La dysplasie fibromusculaire désigne un groupe de maladies non athéroscléreuses et non inflammatoires des artères de moyen calibre, entraînant des sténoses segmentaires et parfois des anévrysmes et/ou des dissections. L’atteinte des artères rénales est soit asymptomatique, soit révélée par une hypertension artérielle, rarement une complication aiguë (infarctus/hémorragie).
L’imagerie en coupes ou par angiographie permet de différencier les dysplasies fibromusculaires multifocales (aspect en collier de perles) des dysplasies fibromusculaires focales (sténose tubulaire). Il convient d’évoquer plusieurs diagnostics différentiels, et de rechercher une atteinte des vaisseaux du cou.
Il faut encourager le sevrage tabagique et discuter du bénéfice éventuel d’une revascularisation rénale.
Les meilleures indications sont l’hypertension artérielle récente ou résistante, et l’atrophie rénale progressive.
L’angioplastie sans endoprothèse est la technique de revascularisation de choix des formes purement sténosantes.
Le terme de dysplasie fibromusculaire artérielle (Orphanet : ORPHA 336, CIM-10 : I77.3) s’applique à un groupe de maladies artérielles non athéroscléreuses et non inflammatoires. Elles réduisent le calibre artériel, entraînant des sténoses ou des occlusions. Elles peuvent s’associer à des anévrysmes et se compliquer de dissections, mais les anévrysmes et les dissections ne suffisent pas au diagnostic de dysplasie fibromusculaire car ils peuvent être isolés ou associés à d’autres maladies artérielles : c’est la présence de lésions sténosantes qui définit le type de maladie [1]. La dysplasie fibromusculaire atteint les artères de moyen calibre, les plus fréquemment concernées étant les artères rénales et les troncs supraaortiques. Ce cours se limite à la dysplasie fibromusculaire des artères rénales.
Les classifications anatomopathologiques, utilisées à l’époque où le traitement était chirurgical, distinguaient trois à cinq types de dysplasie fibromusculaire (revue dans [2]). Elles ne sont plus applicables car non consensuelles, fondées sur de petits nombres d’observations, et parce que le traitement conservateur ou par angioplastie est utilisé dans la majorité des cas si bien qu’on ne dispose plus d’échantillons histologiques. La classification actuelle est fondée sur l’imagerie artérielle (angioscanner, angiographie par résonance magnétique [ARM?] ou artériographie) et distingue deux types de dysplasie fibromusculaire [2–4] (Figure 1) :
Tableau 1. Sténoses non athéroscléreuses des artères rénales |
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Dysplasie fibromusculaire (2 phénotypes, focal et multifocal) |
Artérites inflammatoires (Takayasu, Kawasaki, polyartérite noueuse) |
Sténoses de l’aorte (Coarctation, midaortic syndrome) |
Dissections artérielles (Dissection aortique étendue aux artères rénales, hématome disséquant, dissections au cours des maladies familiales.) |
Radiothérapie (Sténose radique) |
Maladies génétiques avec atteinte vasculaire (Neurofibromatose de type I, pseudoxanthome élastique, syndromes d’Elhers-Danlos vasculaire, de Marfan, d’Alagille et de Williams) |
Spasmes artériels (Abus de sympathomimétiques et de dérivés de l’ergot de seigle, phéochromocytomes) |
Compressions extrinsèques (Tumeurs et fibrose rétropéritonéales, compression par un pilier du diaphragme) |
La prédominance féminine de la dysplasie fibromusculaire suggère un rôle des stéroïdes sexuels, mais une étude cas-témoin n’a pas trouvé de différence dans le nombre de grossesses ou le mode de contraception entre des femmes atteintes de la maladie et des femmes témoins [5]. Une étude préliminaire a trouvé une expression intense du récepteur nucléaire à la progestérone dans des cellules musculaires lisses d’artère rénale chez femmes opérées pour une dysplasie fibromusculaire, expression qui était absente chez des femmes opérées pour d’autres maladies rénovasculaires ; cette observation reste à confirmer [6]. La prédominance des lésions artérielles rénales à droite a fait évoquer le rôle de microtraumatismes car le rein droit est plus mobile que le gauche. Cette hypothèse n’a pas été confirmée par l’étude citée plus haut, la ptose rénale étant similaire chez les femmes avec ou sans dysplasie fibromusculaire [5].
