Navigation : home Accueil > Cours en ligne > 13A - HTA au cours des maladies rénales > 01b - Flash : Comment en pratique rechercher une HTA d’origine rénale ?

zone restreinte 01b - Flash : Comment en pratique rechercher une HTA d’origine rénale ?

Mise à jour : 21 mai 2024 - Mise en ligne : 11 juin 2025, par Thierry HANNEDOUCHE
 
Notez cet article :
8 votes

Les causes secondaires d’hypertension artérielle sont relativement peu fréquentes. Si l’on exclut les hypertensions liées à l’alcool et celles liées aux apnées du sommeil, les causes rénales d’hypertension représentent cependant la majorité des causes secondaires d’hypertension, soit environ 3 à 5 %.

Pourquoi rechercher une cause secondaire, en particulier rénale, d’hypertension ?

Les causes secondaires d’hypertension artérielle sont relativement peu fréquentes. Si l’on exclut les hypertensions liées à l’alcool et celles liées aux apnées du sommeil, les causes rénales d’hypertension représentent cependant la majorité des causes secondaires d’hypertension, soit environ 3 à 5 %. Ces formes secondaires rénales d’hypertension sont importantes à reconnaître en raison de leur gravité pronostique, à la fois cardiovasculaire et rénale. Cette gravité est liée d’une part, au caractère volontiers sévère et résistant de l’hypertension elle-même et d’autre part, au terrain sous-jacent et au risque? de progression rénale. Ces formes d’HTA? nécessitent enfin des prises en charge thérapeutiques spécifiques.

Quels sont les principales formes d’atteintes rénales responsables d’hypertension artérielle ?

— les néphropathies vasculaires sont très fréquentes, en parallèle avec l’âge, et s’associent de façon quasi-constante à une hypertension artérielle. Parmi les néphropathies vasculaires, les maladies rénovasculaires c’est-à-dire les formes d’HTA liées à une sténose uni- ou bilatérale des artères rénales, représentent un cas particulier à reconnaître.

— les glomérulonéphrites sont des maladies rénales souvent associées à une hypertension artérielle. Parmi les glomérulonéphrites inflammatoires, la maladie de Berger, une néphropathie glomérulaire chronique à dépôts mésangiaux d’IgA, représente la forme la plus fréquente et se révèle souvent chez l’adulte jeune. La néphropathie diabétique représente de loin la cause la plus fréquente des néphropathies glomérulaires chroniques associée à une hypertension artérielle souvent difficile à corriger. La néphropathie diabétique est une complication tardive du diabète qui bénéficie en principe du dépistage systématique. Il faut cependant savoir évoquer la complication rénale chez un patients diabétique hypertendu ancien qui aggrave récemment son niveau d’HTA

— la polykystose rénale est une forme de maladie génétique de transmission autosomique dominante qui s’associe à une hypertension artérielle précoce, même lorsque les patients n’ont pas encore d’insuffisance rénale.

— certaines uropathies malformatives peuvent être responsables d’hypertension artérielle et d’atteinte rénale. Parmi celles-ci la néphropathie de reflux est la plus fréquente et peut s’accompagner d’hypertension artérielle parfois sévère.

— enfin toutes les néphropathies au stade d’insuffisance rénale avancée peuvent s’accompagner d’une hypertension artérielle de mécanisme généralement hypervolémique lié à la rétention hydrosodée. Dans ce cas, le diagnostic en est facile puisque que la fonction rénale est toujours très altérée (stades 4 ou 5, définis respectivement par un DFG? estimé < 30 et < 15 ml/min.1,73m2).

Figure 1 : Prévalence? de l’HTA selon le degré de réduction de la fonction rénale, cette prévalence est de 75% aux stades avancés de la MRC?. Cette forte relation s’explique en partie par l’étiologie des maladies rénales 2/3 étant secondaires au diabète et/ou aux néphropathies vasculaires.

Quels sont les éléments qui doivent faire suggérer la possibilité d’une hypertension artérielle d’origine rénale ?

