Les maladies cardiovasculaires (MCV), les maladies rénales chroniques (MRC?) et les troubles métaboliques (incluant l’obésité et le diabète de type 2) forment une triade pathologique interconnectée, renforçant mutuellement leurs impacts négatifs sur la santé.
Plus de 50 ans après la conceptualisation prémonitoire du syndrome métabolique par Jean Vague à Marseille, le syndrome cardio-rénal-métabolique (CRM) trouve une nouvelle définition aux USA devant l’avalanche de cas d’obésité compliquée.
Ces interactions complexes, maintenant regroupées sous le terme de syndrome cardiovasculaire-rénal-métabolique (CRM), ont été récemment définies et stratifiées par l’American Heart Association (AHA?).
Cette redéfinition met l’accent sur les mécanismes communs sous-jacents et vise à harmoniser les approches thérapeutiques pour une prise en charge holistique [1,5,6].
Le syndrome CRM est conceptualisé comme un trouble systémique résultant d’interactions pathophysiologiques entre des facteurs de risque métaboliques, les MRC et les MCV. Il inclut à la fois les individus présentant un risque accru de MCV en raison de comorbidités métaboliques ou rénales, ainsi que ceux ayant déjà développé une maladie cardiovasculaire associée. Ces interrelations se traduisent par des dysfonctions multiorganiques et un taux élevé de mortalité cardiovasculaire [1,5].
La nécessité d’une définition unifiée s’est imposée en raison de la prévalence croissante des facteurs de risque CRM et de l’absence historique d’une classification claire, entravant les efforts de prévention et de gestion [16]. En établissant une nomenclature commune, l’AHA facilite non seulement l’identification précoce des patients à risque, mais aussi la communication efficace des risques avec les patients, dans un cadre non stigmatisant [5].
La stratification du syndrome CRM repose sur un modèle progressif comprenant quatre stades :
Stade 0 : Absence de facteurs de risque CRM (poids normal, absence d’hypertension, de dyslipidémie ou de dysglycémie).
Stade 1 : Présence d’adiposité excessive ou dysfonctionnelle, caractérisée par des sécrétions pro-inflammatoires et pro-oxydatives associées à une insulino-résistance.
Stade 2 : Facteurs de risque métaboliques tels que l’hypertriglycéridémie, l’hypertension, le diabète de type 2, ou une MRC modérée à élevée.
Stade 3 : MCV subclinique, incluant des marqueurs de dysfonction myocardique ou athérosclérotique.
Stade 4 : MCV clinique, comme l’insuffisance cardiaque, la maladie coronarienne ou l’accident vasculaire cérébral [1,6].
Cette stratification reflète la progression pathophysiologique des dommages, mais également les opportunités d’intervention pour ralentir ou inverser les trajectoires des maladies [5]. Elle permet de cibler des stratégies spécifiques à chaque stade, maximisant l’efficacité des interventions thérapeutiques [3].
Le dépistage des facteurs de risque CRM est crucial dès l’enfance et devrait être intensifié avec l’âge ou en présence de comorbidités. L’utilisation du calculateur PREVENT, intégrant des variables telles que l’eGFR et le rapport albumine/créatinine urinaire, permet une prédiction précise des risques cardiovasculaires sur des horizons de 10 à 30 ans [5,6]. Ce modèle inclut également des déterminants sociaux de la santé (SDH), améliorant ainsi la personnalisation des soins [3].
La gestion du CRM repose fondamentalement sur des interventions axées sur la perte de poids, l’amélioration des habitudes alimentaires et l’augmentation de l’activité physique. Ces interventions ciblent directement l’adiposité excessive, facteur clé de dysfonction dans le CRM [5,6].
Les inhibiteurs SGLT2 et les agonistes GLP-1 se sont révélés particulièrement efficaces. Ces agents réduisent non seulement le risque cardiovasculaire mais ralentissent également la progression des MRC, offrant une double protection [1,5].
La formation d’équipes interdisciplinaires combinant cardiologues, néphrologues, endocrinologues et professionnels des soins primaires est essentielle pour aborder les multiples facettes du CRM. Les modèles de soins basés sur la valeur, en tenant compte des SDH, sont fortement recommandés pour réduire la fragmentation des soins [6].
Malgré des avancées notables, des défis importants subsistent. Les mécanismes biologiques liant les MRC et les MCV, en particulier dans des contextes spécifiques comme l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpEF), sont encore mal compris. De même, les influences épigénétiques et les variations liées au sexe ou à l’ethnicité nécessitent une exploration approfondie [2,6].
Des efforts sont également nécessaires pour intégrer des biomarqueurs avancés et pour généraliser les approches centrées sur les patients dans divers environnements cliniques [3,5].
[1] Ndumele, Chiadi E., et al. “Cardiovascular-Kidney-Metabolic Health : A Presidential Advisory From the American Heart Association.” Circulation 148, no. 1606-1635 (2023). DOI : 10.1161/CIR.0000000000001184.
[2] Ndumele, Chiadi E., et al. “A Synopsis of the Evidence for the Science and Clinical Management of Cardiovascular-Kidney-Metabolic Syndrome : A Scientific Statement From the American Heart Association.” Circulation 148, no. 1636-1664 (2023). DOI : 10.1161/CIR.0000000000001186.
[3] Bansal, Nisha, Daniel Weiner, and Mark Sarnak. “Cardiovascular-Kidney-Metabolic Health Syndrome : What Does the American Heart Association Framework Mean for Nephrology ?” Journal of the American Society of Nephrology 35 (2024) : 649–652. DOI : 10.1681/ASN.0000000000000323.
[4] Handelsman, Yehuda, et al. “DCRM 2.0 : Multispecialty Practice Recommendations for the Management of Diabetes, Cardiorenal, and Metabolic Diseases.” Metabolism (2024). DOI : 10.1016/j.metabol.2024.155931.
[5] Quaggin, Susan E., and Benjamin Magod. “A United Vision for Cardiovascular–Kidney–Metabolic Health.” Nature Reviews Nephrology (2023). DOI : 10.1038/s41581-024-00812-6.
[6] Larkin, Howard. “Here’s What to Know About Cardiovascular-Kidney-Metabolic Syndrome, Newly Defined by the AHA?.” JAMA 330, no. 21 (2023) : 2042-2043. DOI:10.1001/jama.2023.22276.