L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) reste une affection encore peu diagnostiquée et insuffisamment traitée. Cependant, l’AOMI témoigne d’une maladie athéro-thrombotique développée, faisant du malade vasculaire un polyathéromateux potentiel.
L’hypertension artérielle est un des principaux facteurs de risque? d’AOMI. Sa prise en charge doit intégrer la notion de risque cardiovasculaire élevé sur ce terrain et privilégier les molécules ayant un effet démontré sur ce risque : inhibiteurs du système rénine angiotensine notamment.
L’épidémiologie de l’AOMI a été moins étudiée que celle des autres localisations athéromateuses, bien qu’elle soit un marqueur important de mortalité cardiovasculaire. Environ 800 000 patients en France sont touchés par l’AOMI, souvent diagnostiquée au stade de claudication intermittente ou d’ischémie chronique, et parfois de manière asymptomatique. L’AOMI asymptomatique est associée à un risque cardiovasculaire similaire à celui observé chez les patients claudicants, ce qui souligne l’importance de dépister cette condition précocement.
Le pronostic des patients souffrant d’AOMI avec un index de pression systolique cheville/bras (IPS) pathologique est davantage lié aux événements cardiovasculaires qu’à la progression de la maladie au niveau des membres inférieurs. Environ 30 % des patients avec claudication intermittente développent un événement cardio- ou cérébrovasculaire mortel dans les 5 ans, tandis que moins de 5 % progressent vers des formes plus graves de l’AOMI.
La mesure systématique de l’IPS est recommandée car elle permet de détecter cinq fois plus de cas d’AOMI par rapport à l’interrogatoire seul. Cette mesure reste un outil diagnostique essentiel, notamment en raison de la médiacalcose souvent présente chez les patients âgés et diabétiques, augmentant les risques cardiovasculaires (ESH 2023).
Figure 1 : l’index de pression systolique cheville bras (IPS). C’est le rapport de la PAS à la cheville à la PAS humérale. Mesuré par une sonde doppler portable, l’IPS permet d’établir le diagnostic d’AOMI. 0,9 < IPS normal < 1,3.
Le tabagisme demeure le facteur de risque indépendant le plus important de l’AOMI. Après 16 ans de suivi dans l’étude de Framingham, 78 % des claudications intermittentes sont attribuables au tabagisme, et le risque de claudication est multiplié par 1,5 à 2 chez les fumeurs.
L’HTA est également un facteur de risque majeur, augmentant le risque d’AOMI de 2 à 4 fois. La prévalence de l’HTA chez les patients avec AOMI est souvent due à une hypertension systolique prédominante liée à l’âge avancé des patients (ESH 2023). L’hypercholestérolémie et le diabète sont également des facteurs de risque reconnus, augmentant la probabilité de développer une AOMI.
Le diabète joue un rôle crucial dans la survenue de l’AOMI, avec une prévalence qui varie de 19 à 41 % parmi les patients atteints. Le risque d’AOMI est estimé à 15 % après 10 ans de diabète et grimpe à 45 % après 20 ans. L’étude de Framingham a également révélé une incidence de 12,6 % de l’artériopathie chez les diabétiques après 20 ans de suivi, contre 3,3 % chez les non-diabétiques.
Une méta-analyse des études APRES-ECLAT-PRISMA a confirmé la prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire chez les sujets avec AOMI, révélant que le patient typique est un homme (80 %) de plus de 65 ans (65 %), légèrement en surpoids, hypertendu (60 %), hypercholestérolémique (60 %), et fumeur (30 %). Un artériopathe sur cinq est diabétique.
L’AOMI est souvent le signe d’une maladie athéromateuse diffuse. Diagnostiquer précocement les lésions associées permet d’éviter des complications cardiovasculaires irréversibles en mettant en place un traitement approprié. L’AOMI définit un groupe de sujets à très haut risque cardiovasculaire, avec notamment un risque accru d’événements coronariens et cérébrovasculaires, ainsi que de mortalité cardiovasculaire (30 % d’événements mortels à 5 ans).
