Les points importants :
— L’HTA? est la 1ère des maladies cardiovasculaires en France et dans le monde.
— L’HTA n’est qu’un des éléments d’évaluation du risque? cardiovasculaire absolu (RCVA?) : les facteurs de risque associés doivent être évalués dès la 1ère consultation, de même que le retentissement sur les organes-cibles de l’HTA : cœur, cerveau, rein, gros vaisseaux. Le niveau du RCVA conditionne les modalités de la prise en charge de la personne hypertendue.
— Les mesures de PA? en dehors de la consultation (MAPA?, automesure) supplantent la mesure traditionnelle, aussi bien pour le diagnostic initial d’HTA, que pour le suivi.
— Le bilan initial de la personne hypertendue comporte au minimum : glycémie à jeun, cholestérol total, HDL-cholestérol et triglycérides à jeun, créatinine plasmatique pour l’estimation du DFG?, kaliémie sans garrot, recherche d’albuminurie sur échantillon (RAC?), ECG.
— L’HTA est le plus souvent légère à modérée. Elle est essentielle dans 70% des cas.
— L’objectif tensionnel à atteindre est exigeant chez la plupart des patients avec une PAS? en automesure entre 120 et 129 mmHg et une PAD? entre 70 et 79 mmHg, idéalement 120/70, mmHg si la tolérance le permet.
— Une bithérapie d’emblée est proposée chez la plupart des patients avec l’objectif d’arriver à la cible dans les 3 mois après l’inititaion du traitement.
Ce cours est une synthèse pratique et condensée de la conduite à tenir devant une HTA.
Les données sont adaptées à partir des recommandations ESH? 2023 et surtout ESC? 2024.
Tous les points abordés feront l’objet d’un développement spécifique dans les cours suivants.
Une pression artérielle (PA) égale ou supérieure à 140/90 mmHg en consultation suggère une hypertension artérielle (HTA). Pour confirmer le diagnostic avant de commencer un traitement antihypertenseur, il est recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical (automesure ou MAPA), sauf en cas d’HTA sévère (PA > 180/110 mmHg). Les valeurs normales en automesure ou pendant la période diurne de la MAPA sont : PAS < 120 mmHg et PAD < 70 mmHg.
L’HTA est souvent découverte fortuitement lors d’un examen systématique, mais elle peut aussi se manifester par des symptômes ou à l’occasion d’événements cardiovasculaires graves comme un AVC ou une dissection aortique.
Les conditions de mesure de la PA doivent être rigoureuses :
Appareil : Utiliser un appareil électronique validé.
Brassard : Adapter la taille du brassard à celle du bras ; la vessie gonflable doit couvrir les 2/3 de la circonférence du bras.
Patient : Mesurer après 5 minutes de repos, à distance d’un effort, de la prise de café ou de tabac, en position couchée ou assise, jambe décroisée, sans parler.
Les mesures doivent être faites aux deux bras lors de la première visite et répétées en position debout pour détecter une hypotension orthostatique.
Mesures automatisées :
MAPA : Mesure la PA du patient toutes les 15 à 30 minutes pendant 24 heures. L’hypertension est définie à 135/85 mmHg pour la moyenne diurne ou 130/80 mmHg pour les 24h.
Automesure tensionnelle : Consiste à demander au patient de mesurer sa PA chez lui. L’hypertension est définie à 135/85 mmHg, les valeurs120-134/70-84 mmHg sont considérées comme des valeurs de "PA élevées".
Mise en place d’une MAPA des 24h (terme préféré à celui de "Holter" tensionnel)
Tracé d’enregistrement MAPA.
L’automesure tensionnelle à domicile
Ces méthodes sont recommandées pour confirmer l’HTA avant le traitement, sauf en cas d’HTA sévère. Elles sont également utiles dans le suivi des hypertendus, surtout si la PA n’est pas contrôlée en consultation.
Précisions supplémentaires : L’ancienneté, l’évolution et le retentissement viscéral de l’HTA doivent être évalués une fois le diagnostic posé.
