maladie d’Alzheimer, ou secondaire à une pathologie neuro-vasculaire. On parle alors de démence vasculaire [1]. Il existe également des formes mixtes, et dans ce cas l’AVC vient aggraver des troubles cognitifs préexistants.

La démence est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Elle est la cinquième cause de décès la plus courante dans le monde [1258]. Plusieurs études épidémiologiques et cliniques ont montré que l’hypertension à l’âge moyen prédit le déclin cognitif et à la fois la maladie d’Alzheimer et la démence vasculaire chez les patients âgés [1258,1259]. De plus, la PA cumulative à long terme est indépendamment associée au déclin cognitif ultérieur et à la démence incidente chez les adultes cognitivement sains [312,1260].

Figure 6 : Relation entre PA et démence, par tranches d’âge, par type de démence vasculaire ou Alzheimer

La physiopathologie de la fonction cognitive dans l’hypertension est liée au remodelage des petits vaisseaux cérébraux, conduisant à des lésions de la substance blanche cérébrale, des microsaignements et des infarctus lacunaires [1261]. La rigidité artérielle des grandes artères et la pulsabilité du débit contribuent à la maladie des petits vaisseaux cérébraux, qui se traduit par une réduction du débit sanguin dans des régions cérébrales spécifiques liées à la cognition telles que les ganglions de la base et l’hippocampe [308,1262-1264].

Chez les patients hypertendus, l’évaluation clinique de routine devrait inclure une attention à un éventuel déficit cognitif, au moins chez ceux âgés de 65 ans et plus [300].
Cependant, les preuves des effets bénéfiques de l’abaissement de la PA sur le déclin cognitif ont été contradictoires pendant des années.
— L’étude SYSTEUR a montré qu’un traitement actif (nitrendipine ± IEC ± diurétique) permettait de diminuer de moitié l’incidence de démence par rapport à un groupe placebo.
— L’étude PROGRESS a concerné 6 105 patients hypertendus ou normotendus ayant un antécédent d’AVC ou d’AIT. Ces patients ont été randomisés en deux groupes : (1) un groupe témoin avec un traitement conventionnel habituel ; et (2) un groupe intervention : baisse tensionnelle énergique avec un traitement par IEC (perindopril) associé à un diurétique de type thiazidique (indapamide). Après un suivi de 3,9 ans, la différence de pression artérielle entre ces deux groupes a été de 9/4 mmHg. Cette baisse tensionnelle obtenue à l’aide d’une stratégie IEC ± diurétique, a réduit la récidive d’AVC de 28 % et les événements vasculaires majeurs de 25 %. Le risque de démence après récurrence d’un AVC a été diminué de 30 % dans le groupe traité intensivement. Le traitement actif (notamment la bithérapie) a également diminué le déclin cognitif. 
— Dans l’étude HYVET prise isolément, le risque de démence n’a pas été significativement réduit par la réduction tensionnelle, peut être en raison de la durée trop courte de l’étude.

Une récente méta-analyse [1265] de 4 études cliniques randomisées(ECR) (28 008 patients) a utilisé une régression logistique multiniveau de données individuelles de participants regroupées pour évaluer l’effet du traitement sur la démence incidente. Avec un suivi médian de 4,3 ans, le traitement antihypertenseur a réduit le risque de démence incidente de 13% avec une baisse moyenne de la systolique/diastolique de 10/4 mmHg.

Figure 7 : Méta-analyse : effet des antihypertenseurs pour la prévention des démences

De plus, plusieurs études ont montré que le contrôle strict de la PA, c’est-à-dire une systolique < 130 mmHg, réduit la progression des lésions de la substance blanche cérébrale et la diminution des performances cognitives globales [471,1266,1267].

La question de savoir si certains médicaments antihypertenseurs ou stratégies sont meilleurs que d’autres pour prévenir le déclin cognitif et la démence est toujours en débat.
— Plusieurs études observationnelles et données provenant de registres internationaux ont suggéré que les ARA2, les bloquants des canaux calciques (BCC?) ? dihydropyridines (DHP?) ? et les diurétiques thiazidiques pourraient être supérieurs aux IEC, BCC non DHP et béta-bloquants (BB?) ? pour réduire la progression du déclin cognitif et l’incidence de la démence [1268,1269].
— Cette suggestion est supportée par une analyse post hoc récente de deux ECR, l’essai PreDIVA [1270] et l’essai SPRINT-MIND [1271]. Les deux essais ont montré que le traitement par les ARA2, les BCC DHP et les diurétiques thiazidiques avait des taux plus faibles de troubles cognitifs incidents (-24%) par rapport aux IEC, aux BCC non-DHP et aux BB.
— D’autres essais contrôlés prospectifs conçus pour confirmer ces observations sont justifiés.

Les données actuelles soutiennent la recommandation de mettre en œuvre un traitement antihypertenseur et de poursuivre un contrôle strict de la PA à la fin de la vie et plus tard pour réduire le risque de déclin cognitif et de démence.

Ce qu’il faut retenir :
-- L’HTA est le principal facteur de risque modifiable d’AVC
— En prévention primaire, l’objectif est plus de diminuer la PA que de privilégier une classe par rapport à une autre.
— A la phase aiguë, il est recommandé (consensus d’experts) de respecter des chiffres tensionnels jusqu’à 220/120 mmHg en cas d’infarctus cérébral non thrombolysé, ou 185/110 en cas d’infarctus thrombolysé.
— A la phase aiguë d’une hémorragie cérébrale (< 6 heures) non malformative, « spontanée », les patients peuvent bénéficier d’une baisse rapide de la PA systolique avec une cible < à 140 mmHg en moins de 60 minutes.
— A la phase aiguë de l’AVC, il n’y a pas de preuve en termes de pronostic, de l’effet bénéfique de la diminution de la PA ou du respect des chiffres de PA
— En prévention secondaire, il convient de préconiser des chiffres < 130/80 mmHg.
— En prévention secondaire, il y a un intérêt à donner un traitement anti-HTA, même en l’absence de chiffres élevés
— Les diurétiques (associés ou non à des IEC) sont à donner en première intention après un AVC en prévention secondaire
— Il existe une association entre HTA et démence, avec un effet marginal mais significatif du traitement de l’HTA sur la diminution du risque de démence.
 
 

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