Les études épidémiologiques montrent que les sujets claudicants ont une espérance de vie réduite de 50 % à 10 ans par rapport à la population générale, leur pronostic étant principalement conditionné par les accidents coronaires (RR d’infarctus du myocarde multiplié par 4 ; 55 % des décès), les accidents vasculaires cérébraux (RR multiplié par 2-3 ; 15 % des décès) ou les cancers (25 % des décès).
Des études récentes ont montré que l’existence d’une AOMI asymptomatique avec IPS < 0,90 est associée à un risque cardiovasculaire similaire à celui d’un patient claudicant ayant un même IPS. La quantification de l’AOMI par l’IPS permet de stratifier le risque en fonction de la sévérité de l’artériopathie. L’incidence annuelle de la mortalité cardiovasculaire est de 3 à 4 % pour un IPS < 0,70. Par ailleurs, un IPS > 1,3 indique une incompressibilité des artères distales des membres inférieurs (médiacalcose), associée à un risque cardiovasculaire accru.
L’artériopathie est un marqueur d’une maladie athéromateuse diffuse. Les nouvelles directives soulignent que la présence d’une AOMI doit systématiquement alerter sur le risque élevé de lésions athéromateuses multisites, y compris coronaires, cérébrales et rénales. Environ 50 % des patients atteints d’AOMI présentent également une coronaropathie, et des sténoses artérielles rénales sont observées dans 25 à 50 % des cas. De plus, il est maintenant reconnu que 20 à 30 % des patients avec AOMI ont des atteintes multi-sites*, notamment coronaires, digestives et carotidiennes.
L’évaluation vasculaire exhaustive est essentielle mais reste sous-utilisée.* Malgré la forte prévalence des lésions associées, le bilan vasculaire complet, incluant l’évaluation des artères coronaires, rénales et supra-aortiques, n’est pas systématiquement réalisé. Par exemple, l’enquête régionale Rhône-Alpes URCAM de 2002 a révélé que seulement 32 % des patients bénéficiaient d’une échographie abdominale et 67 % d’une échographie-doppler des troncs supra-aortiques. Ce faible taux de réalisation des bilans complémentaires contraste avec les recommandations actuelles qui insistent sur l’importance d’un dépistage plus systématique des atteintes vasculaires associées, incluant la coronaropathie qui affecte près de 40 % des patients avec AOMI.
Figure 2 : Échographie doppler couleur des artères des membres inférieurs. On observe un bourgeon athéromateux en protrusion dans la lumière, causant une sténose visible par la mosaïque de couleurs au doppler.
L’hypertension artérielle (HTA) est fréquemment associée à l’AOMI et présente des particularités qu’il convient de connaître pour une prise en charge optimale. Les lignes directrices ESC 2024 soulignent que la diffusion de l’athérome aux troncs supra-aortiques expose à un risque accru de sténose de l’artère sous-clavière, pouvant causer une asymétrie tensionnelle et une sous-estimation de la pression artérielle centrale. Une mesure soignée de la pression artérielle aux deux bras est donc indispensable à l’évaluation initiale et doit être régulièrement répétée.
Il est aussi recommandé d’éviter la prise de tension artérielle immédiatement après le tabagisme, car une augmentation transitoire des valeurs tensionnelles peut persister pendant environ 30 minutes, faussant ainsi l’évaluation clinique.
Les patients avec AOMI présentent souvent une HTA masquée, comme l’ont montré des études en monitorage ambulatoire de la pression artérielle (MAPA). Les raisons de cette HTA masquée restent incertaines, mais elles pourraient inclure une variabilité tensionnelle accrue et une rigidité artérielle sous-jacente.
L’HTA associée à l’AOMI est souvent résistante aux traitements conventionnels. Les causes principales incluent la rigidité artérielle causée par la diffusion de l’athérome, entraînant une HTA systolique isolée ou prédominante, et la présence fréquente de maladies rénales ou réno-vasculaires sous-jacentes. Parmi les causes spécifiques d’HTA secondaires, la sténose de l’artère rénale est particulièrement fréquente, avec une prévalence variant de 25 à 50 % dans les séries artériographiques. Cependant, il est crucial de noter que la présence d’une sténose de l’artère rénale ne justifie pas systématiquement une intervention de revascularisation, et son implication dans la genèse de l’HTA doit être évaluée avec prudence.
