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zone restreinte 01b - Hypertension artérielle et dysfonction érectile - Position ESH 2020

Mise à jour : 7 mars 2024 - Mise en ligne : 3 juillet 2025, par Thierry HANNEDOUCHE
 
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L’hypertension, affectant plus d’un milliard d’adultes mondialement [1], engendre des complications vasculaires majeures, augmentant le risque? de pathologies cardiaques, cérébrovasculaires et rénales [2]. Les progrès en thérapie antihypertensive ont significativement réduit ces risques [3,4]. Parallèlement, la dysfonction érectile, impactant fortement la qualité de vie des patients et de leurs partenaires [5], est majoritairement d’origine vasculaire, liée à la présence de maladies cardiovasculaires ou de leurs facteurs de risque [6]. L’association entre hypertension et dysfonction érectile a été soulignée par la Société Européenne d’Hypertension (ESH?), intégrant cette thématique dans ses réunions annuelles depuis plus d’une décennie et formant un groupe de travail dédié [2,7–9]. De plus, depuis 2007, les directives de l’ESH abordent la dysfonction érectile, complétées par des bulletins d’information [10,11], un document de position [12] et un ouvrage spécialisé [13]. Ce manuscrit, publié en 2020, vise à actualiser le document de position sur la dysfonction érectile et l’hypertension, en y intégrant les avancées récentes et en explorant de nouveaux domaines d’étude.

1. Prévalence? de la DE

La prévalence de la dysfonction érectile dans la population générale est estimée à 15-20% selon de vastes études épidémiologiques [28,32–36], avec une incidence? plus élevée chez les femmes que chez les hommes [37]. Cette prévalence s’accroît chez les patients hypertendus, avec des études indiquant une prévalence presque double par rapport aux individus normotendus [43,44], et une sévérité accrue chez les hypertendus [45]. La coexistence de facteurs de risque? cardiovasculaire augmente davantage cette prévalence [21]. Des études spécifiques, comme les essais ONTARGET et TRANSCEND, ont montré que plus de la moitié des patients à haut risque souffraient de dysfonction érectile [46], un constat également valable pour les femmes hypertendues [47]. Chez les patients avec maladie cardiovasculaire, environ la moitié des cas de maladie coronarienne et la majorité des insuffisants cardiaques présentent une dysfonction érectile [48].

La dysfonction érectile affecte significativement la qualité de vie, entraînant une altération de la satisfaction sexuelle, une anxiété liée à l’activité sexuelle, et un impact négatif sur l’estime de soi et la confiance en soi [49-52]. Elle sert également de marqueur pronostique pour le développement de maladies cardiovasculaires, associée à un risque accru d’événements cardiovasculaires, de maladie coronarienne, de maladies cérébrovasculaires, et d’une mortalité toutes causes confondues [53-59].

2. Diagnostic de la DE

Le diagnostic de la dysfonction érectile repose sur une anamnèse médicale et sexuelle approfondie, incluant l’évaluation des symptômes cardiovasculaires, des comorbidités, des facteurs de style de vie et des médicaments administrés [53,60-65]. L’histoire sexuelle aide à distinguer entre les origines psychogénique et organique de la dysfonction, suggérée respectivement par un début soudain avec des érections matinales normales et un début progressif sans érections matinales cohérentes [53,60-65].
Les questionnaires, notamment l’Index International de la Fonction Érectile (IIEF), sont cruciaux pour évaluer la fonction sexuelle, un score de l’IIEF-5 inférieur à 21 indiquant une dysfonction érectile [66,67]. Un examen clinique du cœur et de la circulation périphérique, des tests de laboratoire pour évaluer le risque cardiovasculaire, et la mesure des niveaux de testostérone chez les patients avec dysfonction érectile organique sont recommandés [53,60-65]. Des examens supplémentaires comme le Doppler pénien et l’évaluation de biomarqueurs cardiovasculaires peuvent offrir des informations précieuses sur la présence et la sévérité de la dysfonction érectile vasculogénique [53,60-65].