3.1 - Recherche d’une atteinte des organes cibles (AOC)
a) Retentissement neurologique : Rechercher des signes d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’encéphalopathie hypertensive. Une imagerie cérébrale est indiquée si justifiée cliniquement.
b) Retentissement ophtalmologique : Le fond d’œil est réservé aux HTA sévères avec troubles visuels et décrit 4 stades de rétinopathie hypertensive.
c) Retentissement cardiaque : Rechercher des signes d’insuffisance cardiaque ou d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) par l’examen clinique, ECG (index de Sokolow, Lewis, Cornell), cliché thoracique et échocardiographie. L’ECG est essentiel pour détecter des anomalies telles que l’hypertrophie atriale gauche ou HVG. Une échocardiographie peut détecter précocement une hypertrophie concentrique, une dilatation de l’oreillette gauche, ou des anomalies de la fonction ventriculaire.
d) Retentissement vasculaire : Rechercher une claudication intermittente, des antécédents vasculaires, et palper tous les pouls artériels. L’écho-Doppler permet de dépister des lésions infra-cliniques. La vitesse de l’onde de pouls (VOP) et la pression pulsée évaluent la compliance des gros vaisseaux.
e) Retentissement rénal : Évaluer la fonction rénale par le DFGe (formule CKD-EPI) et quantifier l’albuminurie (RAC > 30 mg/g). Dosage recommandé de l’uricémie, hémoglobinémie, et hématocrite pour évaluer la néphroangiosclérose ou la polyglobulie.
Facteurs de risque associés : Incluent l’âge (hommes > 50 ans, femmes > 60 ans), tabagisme, dyslipidémie, diabète, antécédents familiaux de maladies cardiovasculaires précoces, syndrome métabolique, obésité, sédentarité, et consommation excessive d’alcool.
3.2 - Évaluation du risque cardiovasculaire absolu : Utiliser le tableau ESH 2023 pour évaluer le risque cardiovasculaire en fonction de la PA, des facteurs de risque et des comorbidités, afin de guider la prise en charge thérapeutique.
"Le fond d’œil n’est plus systématique dans l’évaluation de l’HTA et doit être réservé aux formes sévères d’HTA." Légendes : Hard exsudates : exsudats secs, Cotton wool spots : exsudats cotonneux, Flame hemorrhage : hémorragies en flammèche.
L’ECG est un élément indispensable du bilan initial de l’HTA. Il recherche notamment une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) :
Hypertrophie ventriculaire gauche électrique : L’indice de Sokolow est normal à 25 mm (donc < 35 - 38mm), mais l’index de Lewis est pathologique à 24 mm (donc > 17 mm)
Classification GA (DFGe, Albuminurie) de la maladie rénale chronique (MRC). La valeur de DFG estimé et le RAC définissent 6 stades de fonction rénale et 3 stades d’albuminurie associés à une gravité croissante cardiovasculaire et rénale.
Le diagnostic étiologique de l’HTA comprend deux étapes : une première systématique avec peu d’examens paracliniques, et une seconde plus approfondie, réalisée seulement si des éléments orientent vers une cause spécifique.
4.1 Le bilan systématique
Interrogatoire :
Rechercher des facteurs exogènes ou endogènes aggravant l’HTA, tels que les antécédents familiaux d’HTA, la contraception orale, la consommation excessive d’alcool, un régime riche en sel ou pauvre en potassium, le surpoids, la sédentarité, certains médicaments (corticoïdes, AINS, bêta-2 mimétiques) et la prise de toxiques (cocaïne, amphétamines). Évaluer également les antécédents uro-néphrologiques et rechercher des manifestations des glandes surrénales.
Examen clinique :
Inspection : recherche de cicatrices opératoires ou de signes de pathologies endocriniennes.
Palpation : vérifier les pouls fémoraux, rechercher un gros rein douloureux ou un globe vésical.
Auscultation : écouter le cœur pour détecter des souffles pathologiques et ausculter les artères rénales pour un souffle systolo-diastolique évocateur de sténose artérielle rénale.
Bilan biologique minimal :
Les prélèvements doivent être faits sans garrot, en régime normosodé, pour explorer les causes d’HTA, évaluer le retentissement viscéral et recenser les facteurs de risque :
Systématique : glycémie à jeun ± HbA1c, exploration d’une anomalie lipidique, créatinine plasmatique avec estimation du DFG par CKD-EPI, natrémie, kaliémie, rapport albumine/créatinine urinaire (RAC), hémoglobinémie, TSH, ECG 12 dérivations de repos. Pour la première fois, le dosage en conditions standardisées de l’aldostérone et de la rénine est proposé au diagnostic, chez tous les patients hypertendus confirmés, en raison de laa prévalence importante de l’hyperaldostéronisme primitif (5-10%).
