Les apports en potassium alimentaire notamment via les fruits et légumes sont préconisés depuis longtemps pour réduire le risque? cardiovasculaire. La place des apports potassiques sous la forme de sel enrichi en chlorure de potassium ou de comprimés (chlorure, gluconate, citrate, aspartate ou bicarbonate de potassium) est moins bien codifiée.
Cependant, les nouvelles recommandations ESH? 2023 consacrent pour la première fois un chapitre sur ce thème notamment à la suite de l’essai randomisé SSaSS qui repositionne l’utilisation des sels de potassium chez l’hypertendu (1, 2). Cette évolution permet de s’aligner sur les recommandations américaines, qui préconisent des apports potassiques de 90-130 mmol/jour soit 3500-5000 mg ou celles de l’OMS?, ?90 mmol / jour (3, 4), la France ayant une consommation moyenne de potassium inférieure à celle recommandée (5).
La SFHTA? ne s’est jamais positionnée sur ce thème et nous proposons ici, après avoir traduit l’essentiel du message de l’ESH et pris en compte l’alerte de l’ANSES, de donner notre position sur l’utilisation des sels de potassium chez l’hypertendu.
L’essentiel des messages de l’ESH 2023 est traduit ci-dessous (1).
Les apports de potassium alimentaire sont inversement liés à la pression artérielle (PA?) et à l’hypertension artérielle (HTA?). Les suppléments de potassium ont démontré leur efficacité pour abaisser la PA, en particulier chez les adultes souffrant d’hypertension, les adultes consommant un excès de sodium et les personnes à peau noire. Une administration de 60 mmol de chlorure potassium (KCl, soit 1380 mg d’élément potassium) se traduit par une baisse de la PA d’environ 2 mmHg, et 4-5 mmHg chez les adultes normotendus et hypertendus, respectivement, et cette baisse de la PA peut être jusqu’à deux fois plus importante chez les personnes consommant un régime riche en sodium.
La vaste étude randomisée et contrôlée SSaSS (Salt Substitution and Stroke Study) a montré que l’augmentation de l’apport en potassium en tant que substitut du sodium, c’est-à-dire le remplacement de 25 % de chlorure de sodium (NaCl) par du KCl dans le sel, réduit le risque? d’accident vasculaire cérébral (AVC?), de maladie cardiovasculaire (CV) et de décès chez les patients présentant un risque CV accru et un apport faible en potassium et élevé en sodium au début de l’étude (2). Un autre essai randomisé, également menée en Chine dans une population âgée, a montré que l’utilisation de potassium en tant que substitut du sodium s’accompagnait d’une réduction de pression artérielle de -7.1/-1.9 mmHg, d’une moindre incidence? d’HTA et sans sur risque d’hypotension artérielle (6).
Une méta-analyse? apporte des preuves supplémentaires sur l’objectif de consommation de potassium récemment fixé par les autorités internationales, à savoir au moins 90 mmol par jour (3500 mg/jour) (7). Dans la plupart des essais, la supplémentation en potassium a été réalisée par l’administration de comprimés de KCl, mais la baisse tensionnelle était similaire lorsque des modifications du régime alimentaire étaient utilisées. Les régimes alimentaires riches en potassium étant généralement favorables en termes de risque cardiovasculaire, ils sont préférables à l’utilisation de comprimés pour la supplémentation en potassium.
Les sources de potassium alimentaire sont les fruits et les légumes, ainsi que les produits laitiers pauvres en graisses, les poissons et les viandes sélectionnées, les noix et les produits à base de soja. Quatre à cinq portions de fruits et légumes fournissent généralement de 1 500 à plus de 3 000 mg de potassium (soit de 45 à plus de 80 mmoles). Il est possible d’atteindre cet objectif en suivant un régime alimentaire, tel que le régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension), qui est riche en potassium. Le régime DASH encourage la consommation de céréales complètes, de fruits, de légumes et de produits laitiers à faible teneur en matières grasses. Il permet d’augmenter la consommation de potassium, de calcium, de magnésium et de fibres.