Tableau 1 : Biomarqueurs pronostiques dans la DE

3. Prise en charge de la DE

3.1 Conseil sexuel : une étape cruciale ; si nous ne posons pas la question, les patients peuvent ne pas nous en parler - Modification du mode de vie

La gestion de la dysfonction érectile vasculogénique s’appuie sur le conseil sexuel et les modifications du mode de vie, bien que la plupart des patients requièrent une thérapie pharmacologique, principalement les inhibiteurs de la PDE-5, ou un ajustement de leur traitement antihypertenseur [53,60–65]. Le conseil sexuel est essentiel pour améliorer la qualité de vie des patients, abordant la sécurité de l’activité sexuelle, le moment approprié pour la reprise sexuelle après un événement cardiovasculaire, et l’impact des médicaments sur la fonction sexuelle [68-70]. Les modifications du mode de vie, incluant l’arrêt du tabagisme, la gestion du poids et l’adoption d’un régime méditerranéen, sont prouvées pour diminuer le risque de dysfonction érectile [71-81]. La consommation excessive d’alcool est également liée à une augmentation du risque de dysfonction érectile [82]. L’exercice physique régulier présente des bénéfices significatifs, améliorant la fonction érectile, le désir sexuel et la satisfaction globale, et réduisant le risque de dysfonction érectile chez les individus avec ou sans maladie cardiovasculaire [83-97]. La combinaison de l’exercice avec des inhibiteurs de la PDE-5 offre des avantages supplémentaires [95-97].

3.2 Adhérence à la thérapie antihypertensive

L’amélioration de l’adhésion à la thérapie antihypertensive est cruciale, la mauvaise adhérence étant souvent due aux effets secondaires des médicaments, dont la dysfonction érectile est un contributeur majeur [98-102]. Des stratégies comme la réduction des effets néfastes des antihypertenseurs sur la fonction érectile, notamment par l’utilisation des inhibiteurs de la PDE-5, peuvent améliorer l’adhérence et le contrôle de la pression artérielle [104].

3.3 Traitement antihypertenseur

Les médicaments antihypertenseurs peuvent affecter négativement la fonction érectile, avec des effets variables entre et au sein des classes de médicaments [43,105-110]. Les diurétiques et les bêta-bloquants ont le profil le moins favorable, tandis que les bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine (ARB) et le nébivolol sont associés à des effets plus neutres ou positifs sur la fonction sexuelle [111-114]. Les ARB, en particulier, peuvent même améliorer l’activité sexuelle, comme l’ont montré des études comparant le valsartan à d’autres antihypertenseurs [111,112]. De même, le losartan, combiné au tadalafil, a significativement amélioré la fonction sexuelle chez les patients diabétiques avec dysfonction érectile, en particulier chez ceux avec une dysfonction légère à modérée [114].

Le traitement combiné avec félodipine et losartan améliore le désir sexuel chez les hommes hypertendus par rapport à la combinaison félodipine-métoprolol [115]. Chez les femmes, la fonction sexuelle s’améliore significativement avec la combinaison félodipine-irbésartan, impactant positivement les niveaux d’œstradiol et de testostérone [116]. Le losartan augmente la satisfaction sexuelle, la fréquence des activités sexuelles et la fonction érectile chez les hommes hypertendus avec dysfonction érectile préexistante, sans effet notable chez ceux sans dysfonction sexuelle. La majorité des patients traités rapportent une amélioration de la qualité de vie [117]. L’irbésartan, seul ou avec l’hydrochlorothiazide, réduit la prévalence de la dysfonction érectile et augmente la satisfaction sexuelle chez les hypertendus atteints du syndrome métabolique [118].

Les essais ONTARGET/TRANSCEND indiquent que le telmisartan et le ramipril n’améliorent pas la fonction érectile chez les patients à haut risque, possiblement en raison de l’influence des médicaments antihypertenseurs préexistants, tels que les diurétiques et bêta-bloquants, sur l’activité sexuelle [46].

Le nébivolol, bêta-bloquant de troisième génération, favorise la vasodilatation via l’oxyde nitrique, contrairement à d’autres bêta-bloquants, et ne partage pas leurs effets négatifs sur la fonction érectile. Des études expérimentales et cliniques soulignent son impact positif sur la fonction érectile, comparé à des bêta-bloquants comme le métoprolol et l’aténolol, avec des améliorations dans tous les aspects de la fonction érectile évalués par l’IIEF [119-130].