Ce sont des éléments d’orientation clinique obtenus par l’interrogatoire ou l’examen clinique, à partir du contexte anamnestique. Certaines particularités de l’hypertension sont plus évocatrices d’une cause rénale (Tableau 1) :

Tableau 1 : Caractéristiques sémiologiques des HTA d’origine rénale
-- hypertension résistante voire maligne, hypertension accélérée, hypertension d’aggravation récente (hypertension rénovasculaire, glomérulonéphrites),
— hypertension démasquée sous contraceptifs oraux (hypertension rénovasculaire, néphropathie de reflux),
— hypertension documentée ayant débuté avant la puberté (glomérulonéphrites, néphropathie de reflux, pseudohyperaldostéronismes)
— hypertension chez un sujet de moins de 30 ans, non obèse et sans histoire familiale d’hypertension (fibrodysplasie artérielle rénale chez la femme jeune, néphropathie de reflux)

L’association de l’hypertension avec certaines particularités cliniques ou biologiques (Tableau 2) :

Tableau 2 : Contextes cliniques évocateurs des HTA rénales.
-- athérome symptomatique en particulier sur l’aorte abdominale (anévrisme) et/ou les artères des membres inférieurs (AOMI) (hypertension rénovasculaire)
— présence d’un souffle abdominal systolo-diastolique (hypertension rénovasculaire)
— "flash OAP", un oedème aigu du poumon sans altération de la fonction ventriculaire gauche (hypertension rénovasculaire)
— présence d’oedèmes des membres inférieurs avec godet, pathognomonique de rétention sodée (glomérulonéphrites)
— hématurie macroscopique (glomérulonéphrites, polykystose rénale)
— albuminurie (glomérulonéphrites)
— insuffisance rénale chronique (toutes), rapidement progressive, ou aiguë, déclenchée ou aggravée par les bloqueurs du système rénine-angiotensine (hypertension rénovasculaire, néphropathie vasculaire en général)
— hypokaliémie <3,6 mmol/l (hypertension rénovasculaire, hyperaldostéronismes primitifs ou équivalents)
— antécédents familiaux d’hémorragie cérébrale ou de maladie rénale (PKR, pseudohyperaldostéronismes)

Comment dépister l’atteinte rénale biologique chez un sujet hypertendu ?

Selon l’ESH? 2023 et l’ESC? 2024, l’évaluation initiale d’un patient hypertendu a pour objectif de rechercher :
(a) les facteurs de risque associés,
(b) une atteinte des organes cibles et,
(c) de ne pas méconnaître une HTA secondaire.

Pour l’ESH 2023, l’atteinte subclinique des organes cibles doit être dépistée, pour évaluer le risque cardiovasculaire global. La mesure de la créatinine plasmatique pour l’estimation du DFG, la quantification de l’albuminurie sur échantillon par le RAC?, la recherche d’une microhématurie (sur ECBU), et l’ECG sont recommandés en raison de leur accessibilité et d’un coût raisonnable.

Le bilan minimal proposé par la plupart des sociétés savantes( NICE? 2019, l’ESH2023, l’ESC 2024, KDIGO? 2024) est présenté dans le Tableau 3.

Tableau 3 : Examens complémentaires recommandés dans le cadre du bilan initial de l’HTA et avant tout traitement  
-- créatinine plasmatique et estimation de la filtration glomérulaire par une formule validée (a,b,c)
— rapport albumine/créatinine urinaire (RACU) (a,b,c) et recherche d’une microhématurie à la bandelette (c)
— natrémie, kaliémie (c), (prélèvement sanguin sans garrot)
— glycémie (a,c)
— cholestérol total et HDL, triglycérides, calcul du cholestérol LDL par la formule de Friedewald (prélèvement à jeun) (a)
— électrocardiogramme (b)

La bandelette urinaire réactive est un examen de dépistage très sensible qui détecte des concentrations aussi basses que 50 mg/L d’albumine urinaire (la protéinurie est considérée comme pathologique au dessus de 150 mg/j). Une bandelette réactive négative a une valeur d’exclusion de l’albuminurie proche de 100%. Une réactivité de la bandelette à 1+, 2+, 3+ doit impérativement faire compléter par un dosage quantitatif de l’albuminurie, soit sur la totalité des urines de 24h (examen de référence), soit par le dosage du rapport albumine/créatinine urinaire. Cet examen simple n’est plus recommandé pour le dépistage de la MRC et reste utile dans certaines conditions d’urgence pour un diagnostic d’élimination rapide au lit du patient (par exemple, pour différentier des oedèmes périphériques d’origine cardiaque ou rénale).