6.1 Modifications des facteurs de risque
Le premier objectif important est de mettre en place un programme de modifications actives des facteurs de risque, y compris la normalisation tensionnelle. Les recommandations récentes de l’ESC 2024 insistent sur l’arrêt du tabac, la gestion stricte du cholestérol LDL, le contrôle du diabète, les soins podologiques adaptés, et la mise en place d’un programme d’exercice physique supervisé. Ces interventions sont cruciales pour réduire le risque cardiovasculaire global chez les patients atteints d’AOMI.
Les mesures générales pour les patients hypertendus incluent la réduction pondérale, la limitation de la consommation de sel et d’alcool, et un régime alimentaire riche en potassium et en calcium, aligné avec les recommandations diététiques actuelles pour les patients à haut risque cardiovasculaire. Une étude récente a démontré que l’activité physique chez les sujets avec une AOMI réduit significativement la mortalité et les événements cardiovasculaires, soulignant l’importance de l’exercice régulier dans cette population.
6.2 Normaliser la pression artérielle
Le second objectif est la normalisation de la pression artérielle. L’ESC 2024 considère l’AOMI comme un équivalent de maladie coronaire symptomatique en termes de risque cardiovasculaire, justifiant une approche agressive pour atteindre des cibles tensionnelles inférieures à 140/90 mmHg. Les cibles peuvent être abaissées à <130/80 mmHg si bien tolérées, bien qu’il n’existe pas encore d’études spécifiques pour conforter ces recommandations dans le contexte de l’AOMI.
Cependant, une réduction trop rapide ou trop marquée de la pression artérielle peut potentiellement altérer la perfusion des membres inférieurs, notamment chez les patients symptomatiques présentant une claudication intermittente. Ce risque est moins préoccupant chez les patients avec un index de pression systolique (IPS) abaissé sans symptômes cliniques.
Toutes les classes d’antihypertenseurs recommandées par les directives internationales peuvent être utilisées dans l’AOMI. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ont une indication privilégiée, en raison de leur bénéfice démontré dans les populations à risque cardiovasculaire élevé, incluant les patients hypertendus et claudicants symptomatiques. Les résultats de l’étude HOPE ont montré que le ramipril à 10 mg/j réduit la mortalité de 26 %, les infarctus de 20 %, et les AVC de 32 % parmi les patients atteints d’AOMI*.
Les études montrent que les IEC, comparés aux bloqueurs des canaux calcium (BCC) ou aux bêta-bloqueurs (BB), améliorent significativement le flux sanguin des membres inférieurs, tout en contrôlant efficacement la pression artérielle. Lorsqu’une combinaison est nécessaire, l’ajout d’un diurétique thiazidique à faible dose est efficace. Les données de l’étude ACCOMPLISH suggèrent que l’addition d’une dihydropyridine à un IEC pourrait être une option encore plus efficace en termes de contrôle tensionnel et de prévention des complications cardiovasculaires.
Les bêta-bloqueurs sont généralement réservés aux cas avec indications spécifiques, telles que l’angor symptomatique, le post-infarctus, l’insuffisance cardiaque (sous réserve de l’AMM dans ces indications) ou la dissection aortique. Contrairement à certaines croyances, les bêta-bloqueurs n’aggravent pas la claudication, comme l’a démontré la méta-analyse de Radack. Il n’existe donc pas de contre-indication à leur utilisation dans l’AOMI, y compris au stade de la claudication (grade A).
Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA2, sartans) ont également montré une amélioration de la distance de marche chez les patients avec AOMI, potentiellement en interagissant avec les récepteurs de l’angiotensine II de type 2, favorisant ainsi un effet bénéfique sur la musculature lisse vasculaire. L’inhibition du système rénine-angiotensine reste une voie de recherche prometteuse pour améliorer la prise en charge de l’AOMI.
6.3 Réduction de la morbi-mortalité et amélioration de la symptomatologie
Le troisième objectif, et le plus important, du traitement est la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire par une approche pharmacologique. En plus des IEC et des bêta-bloqueurs (BB) en cas d’antécédents coronariens, les statines et les antiagrégants plaquettaires doivent être largement prescrits chez les patients atteints d’AOMI. Ces médicaments jouent un rôle central dans la prévention des événements cardiovasculaires majeurs.