Le nébivolol se distingue des autres bêta-bloquants par son absence d’effet négatif sur la fonction érectile, ce qui en fait le choix privilégié chez les patients soucieux de leur vie sexuelle, comme souligné par les récentes directives de l’ESH? [2]. Face à la dysfonction érectile induite par les antihypertenseurs, la solution courante consiste à ajouter des inhibiteurs de la PDE-5 plutôt que de modifier le médicament en cause, une approche qui peut sembler contre-intuitive.

Le passage à une autre catégorie d’antihypertenseurs, notamment les ARB, a démontré un bénéfice sur la fonction érectile. Des études ont montré que le changement pour le valsartan améliorait l’activité sexuelle [131], et une monothérapie avec le valsartan a réduit la prévalence de la dysfonction érectile et amélioré la fonction sexuelle [132]. De plus, le remplacement des bêta-bloquants par le nébivolol a normalisé la fonction érectile chez plus de la moitié des patients dans une étude [133]. Ces résultats, bien qu’issus d’études ouvertes sans contrôle suffisant, indiquent le potentiel d’amélioration de la fonction érectile par ajustement du traitement antihypertenseur.

Tableau 2 : Effets des antihypertenseurs sur la DE

3.4 Apnée obstructive du sommeil et traitement de l’hypertension et de la dysfonction érectile

La dysfonction érectile est fréquente chez les patients avec syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS), considéré comme un facteur de risque indépendant de dysfonction érectile [134]. Le traitement par CPAP pour le SAOS a montré des bénéfices sur la fonction érectile, en particulier chez les patients avec une dysfonction modérée à sévère, avec une amélioration observée dès les premiers jours de traitement et maintenue sur le long terme [141-146]. La réponse à la thérapie CPAP varie, influencée par l’adhérence au traitement et l’âge du patient. L’association du CPAP avec les inhibiteurs de la PDE-5 offre des avantages supplémentaires, surpassant les effets de chaque traitement pris individuellement [147-151].

3.5 Inhibiteurs de la PDE-5

Les inhibiteurs de la PDE-5, en ciblant spécifiquement l’isoenzyme PDE-5 abondante dans les corps caverneux du pénis, augmentent le cGMP intracellulaire et favorisent l’érection en améliorant la biodisponibilité de l’oxyde nitrique et la relaxation du muscle lisse vasculaire [152,153]. Quatre inhibiteurs de la PDE-5 sont approuvés mondialement (sildénafil, vardénafil, tadalafil, avanafil) et deux supplémentaires dans certains pays (udénafil, mirodenafil), offrant diverses options thérapeutiques adaptées aux besoins individuels [154-160]. Le sildénafil, premier de sa classe, agit en environ 20 minutes avec une durée d’action allant jusqu’à 12 heures, tandis que le tadalafil possède la plus longue demi-vie (17,5 heures), prolongeant son action jusqu’à 36 heures [154-159].

Ces médicaments se sont révélés efficaces chez les patients hypertendus, y compris ceux sous traitement antihypertenseur, sans que leur efficacité ne soit significativement atténuée par la présence de facteurs de risque cardiovasculaire [161-167]. Leur sécurité et tolérabilité sont confirmées, les effets indésirables étant généralement légers et l’incidence n’augmentant pas avec le nombre ou la classe des antihypertenseurs associés [169-182]. Concernant les préoccupations cardiovasculaires initiales liées au sildénafil, les études ultérieures ont écarté une association significative entre son utilisation et le risque de maladie coronarienne ou d’infarctus du myocarde [188-195].

L’interaction avec les nitrates est une contre-indication majeure en raison du risque d’hypotension sévère, nécessitant un délai de 24 à 48 heures après la dernière prise d’un inhibiteur de la PDE-5 avant l’administration de nitrates en cas de besoin [199-204]. Quant à la co-administration avec des alpha-bloquants, elle est possible sous certaines conditions, en privilégiant les alpha-bloquants urosélectifs et en respectant un intervalle de 6 heures entre les prises, avec une initiation prudente et une augmentation progressive des doses [205-210].

