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Le rein est un organe très vascularisé qui reçoit chaque minute un quart du débit cardiaque total. La circulation rénale présente quelques singularités qui sont liées à la fonction excrétoire du rein et à sa fonction endocrine-paracrine.
Chaque rein est alimenté par une artère rénale provenant de l’aorte. A l’intérieur des reins, l’artère rénale se divise en 2 ou 3 artères segmentaires qui elles-mêmes se divisent en artères inter-lobaires, puis en artères arquées. Les artères arquées ont une course parallèle à la surface externe du rein et donnent naissance aux artères inter-lobulaires qui montent à travers le cortex et donnent naissance aux artérioles afférentes qui alimentent le lit capillaire glomérulaire (Figure 1).
Au-delà du glomérule, les capillaires glomérulaires se regroupent en artérioles efférentes. Dans le cortex externe, celles-ci donnent naissance aux capillaires péri-tubulaires qui entourent le tubule (Figure 1). Les artérioles efférentes provenant des néphrons juxta-médullaires descendent dans la médullaire et donnent naissance aux vasa recta qui descendent et remontent à toute proximité des anses de Henle [Friedrich Henle était un physiologiste allemand, son nom s’orthographie sans accent !]. Le sang quitte le rein par des veines qui circulent adjacentes aux artères correspondantes, et se rejoignent pour former une seule veine rénale qui se jette dans la veine cave inférieure.
Figure 1 : Vascularisation des néphrons corticaux et juxtamédullaires
Les conditions de pressions observées dans le système vasculaire rénal sont très particulières. La pression régnant dans ces structures vasculaires varie de 100 mmHg dans l’artère rénale à 50 mmHg dans le capillaire glomérulaire, une valeur cinq fois plus élevée que dans les autres capillaires de l’organisme. Le site principal de résistance vasculaire responsable de la chute de pression entre l’aorte et le glomérule est représenté par l’artériole afférente (AA?), qui joue donc un rôle capital dans la régulation de la perfusion glomérulaire.
Figure 2 : Profil de pression artérielle dans les vaisseaux rénaux (BP = pression aortique
Chaque rein comporte environ un million de néphrons et donc de glomérules. Ce nombre est en réalité très variable d’un individu à l’autre (400 000 à 1 300 000), est déterminé génétiquement et porte en partie la susceptibilité aux maladies rénales (y compris la néphroangiosclérose). Le débit de filtration d’un glomérule individuel (dfgi, en minuscule) est déterminé par 3 éléments principaux :
Figure 3 : Influence des variations des résistances vasculaires rénales segmentaires sur la filtration glomérulaire
La résistance préglomérulaire est régulée par plusieurs mécanismes : la pression de perfusion rénale (autorégulation) ; le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire ; et modulé par de nombreux systèmes hormonaux ou autacoïdes (médiateurs locaux).
Les deux reins reçoivent ensemble un débit sanguin rénal de 1000 ml/min, c’est-à-dire environ 20 % du débit cardiaque. L’hématocrite normale est de 45 %, les érythrocytes sont donc responsables de 45 % du débit sanguin rénal et le débit plasmatique rénal est de 550 ml/min.
Le débit de filtration glomérulaire (DFG?) est d’environ 120 ml/min et la fraction de filtration rapport de la filtration glomérulaire sur le débit plasmatique rénal qui est la proportion de plasma filtré est donc d’environ 20 %.
La résistance vasculaire rénale provient principalement des artérioles afférentes et efférentes. Le niveau de pression élevé dans le capillaire glomérulaire force la filtration à travers la barrière de filtration glomérulaire. Cette pression capillaire glomérulaire (et donc de filtration) est réduite par la constriction de l’artériole afférente et augmenté par la constriction de l’artériole efférente.
Le débit sanguin rénal est maintenu dans des limites relativement constantes sur une plage de pression artérielle moyenne allant de 60 à 110 mmHg (phénomène appelé “autorégulation”). En deçà et au delà de ces valeurs, le débit sanguin rénal est très dépendant du niveau de pression artérielle perfusant les reins.
Figure 4 : Autorégulation circulatoire rénale au cours des variations de la pression de perfusion. Le débit de filtration glomérulaire (DFG) et le débit sanguin rénal restent stables pour des variations de la pression artérielle de 80 à 160 mmHg. En dessous de 80 mm Hg, le DFG et le débit sanguin rénal diminue de façon monotone en proportion avec la diminution de la pression de perfusion rénale. A noter que la résistance artériolaire afférente (Ra) augmente proportionnellement avec la pression de perfusion rénale ; ce processus traduit l’autorégulation myogénique.
L’auto-régulation du débit sanguin rénal est sous la dépendance de 2 mécanismes : un réflexe myogénique et le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire.
La réabsorption active de sodium se fait dans les cellules de la macula densa par un transporteur apical Na-K-2Cl. Ce processus actif nécessite la consommation d’O2 et d’ATP qui est dégradé en métabolites dont l’adénosine. Lorsque le débit et/ou la concentration de chlore (= signal) augmente au niveau de la macula densa, le transporteur Na-K-2Cl est activé et le métabolisme cellulaire aboutit à la production d’adénosine (= médiateur) qui déclenche la contraction (= effecteur) de l’AA et du mésangium (réduction de la surface de filtration). L’ensemble de ces phénomènes aboutit à la diminution du dfgi et donc finalement du débit de NaCl à la macula densa.