L’ensemble des sociétés savantes préconisent le recours au RAC (Rapport Albumine/Créatinine) urinaire sur un échantillon aléatoire pour le dépistage de l’albuminurie chez tous les individus à risque rénal, y compris les sujets hypertendus, diabétiques, âgés > 60 ans ou ayant une maladie cardiovasculaire symptomatique. Le RAC sur échantillon est assez bien corrélé aux valeurs de référence sur 24h mais permet de s’affranchir du recueil des urines de 24h. Depuis Aout 2019 en France, le RAC urinaire est remboursé pour le suivi de la MRC, de l’hypertension artérielle et du diabète. En cas de demande d’albuminurie, le biologiste peut prendre l’initiative et facturer le dosage en sus de la créatinine urinaire pour rendre une valeur de RAC.

Même chez les individus hypertendus, l’albuminurie de grade A3 n’est pas très fréquente (< 5%), et cette proportion diminue avec l’âge, si bien que la plupart des individus hypertendus avec une atteinte rénale biologique sont dépistés par une réduction du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe?) en dessous de 60 ml/min/1,73m2.

Le DFG est estimé à partir du dosage de la créatinine plasmatique et d’une formule validée, de préférence CKD-EPI, recommandée par l’HAS? depuis mars 2012 mais qui nécessite un dosage enzymatique calibré de la créatinine plasmatique, technique de plus en plus répandue en France. L’estimation du DFG par la formule MDRD, ou celle de Cockcroft, trop dépendante de l’âge, est obsolète et ne doit plus être utilisée (ni rendue par les biologistes).
Les KDIGO 2024 préconise de plus le recours à la cystatine C et l’estimation du DFG par une formule validée (CKD-EPIcys) chez les individus pour lesquels on suspecte que la créatinine plasmatique ne soit pas un bon marqueur de fonction rénale (en pratique, les individus avec une masse musculaire atypique, dénutrition, inflammation chronique, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale avancée ou toute situation aiguë). voir

Un RAC normal a une bonne valeur d’exclusion d’une atteinte rénale glomérulaire et un DFGe > 60 ml/min.1,73m2 permet d’éliminer toute insuffisance rénale significative. La normalité de ces examens ne permet cependant pas d’éliminer une HTA d’origine rénale, en particulier chez les patients jeunes avec une polykystose rénale, une uropathie malformative (néphropathie de reflux notamment), une fibrodysplasie artérielle rénale, ou enfin chez les patients plus âgés avec une néphropathie vasculaire débutante ou une HTA rénovasculaire.

La néphropathie de reflux est évoquée devant la notion d’infections urinaires / pyélonéphrites dans la petite enfance, voire la notion d’un dispositif anti-reflux dans les première années de la vie. Ces notions ne sont pas toujours présentes ou peuvent avoir été oubliées. L’hypertension est précoce, parfois sévère, et n’est pas forcement associé à une insuffisance rénale ou une protéinurie. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de cicatrices corticales du rein caractéristiques ou d’une atrophie polaire supérieure. Ces cicatrices génèrent une ischémie locale activant le système rénine-angiotensine. Le reflux lui même peut avoir disparu mais lorsqu’il persiste sa correction ne permet généralement pas de guérir l’hypertension.

Figure 2 : Adolescente de 16 ans avec une HTA sévère découverte au début de la contraception hormonale. L’HTA persiste malgré l’arrêt de la pillule. En raison de pyélonéphrites dans l’enfance, une UIV est réalisée qui montre un rein droit plus petit avec des déformation des calices (en boule) et un amincissement du cortex rénal en regard. Ces cicatrices traduisent les séquelles d’un reflux vésico-urétéral droit ancien. Les pointillés dessinent les contours des reins.