L’usage des statines est fortement recommandé (grade A) par l’ESC 2024, avec un objectif de LDL-cholestérol de < 0,70 g/L chez les patients présentant une AOMI symptomatique et un risque cardiovasculaire très élevé, notamment en cas de polyartériopathie ou de multiples facteurs de risque. Ces recommandations reposent sur des analyses de sous-groupes des études majeures telles que HPS et 4S, qui montrent une réduction substantielle des événements cardiovasculaires grâce à une réduction intensive du LDL.
Les statines ont également démontré des effets bénéfiques sur la claudication intermittente, comparables, voire supérieurs, à ceux des vasodilatateurs périphériques. Le mécanisme précis de cet effet reste incertain, mais pourrait être lié à la stabilisation des plaques d’athérome et à des effets pro-angiogéniques. En conséquence, les statines sont préférées aux vasodilatateurs dans ce contexte, en raison de leur impact significatif sur la réduction de la morbi-mortalité.
Pour les individus ayant une AOMI symptomatique, une dose d’aspirine de 75 à 100 mg/j est recommandée pour prévenir le risque d’infarctus, d’AVC et de mortalité cardiovasculaire. Selon les directives de l’ESC 2024, cette recommandation est de grade IA pour tous les patients symptomatiques ou présentant des atteintes artérielles associées. Toutefois, l’aspirine à faible dose n’est pas indiquée chez les patients asymptomatiques sans autre atteinte artérielle, conformément aux recommandations antérieures.
Dans une méta-analyse de l’Antithrombotic Trialists’ Collaboration chez 9 706 patients atteints d’AOMI, la réduction des événements sous antiagrégants plaquettaires a été de 23 %, l’aspirine étant le médicament le plus utilisé. La posologie optimale semble être de 75 mg/j, offrant une efficacité comparable à des doses plus élevées (160 ou 325 mg/j) mais avec un risque de saignement proportionnellement moindre. Il est recommandé de ne pas débuter le traitement antiagrégant avant que la pression artérielle ne soit suffisamment contrôlée chez les patients hypertendus, afin de minimiser le risque d’hémorragie cérébrale.
Le clopidogrel (75 mg/j) a montré une supériorité par rapport à l’aspirine (325 mg/j) dans l’étude CAPRIE, réduisant le risque d’événements combinés (infarctus, AVC, décès cardiovasculaires) de 24 % avec un risque de saignement moindre. Le clopidogrel peut être utilisé en alternative à l’aspirine chez les patients avec AOMI symptomatique, bien que la combinaison aspirine + clopidogrel n’ait pas démontré de bénéfice supplémentaire par rapport au clopidogrel seul, comme l’a révélé l’étude CHARISMA.
L’anticoagulation orale par antivitamines K (AVK) n’est pas recommandée chez les patients atteints d’AOMI, que ceux-ci soient hypertendus ou non. Dans une méta-analyse de l’étude WAVE incluant 4 889 patients, les AVK n’ont pas montré de réduction de la mortalité et ont augmenté le risque de saignement par rapport à l’aspirine.
L’essai COMPASS a récemment montré que l’association d’aspirine (100 mg/j) au rivaroxaban (2,5 mg deux fois par jour) réduit significativement les événements cardiovasculaires majeurs et les complications liées à l’évolution de l’AOMI. Cette combinaison thérapeutique est une option prometteuse pour les patients à très haut risque, incluant ceux avec une AOMI symptomatique.
Hormis les statines, les autres médicaments cardiovasculaires tels que les antihypertenseurs n’ont que peu d’effet sur l’amélioration des symptômes ou du périmètre de marche chez les patients atteints d’AOMI. Cependant, plusieurs traitements symptomatiques peuvent être envisagés chez les patients avec AOMI symptomatique afin de soulager les symptômes de claudication intermittente et d’améliorer la qualité de vie.