Selon l’orientation clinique : BNP, troponine ultrasensible, uricémie, échographie cardiaque (si anomalies à l’ECG ou symptômez cliniques), vasculaire et rénale, FO, IPS, score calcique, VOP.
Dans plus de 70% des cas, cette première évaluation ne révèle aucun signe spécifique d’HTA secondaire, rendant inutile des investigations étiologiques supplémentaires.
Les mesures hygiéno-diététiques)sont proposées chez tous les individus avec une PA élevée ou une hypertension :
Réduire la consommation de sel à < 5 g/jour.
Alimentation riche en potassium (fruits et légumes, régime DASH),
Réduire les sucres et les graisses saturées,
Perdre du poids (objectif : IMC < 25 kg/m² ou réduction de 10% du poids).
Encourager une activité physique aérobie régulière (50 min, 3 fois/semaine).
Réduire ou arrêter le tabac.
Limiter l’alcool à < 100 grammes/semaine.
La prise en charge pharmacologique de l’hypertension artérielle (HTA) et son délai dépend du niveau tensionnel, des comorbidités associées, et du risque cardiovasculaire (RCV) global évalué par les équations européennes SCORE2 /SCORE2-OP /SCORE2-D. L’objectif du traitement antihypertenseur est de diminuer le risque cardiovasculaire global. Le traitement sera d’autant plus précoce, intensif et bénéfique que ce risque est élevé.
Cette évaluation doit intégrer les facteurs de risque cardiovasculaires majeurs comme le diabète, l’hypercholestérolémie familiale ou l’insuffisance rénale chronique. Elle doit également prendre en compte les modificateurs du risque cardiovasculaire comme les complications gravidiques (diabète gestationnel, hypertension gravidique, prééclampsie, accouchement prématuré, fausse-couche), les maladies auto-immunes ou inflammatoires, la séropositivité VIH, les antécédents familiaux d’atteinte d’athérosclérose prématurée, des conditions socio-économiques précaires ou encore l’existence d’une maladie mentale ou une origine ethnique dite « à haut risque » (ex : Asie du Sud). Ces modificateurs du risque sont particulièrement utiles chez les patients à risque intermédiaire (entre 5 et 10%) pour les reclasser éventuellement dans la catégorie des patients à haut risque.
Les recommandations ESC 2024 définissent clairement les valeurs-seuils pour l’initiation du traitement antihypertenseur ainsi que les cibles de pression artérielle (PA) à atteindre pour réduire au maximum les évènements cardiovasculaires :
En cas d’hypertension artérielle (PA à domicile > 140/90 mmHg), un traitement anti-hypertenseur est instauré immédiatement, indépendamment du risque cardiovasculaire du patient, en parallèle aux mesures hygiéno-diététiques.
Un traitement antihypertenseur peut être indiqué en cas de PA élevée (PAS 130-139 mmHg ou PAD 80-89 mmHg) chez les patients à haut risque ou très haut risque cardiovasculaire, si cette élévation persiste malgré 3 mois de mesures hygiéno-diététiques.
En cas d’hypotension orthostatique, au-delà de 85 ans, chez les personnes présentant une fragilité modérée à sévère ou une espérance de vie de moins 3 ans, on ne traite que les hypertensions artérielles (>140/90).
Une fois le traitement instauré, les cibles thérapeutiques sont exigeantes et doivent viser une PAS entre 120 et 129 mmHg et une PAD entre 70 et 79 mmHg, idéalement 120/70 mmHg si la tolérance le permet.
En revanche, les objectifs de contrôle tensionnel sont moins stricts, en visant une PAS < 140/90 mmHg :
chez les patients très âgés > 85 ans
en cas d’hypotension orthostatique ;
en cas de fragilité modérée à sévère et une espérance limitée de moins de 3 ans.
En cas de mauvaise tolérance, il vaut viser une PAS aussi basse que raisonnablement atteignable (Principe ALARA : « As low as reasonably achievable »).
Choix du traitement pharmacologique :
Il existe une indication d’emblée à une bithérapie à demi-dose associant 2 des 4 classes suivantes :
A : bloqueurs de l’angiotensine (IEC, Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2, ARA2)
C : bloqueurs des canaux calcium ("inhibiteurs calciques") de type dihydropyridine (ex : amlodipine),
D : diurétiques thiazidiques ou apparentés (ex : indapamide), Trois combinaisons sont possibles : AC, AD ou CD, selon le phénotype hypertensif, par exemple : Twynsta® (telmisartan+amlodipine), Preterax® (perindopril+indapamide), Natrixam® (amlodipine+indapamide).