Notons que ce mécanisme de régulation homéostatique est couplé à la régulation de la sécrétion de rénine : l’augmentation du débit de NaCl à la macula densa stimule la contraction de l’AA mais freine la sécrétion de rénine.
Le rôle important du rétro-contrôle tubulo-glomérulaire dans la régulation de la pression capillaire glomérulaire et la correction de l’hyperfiltration/hypertension glomérulaire a été remis à l’ordre du jour avec la disponibilité des nouveaux antidiabétiques oraux, les inhibiteurs de SGLT2 ou gliflozines (voir aussi le cours consacré aux gliflozines).
Figure 5 : Effet des gliflozines sur l’hémodynamique intra-rénale chez le patient diabétique. Dans le diabète, l’augmentation de la charge filtrée en glucose induit une augmentation de la réabsorption tubulaire proximale de glucose couplée à celle de sodium via SGLT2. La baisse de l’apport distal en sodium désactive le rétrocontrôle tubulo-glomérulaire, avec une vasodilatation de l’artériole afférente préglomérulaire et une hyperfiltration/hypertension glomérulaire. L’administration d’un iSGLT2? réverse ces anomalies en réduisant la réabsorption de glucose et de Na dans le tube proximal, en réactivant le rétrocontrôle tubuloglomérulaire et la vasoconstriction artériolaire afférente, et corrige l’hypertension intraglomérulaire.
Ces mécanismes de régulation de la microcirculation glomérulaire sont modulés par de nombreux systèmes hormonaux ou neuro-hormonaux.
Le système rénine-angiotensine est un système essentiel à la régulation de la microcirculation glomérulaire.
Les effets de l’angiotensine II sur l’hémodynamique rénale et glomérulaire ont été largement étudiés :
Figure 6 : Synthèse et sécrétion de rénine au niveau de l’appareil juxtaglomérulaire
La microcirculation rénale est sous l’influence de nombreux peptides vaso-actifs :
La compréhension de l’hémodynamique glomérulaire a été fortement améliorée par les études de microponction chez l’animal, en particulier chez le rat Wistar-Munich qui possède la particularité anatomique d’avoir des glomérules situés immédiatement sous la capsule corticale et donc plus facilement accessibles à l’exploration. Il y a plusieurs limitations inhérentes à ces techniques : animal anesthésié, ce qui modifie le tonus vasculaire de base et la réactivité vasculaire ; exploration limitée aux seuls néphrons sous-capsulaires dont le fonctionnement est différent des néphrons juxta-médullaires. De plus, de nombreuses études chez cet animal ont été menées dans des conditions d’hypovolémie induites par l’anesthésie, et les prélèvements.
Dans cette situation expérimentale, la Puf s’annule avant la fin du capillaire glomérulaire en raison d’un QA diminué et d’une augmentation rapide de la pression oncotique. Dans cette situation expérimentale précise, la Puf et donc le dfgi deviennent extrêmement dépendants de QA et sont fortement influencés par les variations de celui-ci. Au contraire, chez le chien et très probablement chez l’homme, la Puf ne s’annule pas avant la fin du capillaire (situation appelée déséquilibre de filtration), si bien que la dépendance de dfgi vis-à-vis de QA est beaucoup moins marquée).
Chez l’homme, certains paramètres de l’hémodynamique rénale peuvent être appréciés indirectement par les méthodes de clairances globales. La clairance d’un marqueur librement filtré, ne subissant pas de modification tubulaire (inuline, chrome EDTA, iohexol, etc.) mesure le débit de filtration glomérulaire (DFGm). La clairance d’une substance, telle que l’acide para-amino-hippurique (PAH), éliminé en un seul passage dans le rein mesure le débit plasmatique rénal (DPR). Cette mesure est encore optimisée si l’on connaît le coefficient d’extraction réel du PAH, celui-ci n’étant jamais tout à fait égal à l’unité, même chez le sujet normal indemne de maladie rénale.
Le rapport DFG/DPR représente la fraction filtrée (FF). L’hématocrite et le DPR permettent de calculer le débit sanguin rénal. Le rapport pression de perfusion du rein sur débit sanguin rénal mesure la résistance vasculaire rénale globale (RVR). La pression de perfusion rénale est généralement assimilée à la pression aortique moyenne mais il faut lui retrancher la pression veineuse rénale lorsque celle-ci est élevée comme c’est le cas au cours de l’insuffisance cardiaque globale ou droite. Il est souvent admis que les variations de la fraction filtrée permettent d’apprécier indirectement celle de la Pcg. Cette notion simplificatrice est cependant erronée car une diminution proportionnelle de RA et de RE peut abaisser la fraction filtrée.
Rappelons enfin que la notion de résistance vasculaire rénale et de fraction filtrée perd beaucoup de sa signification en cas de réduction du nombre de néphrons fonctionnels.
En conclusion, l’étude de l’hémodynamique rénale et de ses déterminants à l’échelon du glomérule permet de mieux caractériser les mécanismes pathologiques de maladies rénales ou de maladies systémiques à expression rénale. L’étude hémodynamique rénale permet également de mieux définir l’effet des médicaments sur la fonction rénale afin d’optimiser l’approche thérapeutique.
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