Le cilostazol (Pletal®), un inhibiteur des phosphodiestérases de type 3, est recommandé (grade A) par l’AHA/ACC et l’ESC 2024 chez les patients avec AOMI symptomatique. Ce médicament améliore significativement la distance de marche et les symptômes grâce à ses effets vasodilatateurs, antiagrégants plaquettaires et inhibiteurs de la prolifération des cellules musculaires lisses. Cependant, il est contre-indiqué chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque en raison d’un risque accru d’effets indésirables cardiovasculaires. À noter que ce médicament n’est pas commercialisé en France, limitant ainsi son accessibilité.
Le naftidrofuryl (Praxilène®), un antagoniste des récepteurs sérotoninergiques de type 2, est largement utilisé en France pour la prise en charge de la claudication intermittente. Il exerce ses effets en améliorant le métabolisme aérobie du muscle squelettique et en favorisant la vasodilatation, ce qui permet d’améliorer les symptômes ischémiques et d’augmenter la distance de marche. Il est recommandé à une dose de 600 mg par jour, répartie en trois prises. Ce traitement est souvent préféré en raison de sa bonne tolérance et de son efficacité démontrée dans les études cliniques.
La pentoxifylline (Fonzylane®), une méthylxanthine ayant des effets sur la viscosité sanguine et la déformabilité érythrocytaire, est proposée comme traitement de seconde ligne. Elle est administrée à la dose de 400 mg trois fois par jour, bien que son efficacité clinique soit inférieure à celle du cilostazol et du naftidrofuryl. Les preuves soutenant son utilisation sont moins robustes, et son effet sur l’amélioration des symptômes est modéré.
D’autres options thérapeutiques, comme l’utilisation de L-arginine, propionyl-L-carnitine et gingko biloba, restent controversées en raison de données limitées et d’une efficacité incertaine. Les vasodilatateurs tels que la PGE1 IV (prostacycline intraveineuse), le beraprost (un analogue oral de la prostacycline), et la vitamine E ne sont pas recommandés dans la prise en charge de l’AOMI, car les études disponibles ne démontrent pas un bénéfice clinique suffisant pour justifier leur utilisation courante.
Plus récemment, des thérapies ciblant des mécanismes pathophysiologiques spécifiques, comme les stimulateurs de la guanylate cyclase soluble (par exemple, le riociguat), sont en cours d’évaluation pour leur potentiel à améliorer la perfusion tissulaire et la fonction endothéliale. Cependant, ces traitements demeurent au stade expérimental et ne font pas encore partie des recommandations standard.
Ces recommandations soulignent l’importance d’une approche globale dans la gestion de l’hypertension chez les patients avec AOMI pour réduire les risques cardiovasculaires.
1. Association avec d’autres maladies : L’AOMI est souvent liée à des maladies athéroscléreuses étendues, telles que la maladie coronarienne (MC), l’insuffisance cardiaque (IC), l’anévrisme aortique et la maladie rénale chronique (MRC), ce qui classe les patients comme à haut ou très haut risque cardiovasculaire [Emdin 2015, Aboyans 2018].
2. Pression artérielle et AOMI : L’AOMI est associée à des niveaux élevés de pression artérielle (PA). Dans un registre du Royaume-Uni, une PAS élevée de 20 mmHg au-dessus de la normale augmentait le risque d’AOMI de 63 % [Emdin 2015], bien que cette association diminue avec l’âge croissant [Rapsomaniki 2014].
3. Contrôle de la PA : Aucun essai clinique randomisé (ERC) n’a spécifiquement évalué les cibles de PA pour réduire les événements liés à l’AOMI, mais le contrôle de la PA est recommandé comme partie intégrante de la réduction du risque cardiovasculaire chez les patients hypertendus avec AOMI. Un faible taux de contrôle de la PA est constaté dans la pratique clinique [Ya’qoub 2019].
4. Médicaments antihypertenseurs : Les diurétiques, les BCC, et les BSRA préviennent les événements liés à l’AOMI de manière égale selon les extrapolations de l’étude ALLHAT [Itoga 2018, Piller 2014]. Les bêta-bloqueurs (BB), bien qu’absents d’ALLHAT, n’aggravent pas les symptômes de claudication intermittente selon deux méta-analyses [Paravastu 2009, Radack 1991]. Nebivolol et métoprolol ont été bien tolérés dans un ERC [Espinola-Klein 2011].