L’avertissement de l’ANSES À la suite de la survenue d’une hyperkaliémie sévère chez un patient prenant des sels de potassium, l’ANSES a mis en ligne un avertissement le 29 janvier 2020 (8) sur le risque d’hyperkaliémie avec les sels de potassium notamment chez les personnes à risque, à savoir les patients hypertendus, insuffisants cardiaques, insuffisants rénaux, diabétiques, et les personnes âgées. La SFHTA? confirme que ces sels de potassium doivent être utilisés avec prudence chez certains patients (cf infra), mais n’inclut pas les patients hypertendus tout venant dans les catégories de patients à risque. A noter que dans l’étude SSaSS, les personnes traitées par des diurétiques d’épargne potassique, qui utilisaient déjà des compléments à base de potassium ou qui avaient une maladie rénale grave connue ont été exclus de l’étude.
1 - L’objectif de consommation de potassium est d’au moins 90 mmoles par jour ou 3500 mg/jour, et cet objectif doit idéalement être atteint par des modifications de l’alimentation.
Mémo : KCl (chlorure de potassium) 2.0 g 27 mmol K+ 1.05 g potassium (K+ )
2 - Les aliments riches en potassium et s’intégrant dans un régime globalement favorable en termes de risque cardiovasculaire sont les fruits et légumes (4 à 5 portions par jour fournissent de 1500 à >3000 mg de potassium), les céréales complètes, les fruits à coque non salés, les laitages allégés en matières grasses, certaines viandes et poissons (Encadré et Tableau).
3 - En cas d’hyperkaliémie confirmée (attention aux conditions de prélevement), il faut interroger le patient sur la prise de suppléments de KCl ou de substituts de sels enrichis en potassium.
4 - Avant de délivrer une supplémentation potassique, le pharmacien doit interroger son patient sur la présence d’une insuffisance rénale (l’HAS? rappelle l’intérêt d’indiquer le DFG? estimé sur l’ordonnance des patients insuffisants rénaux) et prendre en compte la délivrance de médicaments hyperkaliémiants ; il peut conseiller au patient de mentionner l’utilisation de ces suppléments potassiques quelle qu’en soit la forme à son médecin.
5 - Les mesures hygiéno-diététiques restant une pierre angulaire du traitement, les patients hypertendus doivent limiter leurs apports sodés quotidiens à 5 à 6 g/jour.
Mémo : NaCl (chlorure de sodium) 5.0 g = 87 mmol Na+ = 2.0 g sodium (Na+)
6 - Les sels dit « de régime » ou « substituts de sels », dans lesquels une partie du NaCl est remplacée par du KCl, pourraient être un complément utile pour aider certains patients à diminuer leur consommation de sel et augmenter leur consommation de potassium.
7 - L’utilisation de ces sels enrichis en potassium doit être cependant prudente chez les patients à risque d’hyperkaliémie (médicaments hyperkaliémiants, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale modérée, diabète, personnes âgées notamment) et déconseillée chez ceux ayant une insuffisance rénale chronique sévère (DFG < 30 ml/min1/73m²). Ainsi, il est préférable de valider la décision d’utiliser régulièrement un sel de substitution avec son médecin traitant quand on est traité pour une HTA dont le traitement comporte très souvent des médicaments pouvant augmenter la kaliémie (IEC?, ARAII, spironolactone…).
Encadré : |
Recommandations du PNNS (extraits) Fruits et légumes : 5 portions/j (environ 500g, privilégier la variété, éviter les cuissons à l’eau) Légumes secs : au moins 2 fois/semaine Produits céréaliers complets : au moins 1 fois/jour Oléagineux nature : 1 petite poignée/jour La cuisson des aliments est aussi importante : sont privilégiées les cuissons vapeur, à l’étouffée avec peu d’eau ou les cuissons au four. Il y a ainsi moins de déperdition de potassium par rapport à une cuisson dans l’eau. |
Tableau 1 : Teneur en potassium des aliments les plus riches en fonction du groupe alimentaire – source : table de composition Ciqual 2020 ANSES (https://ciqual.anses.fr)
1 Mancia G et al. Journal of Hypertension 2023
2 Neal B et al. New England Journal of Medicine 2021
3 Whelton PK et al. Hypertension 2018
4 World Health Organization. Guideline : Potassium Intake for Adults and Children. Geneva, Switzerland : WHO? 2012
5 Reddin C et al. European Journal of Nutrition 2023
6 Yuan Y et al. Nature Medicine 2023
7 Filippini T et al. Journal of American Heart Association 2020 8 https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2019SA0043.pdf