La polykystose rénale peut être évoquée sur la notion d’une histoire familiale forte, à transmission autosomique dominante, avec un ou plusieurs membres de la famille ayant une insuffisance rénale avancée voire traité(s) par dialyse ou transplantation. L’hypertension est précoce, souvent vers 20-25 ans d’âge, et à ce stade de la maladie, il n’y a ni insuffisance rénale ni toujours des kystes nombreux ou volumineux. Le diagnostic repose sur l’imagerie rénale (échographie ou mieux scanner rénal), mais n’est pas toujours facile dans les formes débutantes chez des sujets jeunes autour de 20-25 ans : les critères diagnostiques reconnus sont la présence d’au moins 3 kystes avec une atteinte bilatérale. Dans les cas difficiles on peut s’aider de l’enquête failiale, voire du diagnostic génétique.

Figure 3 : Polykystose rénale autosomique dominante chez une jeune femme de 35 ans consultant pour une HTA de grade 2. Le diagnostic initial n’est pas évident, il n’y a pas d’histoire familiale connue, la fonction rénale est normale. L’atteinte kystique est discrète et peut être facilement méconnue sur une imagerie rénale non orientée. On apprendra plusieurs années après la notion d’une tante dialysée pour PKR.

La fibrodysplasie artérielle rénale est évoquée chez une femme jeune de 30-40 ans, avec une HTA souvent d’installation ou d’aggravation brutale. L’HTA rénovasculaire est suspectée sur la présence d’un ou plusieurs signes des Tableaux 1 et 2 et conduit à la réalisation d’une échographie-doppler des reins et des artères rénales ou d’autres examens d’imagerie appropriés (angioscanner ou angio-IRM des artères rénales).

Les mêmes éléments survenant chez un sujet plus âgé, polyvasculaire voire diabétique de type 2, font évoquer une HTA rénovasculaire d’origine athéromateuse et pratiquer les mêmes examens d’imagerie à visée diagnostique. Les sels de gadolinium et donc l’angio-IRM sont cependant contre-indiqués lorsque le DFGe est < 30 ml/min1.73m2 en raison du risque potentiel de fibrose systémique néphrogénique (accumulation de sel de gadolinium dans les tissus sous cutanés et le derme profond).

Plus difficile est le diagnostic de néphropathie vasculaire chronique chez des sujets souvent âgés ou très âgés mais ayant une fonction rénale encore peu altérée (DFGe > 30 ml/min.1,73m2) et une albuinurie absente spontanément ou "gommée" par un traitement IEC? ou ARA2?. Ces atteintes vasculaires du rein, sans lésion sténosage des troncs artériels rénaux, correspondent à plusieurs pathologies souvent intriquées : embolies de cristaux de cholestérol dans leur forme chronique insidieuse, ou néphroangiosclérose. Dans ce dernier cas, il existe presque toujours un contexte évocateur d’HTA mal contrôlée, avec d’autre signes d’atteinte des organes cibles (HVG?, rétinopathie hypertensive) ou de syndrome métabolique avec des anomalies de la tolérance glucidique. L’atteinte rénale est souvent progressive et doit être reconnue à sa juste valeur pronostique. Il est nécessaire d’intensifier l’ensemble des traitements vasculoprotecteurs (arrêt du tabac, statine, IEC et cibles tensionnelles strictes).

Conclusions

En conclusion, la recherche d’une atteinte rénale chez le malade hypertendu ou vasculaire, a une grande valeur pronostique et modifie la prise en charge thérapeutique. L’application des recommandations des sociétés savantes dépiste la grande majorité, mais pas toutes les atteintes rénales. La reprise minutieuse de l’évaluation étiologique à la recherche d’une cause rénale par une imagerie de qualité doit être entreprise chez les patients ayant une hypertension précoce et/ou résistante.

 
 

Références

Hypertension - The clinical management of primary hypertension in adults - NICE? Clinical Guideline 127, Methods, evidence, and recommendations August 2011 22855971

Mancia G, Laurent S, Agabiti-Rosei E et col. Reapparaisal of European guidelines on hypertension management : a European Society of Hypertension Task Force document. J Hypertension 2009 ;27:2121-2158. 19838131

HAS? 2011 : Rapport albumine/créatinine urinaire pdf free