5. Ischémie critique des membres : La réduction de la PA doit être lente pour minimiser le risque d’aggravation de l’ischémie. L’étude ALLHAT montre un risque accru d’événements avec une PAS < 120 mmHg ou > 160 mmHg et une PAD basse (< 60 mmHg) [1276].
6. Essais ALLHAT et EUCLID : Dans l’essai EUCLID, une PAS > 125 mmHg augmente les événements CV et d’AOMI, tandis qu’une PAS jusqu’à 125 mmHg n’augmente pas les événements d’AOMI, sans lien entre la PAD et ces événements [Fudim 2021].
7. Modifications du mode de vie et traitements complémentaires : Le traitement antihypertenseur doit inclure l’arrêt du tabac, les médicaments hypocholestérolémiants et la thérapie antithrombotique, souvent nécessaires chez ces patients [Aboyans 2018].
Les directives ESC 2024 soulignent une approche globale pour la gestion de l’hypertension chez les patients atteints d’AOMI, en raison du risque cardiovasculaire élevé associé à cette pathologie. L’objectif principal est de réduire la morbi-mortalité cardiovasculaire à travers une thérapie pharmacologique ciblée, des modifications du mode de vie, et une surveillance rigoureuse de la pression artérielle.
Hypertension et AOMI comme condition à haut risque :
L’AOMI est un marqueur de maladie athéroscléreuse, souvent associée à des maladies coronariennes et des sténoses rénales.
L’hypertension est fréquente chez ces patients et augmente le risque d’événements cardiovasculaires et de mortalité.
Les patients avec AOMI sont classés à très haut risque cardiovasculaire, justifiant une gestion plus agressive de l’hypertension.
L’utilisation de l’IPS pour le dépistage de l’AOMI doit être systématique, notamment chez les patients asymptomatiques.
Tabagisme, HTA, diabète, et hypercholestérolémie restent les principaux facteurs de risque. Le contrôle strict de ces facteurs est essentiel pour réduire le risque cardiovasculaire associé.
Prise en charge de l’HTA :
Chez les patients avec AOMI, une attention particulière doit être portée aux asymétries tensionnelles et à l’HTA masquée. La mesure régulière de la pression artérielle aux deux bras et l’utilisation du MAPA sont recommandées pour une évaluation précise.
Les objectifs de pression artérielle chez les patients avec AOMI sont alignés sur ceux des autres populations à très haut risque, avec un objectif recommandé de <140/90 mmHg, ajustable selon la tolérance du patient.
Les IEC sont les agents de choix pour la gestion de l’HTA chez les patients avec AOMI, avec des données solides soutenant leur utilisation pour réduire les événements cardiovasculaires majeurs. Les combinaisons avec BCC ou diurétiques thiazidiques offrent des options supplémentaires pour une meilleure gestion. -- Les **bêta-bloqueurs ne sont pas contre-indiqués et peuvent être utilisés en cas d’indications spécifiques, comme les maladies coronariennes. -- L’identification des causes de résistance, incluant la rigidité artérielle et les atteintes rénales, est primordiale pour ajuster le traitement antihypertenseur.
Modifications du mode de vie :
L’arrêt du tabac, la gestion du poids, la réduction du sodium, et l’exercice physique supervisé sont fortement recommandés.
L’activité physique améliore la santé cardiovasculaire et réduit la mortalité chez les patients avec AOMI.
Prévention cardiovasculaire :
Statines : Recommandées pour atteindre un objectif de LDL-cholestérol de < 0,70 g/L chez les patients symptomatiques, en raison de leur bénéfice sur la réduction des événements cardiovasculaires.
Antiagrégants plaquettaires : L’aspirine et le clopidogrel sont les antiagrégants de choix, le clopidogrel offrant une alternative sûre et efficace à l’aspirine.
Anticoagulation : L’utilisation des AVK est déconseillée en raison du risque accru de saignement sans bénéfice sur la mortalité. Le rivaroxaban à petite dose est prometteur en combinaison avec l’aspirine.
Précautions thérapeutiques : La gestion de l’HTA doit précéder l’introduction des antiagrégants pour minimiser les risques de saignement.
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