3.6 Traitement de remplacement de la testostérone

La testostérone joue un rôle central dans la fonction érectile et son déficit est lié à une dysfonction érectile et à des maladies cardiovasculaires. Des études indiquent que des niveaux bas de testostérone sont associés à un risque accru de mortalité cardiovasculaire et toutes causes confondues [211-215]. Le traitement de remplacement de la testostérone (TRT) pourrait offrir des avantages cardiovasculaires chez les patients avec de faibles niveaux d’hormones, bien que des études aient rapporté des résultats contradictoires sur sa sécurité cardiovasculaire [216-230]. Il est nécessaire de réaliser de grandes études prospectives pour clarifier l’impact du TRT sur la santé cardiovasculaire.

3.7 Recherche de CAD asymptomatique

La dysfonction érectile peut précéder la maladie coronarienne (CAD) de 3 à 5 ans, offrant une fenêtre d’opportunité pour la détection précoce de la CAD subclinique chez les patients atteints [231,232]. La relation entre la dysfonction érectile et la CAD peut s’expliquer par l’hypothèse de la taille des artères, où les artères péniennes plus petites sont affectées plus tôt par l’athérosclérose et la dysfonction endothéliale que les artères de plus grande taille [233]. L’évaluation des patients atteints de dysfonction érectile pour la CAD devrait inclure une détermination de la cause de la dysfonction érectile, une évaluation du risque cardiovasculaire et, chez les patients à haut risque ou présentant certains biomarqueurs, une réferral à un cardiologue pour des tests de stress afin d’identifier une éventuelle CAD subclinique [53,60-65].

4. Lacunes dans les connaissances

La dysfonction érectile chez les patients hypertendus reste sous-évaluée, nécessitant des éclaircissements sur plusieurs aspects pour améliorer la prise en charge. La prévalence exacte de la dysfonction érectile, ses variations selon les régions et son association avec divers facteurs chez les hypertendus doivent être mieux comprises, suggérant le besoin d’une vaste étude épidémiologique européenne. L’influence de la dysfonction érectile sur la qualité de vie et le rôle des facteurs psychologiques nécessitent une exploration plus approfondie, impliquant la collaboration entre spécialistes de l’hypertension, psychiatres et psychologues.

Les effets des différentes catégories de médicaments antihypertenseurs sur la fonction érectile sont mal définis, avec un besoin de grandes études prospectives, multicentriques et randomisées pour évaluer leur impact. Les informations concernant l’effet de la thérapie combinée antihypertensive sur la fonction érectile sont limitées, requérant des études cliniques spécifiques. La gestion de la dysfonction érectile à travers l’Europe, son efficacité et son impact sur l’adhérence aux médicaments et le contrôle de la pression artérielle doivent être évalués pour renforcer le rôle clinique de la reconnaissance de la dysfonction érectile.

Figure 1 : Prise en charge de la DE chez les patients avec ou sans maladie cardiovasculaire

5. Conclusion

La mise en œuvre des recommandations dans la pratique clinique et l’impact des initiatives visant à améliorer la reconnaissance de la dysfonction érectile chez les patients hypertendus doivent être mesurés pour établir des plans stratégiques futurs. L’évaluation de la fonction sexuelle devrait être intégrée dans l’anamnèse de routine pour offrir une prise en charge complète des patients hypertendus, soulignant l’importance d’une communication ouverte entre le médecin, le patient et son partenaire pour élaborer un plan de traitement partagé et réaliste.

 
 

Références

Viigimaa M, Vlachopoulos C, Doumas M, Wolf J, Imprialos K, Terentes-Printzios D, Ioakeimidis N, Kotsar A, Kiitam U, Stavropoulos K, Narkiewicz K, Manolis A, Jelakovic B, Lovic D, Kreutz R, Tsioufis K, Mancia G ; European Society of Hypertension Working Group on Sexual Dysfunction. Update of the position paper on arterial hypertension and erectile dysfunction. J Hypertens. 2020 Jul ;38(7):1220-1234. doi : 10.1097/HJH.0000000000002382. 32073535