Plusieurs études cas-témoin ont montré une association entre dysplasie fibromusculaire et exposition au tabac (revue dans [7]), suggérant qu’un facteur spastique pourrait participer à l’expression clinique de la maladie. Des cas familiaux de dysplasie fibromusculaire sont connus, suggérant une prédisposition génétique (OMIM 135580) [8]. Une analyse d’exome sur une série de 16 cas de dysplasie fibromusculaire appartenant à sept familles différentes n’a pas permis de mettre en évidence des variants rares d’un gène majeur de susceptibilité commun à plusieurs familles, soulignant l’hétérogénéité très probable de cette pathologie [9]. Les futures études d’association à l’échelle du génome entier devraient permettre d’identifier les variations génétiques de susceptibilité à la dysplasie fibromusculaire les plus fréquentes.
Les signes et symptômes de la dysplasie fibromusculaire des artères rénales, quand ils sont présents, sont ceux de l’ischémie d’aval, en particulier l’hypertension artérielle, et/ou ceux des rares complications aiguës : infarctus rénal en cas de dissection, ou hématome intra- ou rétropéritonéal en cas de rupture d’un anévrysme. Les situations cliniques au cours desquelles la recherche d’une dysplasie fibromusculaire est recommandée chez une personne hypertendue sont indiquées au Tableau 2 [3,4].
Tableau 2 : Recommandations européennes (a) et américaines (b) : Présentations cliniques justifiant la recherche d’une dysplasie fibromusculaire chez une personne hypertendue.
Européennes |
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Américaines |
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La dysplasie fibromusculaire, en particulier dans la forme multifocale, est souvent asymptomatique, si bien que sa fréquence est sous-estimée. La prévalence d’une dysplasie fibromusculaire asymptomatique est de 2 à 4 % dans les séries d’angioscanners ou d’artériographies rénales réalisés chez les donneurs potentiels de reins, alors que celle des cas « symptomatiques », diagnostiqués chez les hypertendus, est dix fois plus faible [10]. La dysplasie fibromusculaire n’est donc pas une maladie rare, mais plutôt une maladie rarement diagnostiquée chez l’adulte. Comme indiqué plus haut, la dysplasie fibromusculaire des artères rénales peut s’associer à des anévrysmes ou à une dysplasie sur d’autres sites. Dans la cohorte française, 20 % des patients atteints de dysplasie fibromusculaire des artères rénales avaient au moins un anévrysme de la circulation rénale, et 47 % avaient une dysplasie fibromusculaire documentée sur les artères cervicales [2]. Il ne s’agit que d’une estimation car la recherche des lésions associées n’était pas systématique, ce qui expose à un biais d’exploration.
La dysplasie fibromusculaire existe chez l’enfant où elle est généralement focale ; elle peut avoir une forme sévère et progressive ou s’associer à une atteinte aortique (midaortic syndrome) [11].
Les critères angiographiques doivent être documentés par une imagerie en coupes (angioscanner ou ARM) ou par une artériographie. Il n’y a pas en effet de données publiées concernant la sensibilité et la spécificité du Doppler pour le diagnostic de dysplasie fibromusculaire. Selon le consensus européen [3] :
Figure 1 : Aspects angiographiques des dysplasies fibromusculaires des artères rénales.
A et B. Dysplasie multifocale.
C et D. Dysplasie focale.
A et C. Artériographie.
B et D. Angioscanner.
L’aspect en perles enfilées de la dysplasie fibromusculaire multifocale est quasi-pathognomonique, le diagnostic différentiel étant l’exposition chronique à des toxiques vasoconstricteurs. Le diagnostic de dysplasie fibromusculaire focale repose sur des images non spécifiques et sur des critères négatifs d’exclusion [3]. La distinction entre dysplasie fibromusculaire focale et athérosclérose est généralement aisée car les lésions athéroscléreuses touchent l’origine ou la partie proximale des artères rénales, sont associées à des plaques aortiques, et surviennent chez des patients plus âgés cumulant un ou plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire.