Un traitement par monothérapie seule est préféré uniquement chez les patients très âgés de plus de 85 ans, présentant une fragilité gériatrique modérée à sévère, une hypotension orthostatique, ou bien chez les patients avec une élévation modeste de la pression artérielle (entre 130/80 et 140/90 mmHg).
En cas de non-contrôle tensionnel après un mois, une trithérapie est mise en place combinant ces trois classes à mi-dose, puis en cas de non-contrôle persistant, une titration de la trithérapie à pleine dose, si possible en un seul comprimé (non remboursée en France !). La surveillance de la pression artérielle sous traitement et la titration doivent être réalisée par des mesures de pression artérielle ambulatoires (AMT ou MAPA), plutôt que les mesures de pression artérielle en consultation.
HTA résistante : En cas de pression artérielle non contrôlée après un et trois mois, malgré une trithérapie à dose maximale tolérée, cela confirme le diagnostic d’hypertension artérielle apparemment résistante, nécessitant une réévaluation de l’observance, des apports en sel, et la recherche d’une cause secondaire.
Le bilan initial peut parfois révéler une anomalie justifiant des investigations supplémentaires. Une cause d’hypertension est identifiée dans environ 15 % des cas.
La recherche d’une cause spécifique est indiquée :
Chez les sujets jeunes (< 40 ans).
En cas d’HTA sévère (PA > 180/110 mmHg) ou rapidement progressive.
En cas d’HTA résistante.
Lorsque le bilan initial révèle un signe d’orientation étiologique.
1) Abolition des pouls fémoraux : Cela suggère une coarctation aortique, souvent dépistée par une diminution de l’index de pression systolique.
Aspect IRM d’une coarctation isthmique
2) Anomalies du bilan rénal et/ou antécédents uro-néphrologiques Elles peuvent évoquer une HTA réno-vasculaire ou une néphropathie parenchymateuse.
3) Hypokaliémie par fuite urinaire : Elle peut être due à :
Un hyperaldostéronisme secondaire (rénine et aldostérone élevées), lié à des causes comme l’HTA rénovasculaire, les néphropathies interstitielles, ou l’HTA essentielle évolutive.
Un hyperaldostéronisme primitif (rénine basse, aldostérone élevée), qui se présente sous forme d’adénome de Conn (traitable chirurgicalement) ou d’hyperplasie bilatérale des surrénales (traitement pharmacologique).
4) Autres causes rares : Incluent le phéochromocytome, le syndrome de Cushing, et des pathologies thyroïdiennes ou parathyroïdiennes.
5) Syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) : 30 à 50 % des patients avec SAOS sont hypertendus, et environ 30 % des hypertendus peuvent avoir un SAOS non diagnostiqué. Un enregistrement polygraphique nocturne est recommandé pour les hypertendus difficiles à équilibrer, surtout s’ils présentent un surpoids, des ronflements nocturnes et une somnolence diurne.
Prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte Site HAS
Fiche mémo HAS 2016
Algorithme décisionnel
Rapport d’élaboration
Mancia G, Kreutz R, Brunström M, et al. 2023 ESH? Guidelines for the management of arterial hypertension The Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Hypertension : Endorsed by the International Society of Hypertension (ISH?) and the European Renal Association (ERA). J Hypertens. 2023 Dec 1 ;41(12):1874-2071. doi : 10.1097/HJH.0000000000003480 37345492 .
McEvoy JW, McCarthy CP, Bruno RM, Brouwers S, Canavan MD, Ceconi C, Christodorescu RM, Daskalopoulou SS, Ferro CJ, Gerdts E, Hanssen H, Harris J, Lauder L, McManus RJ, Molloy GJ, Rahimi K, Regitz-Zagrosek V, Rossi GP, Sandset EC, Scheenaerts B, Staessen JA, Uchmanowicz I, Volterrani M, Touyz RM ; ESC? Scientific Document Group. 2024 ESC Guidelines for the management of elevated blood pressure and hypertension. Eur Heart J. 2024 Aug 30:ehae178. doi : 10.1093/eurheartj/ehae178. Epub ahead of print. 39210715