Les maladies artérielles syndromiques, généralement autosomiques dominantes, sont reconnues par leurs atteintes extravasculaires et affirmées par le diagnostic génétique :
La distinction entre dysplasie fibromusculaire focale et maladie de Takayasu repose, dans le premier cas, sur l’absence de stigmate biologique d’inflammation sauf en cas d’infarctus associé, et dans le second cas, sur la présence fréquente d’un épaississement de la paroi vasculaire en angioscanner, ARM ou tomographie par émission de positons au fluorodésoxyglucose [15].
Le sevrage tabagique doit être encouragé chez les fumeurs ayant une dysplasie fibromusculaire car l’exposition au tabac est associée à un phénotype plus sévère [7].
Chez les patients normotendus atteints d’une dysplasie fibromusculaire des artères rénales, il n’y a pas de donnée sur l’utilité d’une revascularisation par angioplastie ou par pontage chirurgical, mais celle-ci peut être envisagée s’il existe un petit rein d’aval, ou si la hauteur d’un rein d’aval s’est réduite d’au moins un centimètre à deux examens successifs [3].
Chez les patients hypertendus, il n’y a aucun essai contrôlé permettant de définir clairement les indications de revascularisation. Le traitement a pour objectif de contrôler l’hypertension artérielle et de préserver la fonction rénale. En l’absence de donnée probante, les indications doivent être discutées par une équipe pluridisciplinaire (spécialistes de l’hypertension artérielle, neurologues, cardiologues, néphrologues, chirurgiens, radiologues interventionnels).
Une revascularisation de première intention est envisagée si la guérison de l’hypertension artérielle semble possible, par exemple chez une personne jeune (30 ans ou moins), dont l’hypertension artérielle est récente (1 an ou moins), ou qui souffre d’une dysplasie fibromusculaire focale.
A défaut, le traitement de première intention de l’hypertension artérielle est médicamenteux et une revascularisation est considérée :
Si l’indication de revascularisation est retenue, la méthode de première intention est l’angioplastie percutanée simple [3]. La mise en place d’une endoprothèse n’est pas recommandée parce que le taux de resténose est faible [17] dans la dysplasie fibromusculaire et parce qu’une endoprothèse peut compromettre un pontage chirurgical s’il devient nécessaire. Une méta-analyse? a montré que la fréquence de la guérison de l’hypertension artérielle (pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg sans traitement) après angioplastie est en moyenne de 36 % avec un taux de complications majeures de 6 % [18]. Une revascularisation chirurgicale est envisagée dans les cas de sténose associée à des anévrysmes, de lésions complexes au niveau des bifurcations artérielles, et dans les rares cas de resténose après deux angioplasties. La méta-analyse rapporte une fréquence de guérison de l’hypertension artérielle après chirurgie de 54 % avec un taux de complications majeures de 15 % [18]. La néphrectomie n’est proposée qu’en cas d’échecs répétés de revascularisation ou en présence d’un petit rein endocrine, n’ayant plus de fonction à la scintigraphie rénale quantitative, mais responsable d’une hypertension artérielle rénine-dépendante.
Il y a peu de données sur l’angioplastie dans l’artérite de Takayasu. On propose généralement l’angioplastie chez des patients qui ne sont plus en phase d’inflammation active. La plus grande prudence s’impose dans les SAR familiales car l’angioplastie peut être difficile (neurofibromatose de type I) ou dangereuse (maladie d’Elhers-Danlos vasculaire). Les patients doivent être adressés aux centres de référence pour ces maladies rares (lien).
Au décours d’une revascularisation, il est habituel de réduire ou de suspendre le traitement antihypertenseur et de revoir le patient après un mois pour juger de l’évolution tensionnelle. A plus long terme après revascularisation, ou dans le cas de traitement médical conservateur, on conseille une surveillance trimestrielle de la pression artérielle et un contrôle annuel de la créatinine plasmatique et de la hauteur des reins par l’échographie.
Cette surveillance peut être indéfinie, en particulier en cas de dysplasie fibromusculaire multifocale bilatérale ou de dysplasie fibromusculaire focale, qui pourraient avoir un plus grand risque évolutif que la dysplasie fibromusculaire multifocale unilatérale [3,4].
Il est également possible de suspendre la surveillance échographique après deux ans et de ne la reprendre qu’en cas d’élévation de la pression artérielle et de la créatinine plasmatique [3].
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Voir en ligne : Maladies vasculaires rares